La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
Chère Daronne,
Je suis la mère (entre autres) d’une ado de 13 ans et je suis un peu perdue. C’est une ado typique, c’est-à-dire que ma petite fille bavarde et toujours collée à moi est devenue distante et passe des heures dans sa chambre ou chez ses copines. Elle me disait tout, elle ne me dit plus rien. J’essaye d’en savoir plus sur sa vie. Mais elle me répond toujours : « Maman !!!! » ou « Pfff !!! » ou encore « Bah… Tu vois quoi ! » NON, JE NE VOIS PAS.
À Noël, on lui a offert un smartphone et c’est de pire en pire. À la moindre notification, elle SAUTE dessus et s’isole. Parfois, je la vois pouffer devant l’écran, parfois, elle a l’air contrariée. Tu te doutes de sa réponse quand je lui demande ce qui se passe : rien. Elle passe un temps fou dessus. Nous avons décidé ensemble des applications qu’elle peut installer, mais m’obéit-elle ? Et avec qui elle parle ?
Je m’inquiète de ne rien savoir de sa vie, et donc de ne pas savoir si elle va bien ou pas. À force de me prendre des murs quand je lui demande des précisions, j’ai envie de fouiller dans son téléphone. Dis-moi Daronne, je peux ?
Caro
La réponse de la Daronne
Mon chandelier,
Non, tu ne peux pas. À la semaine prochaine pour une nouvelle réponse !
Blague à part. Non, tu ne peux toujours pas. Mais oui, je peux développer.
Pourquoi tu ne peux pas fouiller dans le portable de ta fille ?
Fouiller dans le portable de quelqu’un constitue une atteinte à sa vie privée. Même si ce quelqu’un est ton enfant. Tu lui as délibérément acheté ce téléphone. Téléphone auquel tu as probablement été pendue toute ton adolescence, baissant la voix quand tes Darons approchaient. Évidemment qu’elle allait s’en servir pour partager sa vie avec des gens qui ne sont pas toi et que ça allait titiller ta curiosité et ta susceptibilité aussi, potentiellement.
Si cette implication n’est pas supportable, tu peux faire le choix de lui retirer le téléphone, mais tu ne peux pas jouer aux crémières cools pour récupérer sournoisement l’argent du beurre derrière. Cela dit, je te déconseille fortement de confisquer l’appareil. Il y a de nombreuses solutions possibles avant d’en arriver là et subséquemment fâcher à mort la jeune personne dont tu aimerais te rapprocher.
Voici d’ailleurs un deuxième argument en faveur du non. Admettons que tu fouilles le téléphone et que tu trouves quelque chose de juteux : tu fais quoi ? Rien. Parce qu’encore une fois, si ta fille apprend ce que tu as fait, tu auras accompli exactement l’inverse de ce que tu espérais : tu l’éloigneras encore plus.
Ta fille grandit, demain matin, elle sera vieille adulte et nous serons tous morts. Être adolescent, ce n’est pas seulement inventer des vannes et des punchlines de génie. C’est aussi découvrir l’autonomie dans un climat encore relativement sécurisé. Tous les adultes ont des smartphones, et quand on voit l’utilisation que les boomers font des réseaux sociaux, crois-moi, tout le monde aurait eu besoin de parents pour apprendre à les utiliser.
Une utilisation saine et modérée du téléphone
Tu restes sa mère. C’est une bonne nouvelle, puisque cela signifie qu’en tant que Daronne ringarde, tu es chargée d’imposer des règles pénibles pour les adolescents.
Dans ta lettre, tu ne m’as pas dit si vous aviez discuté avec l’enfant des enjeux numériques avant de lui accorder son téléphone. C’est primordial, évidemment, surtout si vous évitez de tomber dans le catastrophisme. Le monde digital n’est pas plus ou moins dangereux que le monde réel. Il faut savoir identifier les bons et les mauvais usages, et connaitre les risques. Bien sûr que l’enfant va soupirer d’ennui et possiblement exprimer son agacement face à ton petit exposé. Et alors ? L’important, c’est qu’elle soit 1) sensibilisée, 2) qu’elle sache que même si personne n’a l’intention de fouiller dans son téléphone (n’est-ce pas ?) sa mère veille et qu’elle n’est pas livrée à elle-même. Ce n’est d’ailleurs pas le genre de conversations à n’avoir qu’une fois. Actualités, débats publics, redoux, toutes les occasions sont bonnes pour faire un peu de prévention qui, sans être alarmiste, rappellent comment bien utiliser le téléphone. Et quand.
Tu n’as toujours pas le droit de fouiller dans le téléphone de ta gamine. Par contre, tu peux imposer des temps de déconnexion à la maison et tu peux même décider que le foyer est un lieu déconnecté. Respecter son enfant ne signifie pas que l’on ne peut pas enjoindre des règles parfois strictes. N’est-ce pas Yann Moix.
Même si l’enfant cri au scandale, ce n’est pas une punition. C’est un acte délibéré visant à resserrer les liens familiaux et à retrouver la joie des bons moments ensemble. Je parle comme un livre de développement personnel, mais c’est parce que c’est vrai. Cela signifie que tout le monde dans la maison est soumis aux mêmes règles, adultes compris. Et cela signifie que ces mêmes adultes vont se creuser la tête pour proposer à leur ado des activités familiales qui peuvent, malgré la morosité exigée par son rang, lui plaire à elle aussi.
Attention ! Je te préviens tout de suite, ces activités ne vont pas agir sur ta fille comme des filtres de vérité. Il est très possible qu’elle ne lâche plus la moindre information pendant encore quelques années. Mais au moins, elle sait qu’elle peut te faire confiance et que tu es là pour elle, sans condition, juste pour l’amour et le plaisir. Comme ça, si un jour il y a de quoi s’inquiéter, elle se sentira suffisamment à l’aise avec toi pour se confier. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, c’est (presque) aussi fiable que les infos qu’on trouve dans un téléphone.
Quand s’inquiéter ?
Malheureusement, la vie n’épargne personne et surtout pas les jeunes filles. Le comportement décrit dans ta lettre ne révèle, comme ça, rien d’inquiétant. Certains détails peuvent malgré tout alerter sur un potentiel mal-être : elle s’isole et se renferme sur elle-même, par exemple. C’est ta fille, tu sauras mieux que moi si cela se produit.
Malgré tout, j’insiste vraiment, avant d’en arriver à fouiller dans son téléphone, tu peux d’abord partager tes doutes avec elle et insister. Ce n’est pas grave de passer pour un parent relou quand on s’inquiète, on est même là pour ça. Si le mutisme est impénétrable, tu peux aussi demander à ses professeurs ou d’autres adultes de son entourage s’ils ont remarqué quoi que ce soit. Même sans malaise manifeste de sa part, tu sens que la communication se tarit à la maison, tu peux également lui proposer de parler à un psychologue. Ainsi, tu peux t’assurer qu’elle reçoit le soutien nécessaire, même si elle a du mal à se confier à toi.
En serrant les dents maintenant, tu permets à la relation de refleurir dès qu’elle aura un peu grandi. Ça vaut le coup. Je te laisse, je dois aller chercher un truc dans la chambre de ma fille.
La bisette,
Ta Daronne
Les Commentaires
Ce qui peut être perçu comme très lourd pour une ado qui visiblement, est juste une ado en fait. Ca fait certainement mal au coeur de voir son enfant prendre de la distance et passer du temps avec ses amis mais c'est plutôt normal. Ca n'indique pas vraiment qu'elle va aller rencontrer des inconnus. Du coup, pour moi, vouloir fouiller son téléphone, c'est de la curiosité plutôt malsaine parce qu'elle a besoin de savoir tout ce que fait sa fille ou ce qu'elle raconte à ses amis. Si je qualifie cette curiosité de malsaine c'est parce que 13 ans, c'est normal de vouloir une intimité et de vouloir que ses conversations restent privées. Ca n'empêche pas la mère d'établir des règles autour comme le dit la daronne, mais vouloir fouiller alors que visiblement, rien n'indique un quelconque danger ou je ne sais quoi, ben ça se fait pas. L'adolescence c'est quand même le passage de l'enfance à l'âge adulte. Donc non seulement il ne faut pas fouiller le téléphone mais il faudrait aussi lâcher la grappe de l'ado, mettre des règles autour mais ne pas lui demander constamment ce qu'elle fait quand elle est sur son téléphone. Parce que je sais pas pour vous, mais même en étant bien adulte, ben ça me soulerai pas mal que quelqu'un vienne constamment me demander ce que je fais sur mon téléphone.