Repère de merveilles, la collection Métamorphose accueillera ce mercredi 19 juin une nouvelle auteure, Amélie Fléchais, et son Chemin Perdu. Cette étonnante bande dessinée a vécu quelques aventures éditoriales et aurait bien pu ne jamais voir le jour.
Et ç’aurait été vraiment dommage, tant cette histoire pleine de fantaisie, de magie et de poésie est jolie. La très (très très) talentueuse auteure nous emmène avec elle nous promener dans une forêt pleine de surprises…
Trois gamins participent à une grande chasse au trésor en forêt organisée par leur camp de vacances. Munis de leur grande carte et de toute leur assurance, ils sont certains d’arriver les premiers… avant de devoir accepter la réalité : ils sont perdus.
C’est le début d’une grande aventure. Car sur le tortueux chemin que les trois garçons ont pris, ils vont faire la rencontre de personnages hauts en couleurs.
Amélie Fléchais signe ici une promenade étrange dans une forêt où cohabitent de nombreuses créatures farfelues. L’histoire est pleine d’humour, les textes sont très poétiques et son dessin est magnifique.
Elle alterne d’ailleurs des styles graphiques très différents, avec une majorité de noir et blanc, lorsqu’on suit le cheminement des trois enfants, entrecoupée d’explosions de couleurs, créant des interludes qui rythment la lecture et nous émerveillent encore un peu plus.
L’univers pétillant et merveilleux de l’auteure évoque les livres de contes pour enfants anciens et modernes, le manga, les dessins animés… Son trait est à la fois kawaii et plein d’onirisme, tout en finesse et en détails. Ses couleurs sont elles aussi très belles, et finalement même les pages en noir et blanc semblent colorées et joyeuses.
Chemin Perdu est une bande dessinée drôle, très poétique et belle, un vrai coup de cœur pour ma part. Je vous laisse vous plonger dans le très beau trailer réalisé par Amélie Fléchais et Jonathan Garnier pour découvrir son univers.
Amélie Fléchais, l’interview
Amélie Fléchais a eu la gentillesse de répondre à mes questions.
Peux-tu te présenter, nous raconter ton parcours ?
Je suis auteure illustratrice depuis deux ans maintenant. Mon parcours étudiant a été assez court et plutôt éclectique : en sortant du lycée j’ai fait une année aux Beaux Arts d’Angoulême pour partir ensuite dans des études d’Arts Appliqués à l’Esaat où j’ai fait un DMA en cinéma d’animation de deux ans.
J’ai eu la chance, pendant mes études, d’être contactée par Jonathan Garnier, éditeur chez Ankama Éditions, afin de créer un projet pour son label. Ainsi, une fois mon diplôme de DMA en poche, je me suis lancée.
Je travaille maintenant en tant qu’auteure de BD mais je garde aussi un pied dans le cinéma d’animation puisque je travaille en parallèle en tant que décoratrice et concept artiste pour le studio Cartoon Saloon, sur leur très joli film à venir, Song of the Sea.
Comment raconterais-tu Chemin Perdu en quelques mots ?
Question difficile ! Chemin Perdu
ne suit pas vraiment une trame classique.
L’histoire nous fait suivre les trois petits héros qui se trompent de chemin lors d’une chasse au trésor et se perdent dans une forêt un peu étrange dont ils cherchent à sortir. Évidemment, le chemin est semé d’embûches !
Ensuite l’idée était de faire en sorte d’avoir un récit immersif et une approche réaliste, que le lecteur soit plongé dans l’univers en même temps que nos trois héros pour qu’il puisse facilement s’identifier à eux.
J’ai fait le choix d’avoir des personnages principaux qui ne correspondent pas à l’image du héros traditionnel, que ce soit dans leur physique ou dans leur caractère. J’avais envie de montrer des personnages un peu idiots, naïfs et égoïstes mais qui restent malgré tout attachants, car ils nous rappellent forcément quelqu’un de notre enfance ou nous-même.
Comment est née l’idée de cette histoire ?
Comme je l’écrivais plus haut, l’éditeur Jonathan Garnier m’a contactée pour créer un projet pour un nouveau label d’inspiration folk appelé « Heimi ». Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avons pas mal discuté de l’esprit du label, et de références telles que des groupes de musique comme Sigur Rós, Múm, Aminaa… pour finir sur des références plus décalées comme Napoléon Dynamite ou South Park. Et de cette conversation est née l’idée de Chemin Perdu !
La collection Heimi n’ayant pas pu se faire, le projet est passé dans la (très cool) collection Étincelle dirigée par Jonathan. Le livre était terminé quand, à la suite de turbulences éditoriales, il a dû changer d’éditeur pour finalement sortir dans la jolie collection Métamorphose.
Il y a beaucoup de personnages dans Chemin Perdu, et tout un parcours à travers la forêt. As-tu travaillé ces éléments en amont, ou cela s’est-il fait au fur et à mesure de l’écriture ?
J’ai eu assez vite la trame de l’histoire en tête, à savoir des gamins qui suivent de mauvais indices sur une carte au trésor pour finir par se perdre dans la mauvaise forêt.
À cette époque, je griffonnais pas mal sur mon carnet et tout un tas de personnages existaient déjà avant le projet et lui correspondaient parfaitement, comme le renard à bicyclette et son grand-père, ou le hibou. D’autres se sont ajoutés au fur à mesure pour les besoins de l’histoire, et d’autre encore ont dû malheureusement être mis de côté afin de ne pas trop rallonger l’histoire, comme le roi des singes fan de vieilles voitures américaines et toute sa clique.
La BD est rythmée par des changements de traitement graphique, et par des colorisations différentes également. Quelles sont les techniques que tu as utilisées sur ce titre ? Et qu’est-ce qui t’a donné envie de mêler ces différents styles au sein d’une même histoire ?
Cette envie a plusieurs raisons. La première était de rappeler les vieux livres de contes en noir et blanc qui sont ponctués d’images en couleurs. Petite, j’attendais toujours avec impatience l’arrivée de ces pages en couleurs et j’avais envie de retransmettre cela dans mon livre.
D’autre part, les changements de traitements sont aussi là pour caractériser un changement de vision, comme celle du robot, ou un changement d’époque, comme pour le prologue.
Et puis il faut dire aussi que j’aime bien changer souvent de technique et qu’il était donc plus agréable de travailler sur un album où se mêlent plusieurs rendus !
Quelles ont été tes influences pour cette histoire, et son univers ?
Il y en a eu beaucoup !
Comme je l’écrivais plus haut, la musique de Sigur Rós a eu son importance pour poser l’atmosphère de l’histoire, mais j’ai été aussi très inspirée par des films. En voici quelques-uns :
- Brendan et le Secret de Kells de Tomm Moore, qui a été une vraie claque visuelle pour moi
- Where the Wild Things Are (Max et les Maximonstres) de Spike Jonze qui m’a confortée dans l’idée d’une approche réaliste et parfois angoissante
- Toutes les œuvres de Miyazaki, évidemment, pour la richesse de leur univers
- Les films de Wes Anderson pour leur humour et la justesse de ses personnages
- Et tous les vieux films de mon enfance comme Les Goonies, Maman j’ai raté l’avion, Jurassic Park, E.T… qui restent de grosses références et ont beaucoup marqué ma manière de raconter des histoires.
Il y a aussi des auteurs un peu sacrés maintenant comme Tezuka, ou Shigeru Mizuki pour la décomplexion de leurs récits et leur humour, Taiyou Matsumoto pour son trait et sa narration, Eiichir? Oda pour son univers complètement décalé, Joann Sfar, les Kerascoët, pour leur graphisme, et beaucoup d’autres encore… la liste est longue !
Étais-tu le genre de petite fille à partir ainsi à l’aventure, à la rencontre des créatures fantastiques qui hantent les bois ?
Je ne saurais pas trop dire. J’étais du genre effectivement à aimer explorer les bois, et à être « l’amie » de bêtes bizarres comme les grenouilles, les salamandres, les souris, les hérissons… qui me fascinaient complètement !
Mais j’imagine que j’aurais été totalement tétanisée de tomber sur certaines créatures gigantesques du livre en vrai… surtout le mouton ! Mais j’aurais sans doute été éblouie et jalouse de la classe du renard et de sa bicyclette supersonique !
Les pages de garde sont un plan de la forêt, et, même à l’intérieur de la bande dessinée on retrouve un plan (quand les personnages sont dans le terrier). Es-tu amatrice de plans et autres cartes au trésor ?
À l’origine pas vraiment, mais j’aime que dans ces doubles pages on en découvre un peu plus sur l’univers, qu’il y ait une vie à côté de ce que vivent les personnages.
Je me suis surtout amusée dans les pages de gardes à montrer qu’il y avait d’autres chemins possibles, et donc que l’histoire aurait pu être tout autre.
C’est aussi une manière de montrer encore une fois que les trois héros ne sont pas le centre de l’histoire, mais des visiteurs d’un univers riche qui avait sa propre vie même avant leur arrivée. Cela s’applique aussi à la double page du terrier des résistants où l’on en voit un peu plus sur le cadre de vie de ses habitants.
Un grand merci à Amélie Fléchais pour ses réponses !
- Le blog d’Amélie, pour découvrir son univers.
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