README.txt. C’est le titre des mémoires de Chelsea Manning et dont la traduction sort aujourd’hui chez Fayard. Elle y livre son récit de lanceuse d’alerte, passée par l’armée en tant qu’analyste militaire puis par la case prison, mais aussi l’étape majeure de l’annonce de sa transition.
C’est elle, qui en 2010, a livré des informations classées secret défense au site Wikileaks sur les agissements de l’armée états-unienne en Afghanistan et en Irak : elles permettront de révéler au grand jour les exactions de personnes civiles par des frappes militaires, les traitements et sévices barbares perpétrés à la prison d’Abou Ghraïb, les tortures de prisonniers.
Arrêtée et incarcérée quelques mois après, elle est jugée en cour martiale et condamnée en 2013 à 35 ans de prison. C’est au lendemain de sa condamnation qu’elle a fait son coming-out trans. Alors qu’elle est placée à l’isolement à la prison de Fort Leanvenworth, elle dénonce à plusieurs reprises ses conditions de détention jugées inhumaines et bénéficie d’une mobilisation de soutien internationale.
C’est finalement début 2017, à la toute fin de son deuxième mandat, que Barack Obama a commué sa peine de prison, la réduisant à sept ans, ce qui a permis à Chelsea Manning d’être libérée en mai de la même année.
Chelsea Manning, une fervente défenseuse des libertés
Depuis, elle continue de se mobiliser et de travailler sur les enjeux de protection de la vie privée en ligne. Interviewée dans Le Monde à l’occasion de la sortie française de ses mémoires, Chelsea Manning montre qu’elle porte toujours de profondes convictions sur le droit d’informer et sur la nécessaire transparence du pouvoir :
« C’est absurde de vivre à une époque où révéler des informations dans le domaine public est un crime. Cela a créé un effet dissuasif : maintenant, décrire la réalité est considéré comme un acte criminel. C’est malsain. »
Elle revient aussi sur la dureté de ses années passées en prison et sur les conséquences qu’elle doit gérer aujourd’hui :
« Mon incarcération a été inhabituelle, même pour les Etats-Unis. C’était assez extrême, et je dois faire face à cela. C’est aussi aggravé par les autres expériences que j’ai eues dans ma vie : être sans abri à Chicago, participer à une guerre brutale, être en zone de guerre en Irak. Ça et le simple fait d’être en prison, avec parfois des passages à l’isolement pendant plus d’un an. Avant, je me souvenais du nombre exact de jours, mais j’ai oublié. Je dois gérer cela, à travers la psychothérapie, par des soins médicaux. Je suis en bien meilleure santé et je me sens beaucoup mieux que quand je suis sortie de prison.
Quant à sa transition, qu’elle a donc débuté en prison, la lanceuse d’alerte assure qu’elle l’aurait entamé « plus tôt », si elle avait pris conscience de sa dysphorie de genre :
« J’aurais probablement eu accès aux soins dont j’avais besoin, et j’aurais été une humaine plus fonctionnelle. Avec moins de traumatismes et moins de situations extrêmes. Cela aurait modifié considérablement ma trajectoire de vie. »
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Crédit photo : Chelsea E. Manning, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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