La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
Chère Daronne,
Depuis toujours, j’ai l’impression qu’un truc déraille chez moi, mais ma famille et surtout mes parents et mes frères ne m’ont jamais prise au sérieux. J’ai toujours eu la réputation d’être trop émotive et stressée. Récemment, j’ai quand même sauté le pas et j’ai consulté un psychiatre qui m’a diagnostiqué un trouble neuro-psy.
Depuis je comprends enfin mes réactions et j’ai pu accéder au traitement adapté. Malheureusement, quand j’ai voulu en parler à ma famille, ils ne m’ont encore une fois pas prise au sérieux.
Pour eux, ces troubles, c’est juste une mode lancée par les réseaux sociaux et les psychiatres diagnostiquent à tout va (non, j’ai passé de nombreux tests complexes). Bref, tout va bien chez moi, je me prends seulement la tête et je dois arrêter de me regarder le nombril. Je suis blessée par leur réaction, alors comment réussir à les convaincre que mon trouble est réel et sérieux ?
Aide-moi chère Daronne,
Soso
La réponse de la Daronne
Mon petit toboggan,
Je dois t’avouer que je ne vous comprends pas, vous les jeunes, avec vos réseaux sociaux qui vous collent de drôles d’idées dans la tête. Il y a vingt ans, tout le monde allait super bien et personne, jamais, n’avait le moindre problème de santé mentale. D’ailleurs, les premiers cas de dépression ont été répertoriés en 2015, lorsque Instagram a explosé. Quant aux termes « angoisse » et « anxiété », ils n’ont été rajoutés dans le dictionnaire qu’en 2021, et encore, je suis certaine que c’est parce qu’une association de Wokes dans ton genre a fait pression sur la maison Larousse.
Quant à toi : laisse-moi deviner : tu as entrepris cette démarche de soin pour te sentir mieux au quotidien ? Si c’est le cas, je comprends tes parents : qu’est-ce que tu as besoin de résoudre les problématiques qui te font souffrir. C’est quoi la prochaine étape ? T’accepter, t’épanouir et être heureuse dans la vie ?
Les réseaux sociaux ont-ils lancé la mode des troubles psys ?
Il suffit de murmurer trois fois le terme « réseaux sociaux » devant un miroir pour qu’un boomer surgisse de nulle part et t’explique à quel point Fesse de Bouque et L’Instant Drame ont rendu les gens sensibles et geignards. Il faut dire que ces petits influenceurs mignons avec leurs serre-tête à oreille de chat qui s’interrogent sans tabous et reçoivent en échange des encouragements, ça fout les boules à une génération élevée dans le déni du concept même de santé mentale.
Moi aussi, je constate que les réseaux sociaux semblent ces temps-ci se passionner pour les sigles et les labels avec plein de lettres dedans. Mais s’agit-il d’une tendance sortie de nulle part comme la fois où on s’est tous mis à danser sur nos reels Instagram pour raconter notre quotidien et partager des conseils à nos 110 abonnés à grand coup de mimiques théâtrales ? Alors qu’on ne sait pas danser et que notre jeu d’acteur est aussi puissant que celui d’une carotte ? Peut-être.
Mais je pense plutôt que jusque très récemment, tout le monde se cognait ses petits problèmes mentaux dans son coin, persuadé d’être le plus gros chelou que la terre ait porté. Grâce aux réseaux, ces chelous isolés sont sortis du bois, regonflés à bloc en réalisant que non seulement, ils n’étaient pas seuls, mais qu’il existait des solutions pour vivre correctement. Si on y pense, un paquet de gens qui sont nés avant Internet sont encore vivants de nos jours. Ça en fait des gens qui ont grandi en étant persuadés que le DSM-III désignait un modèle d’ordinateur de bureau conçu pour faire concurrence à l’IMAC. Plusieurs générations à diagnostiquer d’un coup, ça ne passe pas inaperçu, et surtout pas sur les réseaux.
Les gens ont le droit d’avoir leurs croyances, même si elles sont fausses
Tout le monde possède ses petites croyances irrationnelles, alors même que la science démontre formellement le contraire. Je ne suis pas psy, tu le sais puisque je le répète semaine après semaine. Du coup, je ne sais pas trop pourquoi tout le monde s’acharne à nier certaines évidences, mais j’aurais tendance à dire qu’en général, ça permet de se protéger de ce qui nous fait peur et/ou qu’on ne comprend pas. Par exemple, moi, j’ai beau ne tellement pas croire en dieu que même s’il existait, il me laisserait croupir dans ma tombe pour m’éviter le choc traumatique, je pense quand même que mes enfants sont immortels. Ils ne mourront jamais, mais comme j’ai pensé à tout, ils n’affronteront pas non plus les affres solitaires de l’immortalité. Je laisse à l’univers le soin de régler ces détails pratiques et je me contente d’y croire très fort.
Je sais que tu attends de moi que je te file des astuces pour que soudain, tous tes proches changent subitement de personnalité, mais franchement, tu as cru une seconde qu’une daronne comme moi détenait un tel savoir ? Il ne faut pas déconner non plus. Tout ce que je peux te conseiller, moi, c’est d’arrêter de chercher la validation de gens qui ne veulent pas te la donner. Premièrement, ils ont parfaitement le droit d’être incultes et dans le déni.
Deuxièmement, plus tu essaieras de les convaincre, plus ils se feront un malin plaisir de te contredire en partageant avec toi l’intégralité des études et des tribunes réfutant l’existence du trouble concerné disponible sur le web. Et crois-moi, tu veux éviter ça : l’Internet est grand et peuplé de gens sans la moindre légitimité qui adorent pondre des pavés pour dénoncer des faits avérés, sous prétexte qu’ils y ont consacré dix minutes de réflexion.
Verdict : Tu ne peux pas entrer dans le cerveau des gens pour effacer leurs idées reçues et leurs œillères. Par contre, bonne nouvelle, tu sais sur quel cerveau tu peux agir ? Mais ouais ! Le tien !
Rapproche-toi des gens qui te font du bien
Je vais dire quelque chose de très profond, accroche-toi. Je pense que grandir, c’est arrêter d’attendre de nos proches qu’ils changent alors qu’ils n’en ont jamais exprimé la moindre envie, sous prétexte ce sont nos proches et qu’en théorie, ils devraient se comporter correctement. Aucun parent n’est parfait, il y en a même qui sont sacrément crétins. Ce n’est pas parce que tu as décidé de te reproduire un jour que tu deviens subitement un être céleste dénué de défauts rédhibitoires.
À un moment, il faut savoir lâcher l’affaire. Lâcher l’affaire peut signifier qu’il faut couper les ponts ou continuer de les voir au rythme qui te convient, à la condition que personne n’aborde ton diagnostic. Si tu acceptes le statuquo, ce n’est pas pour qu’eux aient le droit de te provoquer.
Pour partager tes défis quotidiens, et oser te montrer telle que tu es, il vaut mieux privilégier des gens qui sont bienveillants et ouverts d’esprit dès le départ et pas parce que tu les auras suppliés. En attendant de rencontrer davantage de gens qui te comprennent dans la vraie vie (si tu n’en connais pas déjà) tu peux poser tes valises dans une des nombreuses communautés virtuelles où les gens dans ta situation peuvent discuter de leurs défis quotidiens, sans jugement. Et pourquoi pas créer ton propre compte TikTok ou Instagram pour sensibiliser les foules !
Je te laisse, je dois absolument me déconnecter de mon compte Reddit,
La bisette,
Ta Daronne
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Mais pour répondre au sujet: ça fait mal de ne pas être compris(e) et soutenu(e) par sa famille.
Il se peut qu'en les prenant à part et en leur exposant clairement la souffrance que ça te cause, et le besoin que tu as qu'ils te soutiennent, la situation s'améliore.
Il peut arriver que certaines personnes, avec pourtant de nombreuses qualités, soient bouchées au départ. Qu'ils aient beaucoup d'un peu de temps et qu'on leur dise clairement ce qu'on attend d'eux.
A la postante:
Mais sinon, si la situation ne change pas, prend du recul car ça t'apportera que de la souffrance.
Si tu en souffres, n'hésite pas à parler à un professionnel de santé (médecin, psychologue etc) car c'est des situations dont ils ont l'habitude et ils peuvent être de bon conseil.
@edg Si jamais ça peut t'apporter un éclairage nouveau:
Les gens n'ont pas besoin de comprendre, ou d’accepter le diagnostique, pour respecter tes besoins.
Sans connaitre ta situation je vais donner un exemple bidon à adapter selon les besoins:
S'il y a un diner de famille, avec beaucoup de monde et beaucoup de bruits, et que tu as besoin de pauses de temps en temps.
Tu peux demander à t'isoler dans une pièce, sans parler du diagnostique, sans justifier plus que ça.
"je suis fatiguée", "j'ai mal à la tête", "j'ai besoin de calme" ça suffit amplement.
L'idée c'est que tu peux exprimer tes besoins sans parler de pathologies/diagnostique.
Ça évite les discussions compliquées.
Les gens qui intéressent à toi te poseront des questions, voudront savoir pourquoi, et là tu pourras en parler plus facilement.