« Les bébés, venez manger ! ». Depuis leur naissance, nous avons pris l’habitude d’appeler les jumeaux, les bébés. Sauf qu’aujourd’hui ils ont 3 ans et mon entourage commence à s’étonner de cette appellation. C’est vrai que c’est un peu ridicule. Ils ont passé depuis longtemps le fameux cap des 1000 jours et depuis peu celui des 3 ans. Ils parlent de mieux en mieux et ont définitivement abandonné couches et tétines. Faut-il situer le point de bascule le jour où ledit bébé te dit un samedi matin au réveil : “Arrête de parler, tu sens mauvais de la bouche”.
Ce billet est extrait de la newsletter hebdomadaire de notre contributrice Candice Satara : « Le Balagan ». Candice est mère de quatre garçons âgés de 3 à 12 ans. Pour la recevoir, vous pouvez vous abonner gratuitement ici.
Le « bébé illusion »
S’ils ne sont plus des bébés au sens physiologique, médical, psychologique, je les considère pourtant toujours comme des tout-petits, c’est sûrement le lot du (des) derniers(s). Le benjamin reste éternellement à nos yeux le bébé de la famille, celui qu’on chouchoute, qu’on ne veut pas laisser grandir et probablement que cela structure sa personnalité. Adulé, il cherchera toujours l’approbation dans le regard de l’autre. « Tellement de gens m’ont aimé, tout le monde devrait m’aimer ». Un mélange d’orgueil et de manque d’estime de soi.
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Une étude publiée dans la revue Current biology confirme ce phénomène. 740 mères ont répondu à un questionnaire et ont dû noter la taille qu’elles pensaient être celle de leurs enfants (âgés de 2 à 6 ans) sur un mur blanc. Eh bien la taille du « petit dernier» est sous-estimée dans 70% des cas alors que les parents sont capables de donner précisément la taille de l’aîné. Les chercheurs ont appelé cet effet le «bébé illusion ». Selon, eux cette « illusion » pourrait être bénéfique car elle inciterait les parents à consacrer plus d’attention à leur enfant. Les résultats de l’étude pourraient également donner du crédit à l’idée selon laquelle l’ordre de naissance contribue à façonner la personnalité, au risque de leur coller une étiquette.
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Les liens évoluent, rien n’est figé
Dans mon cas, ayant deux autres enfants de 11 et 12 ans, je perçois bien le décalage dans la démonstration de mes sentiments entre les grands et les petits. Je les aime autant, il n’y a pas de sujet, mais je crois que cet amour se traduit différemment. Il y a, avec le «bébé», ou celui qu’on considère comme tel, une proximité physique évidente, un contact charnel, le fait d’avoir tout le temps envie de l’embrasser, de le sentir, croquer son ventre, ses pieds, aimer l’odeur de sa transpiration de tête et de son petit cou humide. Des scientifiques ont montré que l’odeur de leur bébé stimulait chez les mères les mêmes zones du cerveau que celles activées lorsque nous mangeons nos plats préférés. Il y a aussi cet émerveillement que j’ai du mal à décrire quand je les regarde dormir ou que je les vois débarquer la tête ébouriffée au réveil de la sieste. Je pourrais citer mille exemples de situations où je ressens un amour débordant, irrationnel. Et ces photos que je prends à la moindre occasion, mon téléphone est rempli d’eux.
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À quel âge nos enfants cessent-ils d’être ces êtres humains miniatures qui nous ravissent ?
Encore une fois, mes ados m’émeuvent aussi, mais ce n’est pas pareil. Je suis tactile avec eux, j’aime les prendre dans mes bras, mais non, je n’ai aucune envie de renifler leur tête ou leurs pieds. Dieu m’en préserve. Spontanément, je situerai ce passage entre 5 et 8 ans. C’est progressif, on ne s’en rend pas compte. La dernière couche, le dernier biberon, la dernière tétine, le dernier caca essuyé, les derniers cheveux rincés, la dernière histoire, le dernier doliprane en pipette… et un jour la clé dans la serrure de la maison et la porte de la chambre qui claque. La séparation toute douce, le lien de dépendance qui s’amenuise sans crier gare.
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Je ressens de la mélancolie
Ce matin, je me disais encore que je ne les filmais pas assez, parce que je voulais garder des traces de leur voix de bébé, leurs mots déformés et leurs réflexions incongrues. Et les rires, surtout les rires. Parce qu’on oublie tout, absolument tout. Parce qu’un jour, ils ne m’appelleront plus le soir pour me demander un énième bisous, un énième câlin. Le cordon est coupé, et la nature est bien faite, car on ne souffre même pas. Mais je me demande quand même comment cela se fait que nos enfants peuvent devenir si lointains alors qu’on a été si proches. Les derniers sont nos bébés pour toujours, je crois, on ne peut pas les laisser partir, même si la fusion n’est plus là.
À ce sujet je vous partage le très joli post de @papaplume : « Un jour, on s’assiéra tous les deux sur le canapé, et la maison sera calme, rangée, silencieuse »
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