Publié initialement le 12 avril 2012
Vous l’avez sûrement remarqué, le marketing et les décideurs de tendance nous apprennent à aimer ce qu’on détestait ou qui nous faisait flipper il y a encore deux mois. Exemple type : le cheveu coloré. Il est partout. Dans la rue, les magazines, les défilés. Et quand je te parle de couleur, ce n’est pas trois mèches noisettes dans une tignasse chocolat. La chevelure 2012 passe par toutes les nuances de l’arc-en-ciel, version bleach.
Il y a 3 ans, j’ai testé la crinière flashy, mais le monde de la mode n’était pas encore prêt (ouais, ça va, on peut rigoler). Aujourd’hui, le monde tout court est-il opé pour voir débarquer des nanas aux tifs L.S.D ? Jetons un oeil dans le rétro pour voir si les mentalités ont réellement bougé.
Avoir les cheveux flashy en 2009
L’idée m’est venue sans prévenir. Ça a été comme l’achat d’une fringue rose pétant ou d’un vernis à paillettes : l’envie du moment, de ne pas ressembler à tout-un-chacun. Oui, mais avoir les cheveux bleus puis roses en 2009, c’était :
- Se rendre chez un coiffeur chelou parce que celle de ta mère ne comprend pas que non, tu ne veux pas de lissage et de balayage caramel.
- Se faire insulter par des pré-ados et draguer par des papys. La moindre excursion au supermarché prend des allures d’aventure.
- Se faire dévisager alors qu’on postule pour un stage en mode. Le regard de l’interlocutrice me fait comprendre que ce qui pose problème, c’est mes tifs.
- Apprendre que la qualité de ton travail a été mise en doute. « Tu bosses bien, pourtant quand je t’ai vue arriver avec tes cheveux, j’ai eu des craintes » : dixit ma supérieure, pleine de tact.
- Découvrir que ceux qui te jugent sont majeurs, vaccinés, et souvent intelligents. Tolérance, quand tu nous tiens…
Les adultes de mon entourage ont souvent considéré ce choix comme une « crise d’adolescence tardive ». Pourtant, je n’ai jamais rien revendiqué avec mes tifs, ni niqué la société, loin de là. J’étais plutôt souriante avec les inconnus qui venaient m’apostropher.
Avoir les cheveux colorés en 2012
T Style (printemps 2012), W Magazine Corée (mars 2012), Harrods (mars 2012) : guimauve en perspective
Ils sont arrivés discrétos entre 2010 et 2012. L’
ombré-hair timide, puis les pointes roses, les perruques genre perroquet en soirée disco, et enfin la chevelure entière décolorée et re-colorée. Tels la télévision en 1967, les cheveux de toute la sphère fashion découvrent la couleur.
Sur le Net, d’abord. La crinière flashy n’est plus l’exclusivité des punks et lolitas japonisantes. La contamination touche les vestales du blog hype, j’ai nommé Audrey Kitching et Tavi Gevinson (qui depuis est revenue au roux).
Toi-même tu sais que la mode s’inspire de la rue (et vice et versa). Les chevelures peinturlurées défilent en troupeau à la Fashion Week. Et certaines mannequins s’y mettent à fond, telle Charlotte Free et ses mèches roses façon Avril Lavigne. Enfin, en pleine tendance pastel, les magazines du printemps nous servent de la tignasse bubblegum à la louche.
La moumoute multicolore est devenue bankable. Conséquence : elle est adoptée par toutes les chanteuses de pop bas de gamme. Lady Gaga, Nicki Minaj, Rihanna, Katy Perry, ça doit te dire quelque chose.
Bref, le cheveu teint n’est pas une norme, loin de là, mais il devient familier. Les hipsters du Marais prennent conscience du potentiel fashion de Kiri le clown, pendant qu’au fond de la Creuse, on hausse encore le mono-sourcil devant ce désordre capillaire. Mais l’évolution est en marche.
Nicki Minaj, Audrey Kitching, Katy Perry : les attaquées du bulbe
Aujourd’hui, quand je croise des meufs à la crinière de Petit Poney, je me demande si elles s’identifient au phénomène des podiums. Prise de température avec Mylène, Claire et Maïté.
Mylène, 20 ans
« J’ai commencé au lycée par une teinture noire. C’était mon « passage du côté obscur de la Force » : façon de dire que je suis devenue gothique ! À l’époque, mon modèle c’était Amy Lee d’Evanescence. Aujourd’hui, je fais en fonction de mes envies, je change dès que je vois ma couleur sur trop de filles, ou que j’en suis lassée. Gros avantage : j’ai une maman coiffeuse !
Je me sens marginale de base de par mon look, ma culture, le milieu underground que je fréquente. Je ne me teins pas les cheveux pour rentrer dans la norme ou pour en sortir. Comme dirait Gaga : « I’m just free as my hair! ». J’ai la chance d’être en école de mode, ça passe beaucoup mieux que dans d’autres milieux (mais il ne faut pas se leurrer, les critiques fusent derrière mon dos). Et j’ai déjà eu un refus de taff à cause de mon look. Mais j’essaie toujours de faire en sorte qu’on ne me juge pas sur l’apparence. Actuellement, je suis barmaid en boîte de nuit, et dans cet univers, l’excentricité est un plus !
La tendance des cheveux colorés, ça m’amuse, même si, certains jours ça m’énerve au plus haut point. Quand je vois sur le Net les nanas aux cheveux colorés qu’on fait passer pour hypes et novatrices, ça me rappelle tous les regards mal intentionnés dans la rue. Enfin je peux me dire que j’étais avant-gardiste à l’époque, et ça me fait toujours un peu sourire… En tout cas, je ne crois pas que la vision qu’en ont la plupart des gens ait changé, parce que tout le monde ne s’intéresse pas à la mode. Je dirais plus qu’ils s’y sont habitués, en partie grâce à des personnalités comme Gaga, Nicki Minaj etc. »
Claire, 20 ans
« J’ai commencé à me teindre les cheveux au lycée parce que j’en avais marre de mon style capillaire inexistant. Je voulais du court et du changement, une coupe un peu punk sans me raser le crâne, à la Green Day… Mon modèle était un homme !
Je ne blâmerai jamais personne de juger au premier abord, ça fait partie d’une société. Ca permet de savoir si les gens sont ouverts d’esprit ou non… On peut se demander si c’est nous qui nous trompons, si les gens n’ont pas raison avec leurs clichés. Mais ça, c’est les mauvais jours. Il arrive que je ressente de l’hypocrisie chez des connaissances, et des fois, j’essaye de deviner ce que pensent les inconnus. On me toise, on m’interpelle, mais ce n’est pas toujours négatif. J’ai autant de compliments que de railleries ! C’est vrai que j’ai tendance à me sentir marginale, dans le sens « pas comme les autres ». Mais c’est ma personnalité, dont les cheveux ne sont qu’une conséquence. Et je suis bien dans ma peau. Pour le boulot, je n’ai jamais eu de vrai problème. Même si je sens qu’on me sous-estime, qu’on ne me prend pas au sérieux direct. Les premiers instants, j’ai l’impression de passer une audition ou un test de QI… Jusqu’à ce que les apparences tombent !
La tendance des cheveux colorés, je trouve que c’est une aubaine, si ça peut permettre que mon apparence me stigmatise un peu moins. Mais je pense quand même que la mode est un milieu de requins, où on hésite pas à s’approprier quelque chose sur lequel on a craché. En fait, je n’ai pas ressenti de changement dans le regard des gens. Par contre, c’est vrai qu’on a arrêté d’associer les cheveux courts au fait d’être un garçon manqué. »
Maïté, 23 ans
« Au départ, je me suis teint les cheveux au collège car c’était une façon de me différencier de ma soeur jumelle. J’avais besoin d’exister par moi-même, et au moins là les gens pouvaient nous distinguer… Mais à force de faire des couleurs, j’ai commencé à perdre mes cheveux ! Heureusement à cette époque, mon copain coiffeur a réussi à rattraper mes catastrophes.
Je me marginalise avec mes cheveux, je ne le nie pas. Mais je peux l’affirmer aujourd’hui : à la base, c’était innocent. C’est vrai que j’aime ne pas faire partie de la fourmilière géante, penser que je prends ma vie en main, que je ne fais pas ce qu’on attend de moi. J’aime me dire : « Les autres ne savent pas ce qu’est la liberté ». Ça me plaît de faire partie du milieu underground de Paris. J’ai appris à ne plus prêter attention au regard des autres dans la rue, que ce soit pour ma tête ou pour mon look. Un jour, quand j’avais les cheveux roses, un vieux monsieur m’a dit : « Mademoiselle, que vous arrive-t-il ? Vous avez mangé trop de betteraves ? », j’ai trouvé ça plutôt amusant.
Je suis en école de mode, et j’avoue que je pensais que ce milieu serait plus ouvert… Pourtant on voit apparaître des teintures flashy sur les défilés, surtout cette année, et ça démocratise un peu le phénomène. Je n’ai pas l’impression que la perception globale des gens ait changé. On me regarde moins comme un martien maintenant, mais je pense que c’est un effet de mode qui ne va pas durer. Dans le milieu, on trouve ça trop « in » maintenant. Ce qui m’énerve le plus, c’est que ce sont les gens qui nous marginalisaient qui se teignent les cheveux actuellement. Ça me fait doucement rire. Mais le reste du monde m’insulte toujours ! Pour le travail, j’essaye de me modérer. C’est vrai que mes cheveux peuvent fermer certaines portes… Ou en ouvrir ! »
Constat global
Si les habitudes bougent leur booty dans le petit monde de la mode, dans la réalité, il n’est toujours pas évident de porter le tif bariolé sans être taxée de délinquante juvénile. Quant à moi, j’ai choisi mon camp. Quand j’aurais 80 ans et les cheveux blancs, je me suis promis de les teindre en mauve. D’ici là, les cheveux pastels seront probablement passés de mode, mais j’aurais atteint l’âge canonique où le Français moyen pensera que je suis simplement gaga.
Et toi, quel regard portes-tu sur cette tendance ? As-tu déjà coloré ta pilosité crânienne ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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