Ce billet est extrait de la newsletter hebdomadaire de notre rédactrice en chef Candice Satara « Le Balagan ». Candice est mère de quatre garçons âgés de 2 à 12 ans. Pour la recevoir, vous pouvez vous abonner gratuitement ici.
Le conflit fait partie de la vie, m’a dit une psychologue il y a quelque temps. Il est même présent à l’intérieur de nous quand on est tiraillé entre deux choix, entre deux jugements antagonistes nous concernant. « Abandonne, t’es une merde », « Vas-y t’es une tu vas assurer.» Ma vie. L’alliance improbable entre un égo démesuré, et un syndrome de l’imposteur aigu. Je vais vous donner quelques exemples de disputes.
Je peux lui lancer, comme ça, « Décidément, tu ne sais pas choisir les fruits, tes pommes n’ont aucun goût et les poires sont dures comme de la pierre. Et puis tu aurais pu prendre des kiwis, tu sais bien, ils adorent les kiwis ». Forcément, le conjoint part au quart de tour tandis que je rumine. Autre exemple : je rentre tard, il donne à dîner aux jumeaux : de la ratatouille, comme ça, solo dans l’assiette. Tristesse pour eux franchement. « Ben alors, tu as oublié les féculents ? , lui dis-je. Enfin, il leur faut des féculents le soir avec les légumes, ça coule de source ? ». « Ça va, ça va », me répond-t-il, soulé. Et là, il me regarde, ajoute : « Faut pas me demander d’être dans ta tête ! » J’ai tout de suite noté cette phrase parce que ce n’est pas la première fois qu’il me la dit, et qu’elle est quand même symptomatique d’une certaine forme d’incompréhension mutuelle.
Chacun interprète les mots de l’autre
Claire Fradet, coach de vie, spécialisée dans les relations de couple, fondatrice de @YesWeBloom m’a confié que dans ses coaching, elle entendait souvent ce genre d’histoires. « Le problème, m’explique-t-elle, c’est que vous allez donner une signification négative à sa phrase, l’interpréter comme un manquement de sa part, ‘il ne me respecte pas, s’il était plus attentif à notre vie de famille, il saurait que… les poires’. Car dans votre tête, vos attentes sont légitimes et justifiées, et l’autre devrait le savoir ».
C’est exactement ça. Non seulement je lui reproche d’oublier des choses évidentes (les féculents), mais en plus je lui en veux de ne pas les faire à MA manière. On est coincé. Je suis bloquée dans un mélange d’impuissance et de frustration, comment en sortir par le haut ?
Je précise que, même si ça n’en a pas l’air, que mon couple est très égalitaire, l’homme est quasi déconstruit, chacun fait sa part du boulot, mais il y a quand même des tâches qui me reviennent de facto : les courses, les repas, les vêtements des enfants. C’est peut être d’ailleurs, parce que la répartition du travail domestique est équilibrée chez nous justement, que je trouve qu’il n’en fait jamais assez. C’est plus simple dans les couples «traditionnels », y a -t-il moins de tensions, ou alors la mère ronge-t-elle son frein en silence ?
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Le manuel : ce volume de règles qu’on a dans la tête
Chacun de nous a dans sa tête un « manuel », poursuit la coach, qui comprend « l‘ensemble des règles explicites ou implicites sur comment les choses devraient être faites, à quelle fréquence, sur quel critère ». Et on s’attend à ce que l’autre personne suive notre manuel, nos règles, même si on les a pas énoncées clairement. Comment réussir à accepter que l’autre fasse à sa manière ou fasse « mal », simplement parce qu’il a moins l’habitude ? Ce matin, il me dit comme chaque jour, « t’as sorti les affaires des bébés ?». « Non, mais pourquoi moi plus que lui?? ». J’en déduis que je suis décidément la préposé aux vêtements et c’est vrai que ça m’agace. Mince, il pourrait s’impliquer un peu plus ! Pourtant, lui fait un milliard de choses auxquelles je n’essaie même pas de participer, genre les impôts, genre les travaux.
Est-ce que cela doit être fait à ce moment précis, à ma façon ?
Mon mari ne connaît pas parfaitement mon manuel et réciproquement ? Mon interlocutrice reprend : « L’autre, vous l’avez choisi, c’est un adulte compétent, et si vous n’étiez pas là, il arriverait quand même à s’occuper des enfants. Ayez la curiosité de vous dire ‘si j’arrête d’être dans le contrôle permanent, qu’est-ce qui se passera ?’» Sans aucune hésitation : « Ils auront les dents sales ». Je plaisante, chez moi, je pense que tout se passera bien, pas à ma manière, mais clairement bien. Oui, il y a probablement d’autres manières de faire. J’essaie de me dire qu’il est de bonne foi et qu’il fait de son mieux.
C’est quand même hallucinant tout ce qu’on se trimballe nous les femmes, ce patriarcat qui nous a rabaché pendant des siècles que nous étions les gardiennes du foyer et que sans nous rien ne pouvait rouler, que la maison était notre « territoire » quand bien même on faisait mille autres choses à côté. Peut-être que parmi vous, il y a des femmes qui ne sont pas comme moi, dans ce besoin de perfection, peut-être que dans votre couple le schéma est inversé, ce que je vous raconte n’est que le reflet de ma propre expérience avec ma grille d’analyse et j’essaie, petit à petit, de changer d’état d’esprit.
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