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« Cheyenne et Lola » : que vaut la série avec Charlotte Lebon sur des femmes révoltées ?

Prises dans la tourmente de leurs vies sans privilèges Cheyenne et Lola se lient d’amitié et s’allient contre leurs oppresseurs. Ces Thelma et Louise des temps modernes finiront-elles par être libres ?

Mise à jour du 25 novembre 2020 — 

La série évènement Cheyenne et Lola est d’ores et déjà disponible sur OCS.

À l’occasion de sa sortie, voici sa critique, rédigée par nos soins lors du festival CanneSéries, où elle avait été présentée en avant-première mondiale avec ses extraordinaires actrices : Veerle Baetens, Charlotte Lebon et Sophie-Marie Larrouy.

Article initialement publié au festival CanneSéries le 15 octobre 2020 — 

La compétition est achevée au festival

CanneSéries, sonnant le glas d’une semaine riche en émotions plurielles. Cette année, l’ambiance était au drame social dans le cinéma Louis Lumière, où dix séries se sont affrontées sous les regards concentrés des spectateurs.

Entre Red Light, fresque pessimiste sur l’état de la prostitution aux Pays-Bas, et Cheyenne et Lola, les séries jouent franc jeu lorsqu’il s’agit de capturer l’âpre réalité des femmes sans privilèges. 

Mardi soir, alors que le vent décoiffait les spectatrices en robes à paillettes venues assister à la projection, les actrices de la série se sont pressées sur le tapis rouge, revêtues de costumes superbement coupés, et de toute leur sympathie. Devant les caméras, elles se sont l’une et l’autre complimentées sur leur talent d’actrice. Et elles ont bien raison, car Veerle Baetens et Charlotte Lebon n’ont jamais été aussi exceptionnelles que dans Cheyenne et Lola !

Cheyenne et Lola, de quoi ça parle ?

Cheyenne vient à peine de sortir de prison. La cause de sa peine ? Elle n’a pas voulu balancer son mari, un brigand persuadé qu’il la possède.

Aujourd’hui, toutefois, elle ne veut plus entendre parler de lui : Cheyenne rêve de jours meilleurs et surtout d’une vie ailleurs, et économise pour partir au Brésil. En attendant, elle fait les ménages sur des ferries, ainsi que chez des familles de bourgeois, dont Dany Chapelle, un sombre escroc qui fait son beurre du malheur des gens.

Lola, de son côté, est une parisienne paumée qui squatte le nord de la France depuis qu’elle est tombée amoureuse de Dany Chapelle, qui lui fait croire que sa femme est handicapée.

Au terme d’un drame qui cause le décès de la femme de Dany (absolument pas handicapée, vous l’aurez compris), le destin de Lola croise celui de Cheyenne. 

Désormais, les deux femmes sont liées par un lourd secret… Secret que perce Yannick, le caïd de la ville, qui fait chanter Cheyenne. Si elle ne veut pas qu’il révèle ce qu’il sait, elle doit lui verser 5000€.

L’objectif de Yannick ? Faire tapiner Cheyenne et Lola pour s’en mettre plein les fouilles. Mais c’était mal connaître les deux femmes, qui sont bien décidées à mettre un terme à la tyrannie de leurs bourreaux d’hommes.

Cheyenne et Lola, une fable cruelle sur la violence des hommes

Des hommes bons, il n’en existe quasiment pas dans le tragique Cheyenne et Lola. Mari possessif, escroc manipulateur, trafiquant de drogues, futur mari infidèle, maquereau, flics libidineux, beau-frère pookie, vigile odieux : aucun ne parvient à sauver l’honneur de son genre.

Face à eux, les femmes ont bien du mal à survivre, tant elles sont exploitées, violentées, malmenées psychologiquement.

Sauf que dans cette série créée par Virginie Brac, elles décident de ne pas rester victimes d’un destin provoqué par leurs oppresseurs. Elles entendent bien faire front afin de mener une vie exempte de menaces, de chantages et de violences.

Ça ne sera pas une mince affaire toutefois, car leurs bourreaux sont tenaces.

Cheyenne et Lola, c’est une série âpre, on ne va pas vous le cacher. Tout y est douloureux, tout y est bataille, tout y est misère. Car ce que filme Virginie Brac, c’est la réalité des femmes nées sans privilèges.

Privée d’argent, élevée par une mère suicidaire, dans une ville où règne la moquerie et la méchanceté, privée d’éducation, Cheyenne n’a pas eu les bonnes cartes en mains pour démarrer une vie sereine. Les galères ont été inhérentes à sa vie, et ça n’est pas fini.

À l’heure où on nous abreuve de séries ultra-édulcorées, comme Emily in Paris, qui regardent la vie par la lorgnette des privilèges sociaux, Cheyenne et Lola agit comme le douloureux rappel que la misère sociale et culturelle habite nos pays.

Cheyenne et Lola, un duo comme on en voit peu

Outre son éminente dimension sociale, ce programme OCS a surtout un point fort : son casting.

Au départ, on était un peu sceptiques. Que donneraient ces deux actrices, que rien ne semblent rassembler, ensemble dans une série aux épisodes très longs ?

Et puis rapidement, nos préjugés se sont effacés devant l’évidence.

Veerle Baetens, déjà incroyable dans Alabama Monroe habite son personnage à tel point qu’elle semble être devenue Cheyenne. La force de son jeu, qui se tient de bout en bout des deux premiers épisodes, sans jamais faiblir, relève de la prouesse.

De toutes les séries qu’on a vues, pour l’instant, elle est de loin l’actrice qui livre la performance la plus époustouflante.

Face à ce personnage sombre mais profondément altruiste, qui pense toujours aux autres avant de ne serait-ce que commencer à se considérer elle-même, Charlotte Lebon apporte une vraie note d’humour et de quasi-poésie au programme.

Toujours moulée dans des vêtements ultra-colorés qui tranchent avec le paysage sablonneux et terne de ce Nord venteux, elle est la désinvolture même, et se comporte comme une petite fille effrontée. Elle s’amourache d’un lapin, boit dans des bouteilles qu’elle repose au supermarché, et part de l’hôtel sans payer.

Lumineuse et intrépide, elle est le strict opposé de la femme campée par Veerle, et pourtant leurs personnages sont destinés à une grande proximité. On le sent, même si on n’en connaît pas encore la nature.

Ensemble, ce yin et ce yang forment un duo incroyablement convaincant, et transforment cette aventure sinistre dans le nord de la France en Thelma et Louise solaire.

Mention spéciale également à Sophie-Marie Larrouy, fabuleuse dans le rôle de la sœur de Cheyenne !

Ces deux premiers épisodes se sont avérés être une très bonne surprise, et il nous tarde déjà d’en découvrir la suite, à partir du 24 novembre, sur OCS.

À lire aussi : « Dix pour cent » est-elle toujours une série d’avant-garde ?


Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.

Les Commentaires

2
Avatar de stelly224@
25 novembre 2020 à 14h11
stelly224@
C'est vrai que nous sommes très peu représentés, mais je préfère voir la série comme elle est. Certes, pas de personnes racisées à l'horizon, mais à trop focus dessus, ceux qui auront réussi à percer ne seront juger que par leur couleur de peau. Je préfère que les choses se fassent lentement, peut - être trop lentement à mon goût mais surement, plutôt que de vouloir voir accélérer le processus qui ferait plus de dégâts. En outre, là où j'habite certains considèrent que la couleur de peau est signe de privilège, beaucoup ici oublient que les blancs peuvent être pauvre. La faute au Békés sans doute, qui se comportent comme l'aristocratie de l'île Enfin briser des certitudes n'est pas mal car on a tendance à croire que nous seuls sommes les opprimés du système même si nous sommes la majorité. En tous cas la série à l'air sympa, si je peux j'y jetterai un coup d'œil.
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