« Uppercut de gauche à droite » : voici comment résumer le nouveau son de Thérèse.
Après son tout premier single « T.O.X.I.C » sorti en juillet, l’activiste et styliste sort « Chinoise ? ». À travers des paroles stéréotypées et des rimes acérées, l’artiste dénonce le racisme anti-asiatique. Une réalité en France.
Au-delà des agressions ordinaires, avec la crise sanitaire de nombreux témoignages attestent d’une recrudescence des violences ou insultes subies par des personnes perçues asiatiques. Pour dénoncer ce climat, de nombreux hashtags avait été relayés sur les réseaux dont #Jenesuispasunvirus.
« Chinoise ? », un titre pour en finir avec les poncifs racistes
Hassiba : « Chintok, Grain d’riz Manga, bar tabac Jacky Chan, Bruce Lee ». Le ton est donné dès les premières secondes d’écoute. L’idée était d’aller droit au but et de ne pas perdre de temps ?
Thérèse : La volonté derrière ce titre était de mettre en face des gens racistes avérés (ou pas) tout ce qu’on peut vivre au quotidien. Le racisme ordinaire envers les asiatiques est banalisé et extrêmement minimisé avec des « Ça va c’est de l’humour », etc. Dans la rue, de façon communément admise, quand un mec rentre dans un restaurant tu t’amuserais pas à imiter son accent. Pour les asiatiques, c’est pareil. Tout simplement.
Les gens ne s’en rendent pas compte parce qu’il y a des clichés positifs sur la communauté asiatique qui leur font du tort comme « travailleur docile ». Ce genre de clichés sous-entend inconsciemment que ce sont des gens qui ne se défendent pas ou ne portent pas plainte. On pense que c’est flatteur mais c’est enfermant.
Avec la crise sanitaire, il y a une vague de stigmatisations des personnes perçus asiatiques. Cet événement a-t-il été le déclic pour écrire cette chanson ?
J’ai commencé à écrire cette chanson il y a deux ans. J’ai eu plein d’épisodes différents concernant mes identités culturelles. En 2016, suite à la mort de Zhang Chaolin à Aubervilliers, je me suis réapproprié la question. J’ai rencontré des militants et j’ai participé à des tables rondes. En 2020 avec l’arrivée du Covid, je me suis rendue compte que tous les clichés dont j’avais souffert
étaient exacerbés.
Je me suis retrouvée sur les plateaux télés pour en parler dont France 5. C’était un rôle qui me tenait à cœur parce que j’avais peur pour ma famille et parce que je recevais beaucoup de témoignages de filles frappées à l’école. C’est une période qui m’a affecté émotionnellement. Pendant le confinement, j’ai commencé ce nouveau projet sorti au mois juillet et j’ai repensé à ce son que j’ai traduit parce qu’il était en anglais.
« Chinoise ? » une ode à la mixité sociale
Au-delà des paroles, l’instru de cette chanson a clairement son importance, avec un mix de sonorités ?
On entend un instrument chinois à corde. Il y a une volonté de jouer entre le kitch et le beau. Les notes sont volontairement caricaturales. C’est aussi caricatural que le regard que certaines personnes peuvent poser sur moi. La force est d’en faire autre chose. De toute façon, je ne peux pas cacher que je suis asiatique en revanche, je peux changer le regard que les personnes posent sur les asiatiques.
C’est ce que je voulais faire avec cette chanson : j’assume je suis à moitié chinoise, un quart viet et un quart laotienne mais pas que ça. Je viens de banlieue et de classes populaires, j’ai fait une prépa HEC. J’ai travaillé dans le luxe puis avec les migrants et je fais de la musique. Je suis tout ça. Il y a six ou sept langues dans la chanson. Je suis ce mélange : sino-lao-viet née en France qui a grandi avec la culture pop américaine et aussi avec une mixité maghrébine et noire.
Aujourd’hui, il y a une génération qui revendique davantage ses différences ?
Il ne faut plus être complexée et être fière de ce mélange qui fait de nous des gens uniques. On est tous des petits bouts de quelque chose. Quand on me pose la question « Tu te sens asiatique ou tu sens française ? », je réponds que je me sens les deux, les trois voir les quatre. Pourquoi choisir ? On est une génération qui n’a plus honte de ses racines.
Je suis contente d’avoir travaillé là-dessus. Ado, j’avais honte de mes racines et de mon bánh mì à l’école, alors qu’aujourd’hui, j’en rigole, tout le monde se l’arrache. Et même si personne se l’arrachait, peu importe : je trouve ça bon et ça fait partie de moi.
Thérèse, une artiste sur tous le fronts
Alors que le monde de la culture est confiné, après la sortie de cette chanson, quelles sont les prochaines étapes pour toi ?
Actuellement, on prépare le tournage du clip pour le mois de janvier. Et l’EP en mars pour défendre la totalité du projet, inchallah ! En attendant, il y a de nouvelles formes pour rencontrer les gens. Je suis proche de mes communautés sur Instagram avec qui je discute. L’idée est d’humer ce que les gens pensent mais toujours dans une volonté d’inclusion.
Sur le féminisme, j’organise des discussions avec des hommes. On ne leur donne pas suffisamment la parole dans ce combat qui est commun, pour montrer que les hommes sont partants. J’organise aussi une série de tables rondes dans les snacks avec des artistes invisibilisées notamment des femmes LGBTQ, racisées, handicapées et issus de milieux populaires pour avoir la voix au chapitre avec un élu à chaque fois. Et je suis en train de réfléchir à du merchandising en upcyclés.
Un engagement qui se traduit dans votre musique ?
Exactement. Le morceau est avant tout un message de vivre ensemble et d’universalisme.
En attendant de découvrir le clip, le titre « Chinoise ? » est disponible sur les plateformes : cliquez ici pour l’écouter.
Et vous pouvez soutenir Thérèse qui vient de faire son entrée dans le top 100 Ricard en cliquant ici et en votant pour elle.
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