Après plusieurs décennies de batailles juridiques et divergences familiales, la musique de la chanteuse Aaliyah, qui a marqué l’histoire du R’n’B, devient disponible sur les plateformes de streaming musical. Mais ce n’est malheureusement pas tout.
Dans un entretien pour le magazine Billboard, Barry Hankerson, oncle de l’artiste défunte et détenteur des opus One in a Million et Aaliyah, a confirmé les rumeurs latentes sur un projet d’album posthume. L’artiste Drake n’avait jamais caché son admiration pour la chanteuse et avait ressuscité sa voix le temps d’un single en 2012 ; Future, Ne-Yo, Snoop Dogg et Timbaland — producteur d’Aaliyah de son vivant — feraient également partie du projet.
Le nom de Chris Brown figure également dans cette liste.
Que faudra-t-il pour que Chris Brown chute de son piédestal ?
En plus de sa participation à l’album posthume d’Aaliyah, Chris Brown est en préparation de son dixième album solo, Breezy, 16 ans après ses débuts. Sa carrière se porte donc comme un charme.
Il fait pourtant régulièrement la couverture des journaux pour des accusations de violences et de viol envers des femmes, et ce depuis plus de dix ans. En mars 2020, à Paris, une information judiciaire a également été ouverte à son encontre : il était accusé d’avoir violé une femme l’année précédente.
En 2009, sa carrière a été à peine ternie par la révélation de violences conjugales commises sur la star planétaire Rihanna alors qu’elle était en couple avec lui. À l’époque, quelques artistes seulement lui tournent le dos (dont, certes, des noms très puissants, à l’instar du couple Jay-Z/Beyoncé) ; du point de vue judiciaire, Chris Brown s’en sort avec une simple condamnation pour des travaux d’intérêt général.
Pas moins de sept albums solos et un projet commun avec Tyga suivent. Pour l’autrice Roxanne Gay, l’artiste jouit auprès du public — et a fortiori de l’industrie musicale — d’une « sphère incandescente » qui lui assure succès et estime, comme elle l’explique dans son best-seller Bad Feminist :
« Nous avons manqué à tous nos devoirs quand Chris Brown a reçu une simple réprimande pour son crime et qu’on l’a ensuite laissé chanter aux Grammy Awards de 2012 non pas une, mais deux fois. Nous avons manqué à tous nos devoirs quand il a reçu le Grammy du meilleur album R’n’B.
Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas le droit de tourner la page, mais il n’a pas affiché une once de repentance. Au contraire, il s’est vautré avec délectation dans son personnage de bad boy en narguant le public à tout bout de champ. Il est jeune et il perturbé, mais cela n’est qu’une explication, pas une excuse. »
L’autrice ne blâme pas à proprement parler les fans, mais plutôt le silence dans lequel se prélassent les artistes masculins pour profiter de l’impunité judiciaire qui entoure les violences conjugales.
Car Chris Brown n’est pas un cas isolé, et encore moins l’exception qui confirme la règle. En France, par exemple, selon les chiffres du Haut Conseil à l’Égalité portant sur les féminicides commis par conjoint ou ex entre 2015 et 2016, 65% des victimes avaient donné l’alerte à la police. Et 80% des plaintes avaient été classées sans suite.
Pour les hommes violents, le monde en général — et celui de la musique en particulier — est fait d’impunité.
It’s a man’s world…
La carrière de la chanteuse Aaliyah, enfant-star, a été gérée par sa famille après la sortie de son premier album produit par R. Kelly et sorti alors qu’elle n’avait que 15 ans.
Des rumeurs ont longtemps plané sur la nature de la relation entre les deux artistes et un éventuel mariage contracté alors que Aaliyah était encore mineure ; les révélations des abus sexuels commis par R. Kelly (dont le procès se déroule actuellement) permettent à présent une autre lecture de la vie et carrière de la chanteuse : abusée dans sa jeunesse, tragiquement décédée, et à présent couplée sans en avoir le choix à un autre artiste abusant des femmes…
Depuis la moitié des années 2010, le R’n’B évolue, dynamisé par une nouvelle vague d’artistes féminines — Normani, ABRA, SZA ou Mahalia, pour n’en citer quelques-unes. Pourtant, aucune voix féminine n’apparaît dans le projet d’album posthume d’Aaliyah. À la sororité, ses ayants droit ont préféré les voix masculines, même les plus nauséabondes. Roxane Gay nous dit encore :
« Nous manquons à tous nos devoirs chaque fois qu’un homme (célèbre) maltraite une femme sans subir les conséquences, que ce soit d’un point de vue légal, professionnel ou personnel. On nous répète en boucle qu’il est acceptable pour les hommes — célèbres ou pas — de maltraiter des femmes. Nous détournons le regard. Nous trouvons des excuses. Nous récompensons ces hommes pour leur mauvais comportement. Nous vous disons qu’en tant que jeune femme vous avez peu de valeur et guère de place dans cette société. »
C’est certain : Aaliyah méritait mieux.
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Crédit photo : @chrisbrown / Twitter
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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