Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Bodega Films. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.
Enfant, j’aurais voulu être une créature polymorphe. Pour revêtir l’identité de mon choix, et exister quelques instants dans la peau de gens fantastiques.
J’aurais aimé être héroïne d’un film d’Almodovar, dresseuse d’oursins, présidente de la république ou, c’est mon plus grand rêve, Arturo Brachetti. Car ce type est capable de se changer en à peu près un tiers de seconde. Ce qui est hautement classe.
En tout cas, si j’avais entendu parler de Chavela Vargas à l’âge de 8 ans, j’aurais certainement voulu être elle. Et le rester pour toujours.
Chavela Vargas, une immense artiste
Réalisé par Catherine Gund et Daresha Kyi, Chavela Vargas est un documentaire passionnant, qui fait voyager son spectateur du Mexique à l’Espagne en passant par la France.
Autant de pays que Chavela a conquis, à force de bravoure, et à grand renfort de talent.
Vous êtes probablement un peu jeunes pour connaître l’existence de cette femme. Moi-même, avant d’assister à la projection presse du film, je ne connaissais rien d’elle, si ce n’est un nom qui évoque immédiatement l’ailleurs.
Car Chavela est née en 1919 sous la chaleur humide du Costa Rica. De son pays natal, la musicienne a gardé un éclat qui ne l’a jamais quitté.
Rejetée par sa famille, Chavela s’en va conquérir le Mexique, armée de sa seule guitare, alors qu’elle n’est qu’une adolescente. Le talent en bandoulière, elle chante dans les rues, puis dans les cabarets.
Repérée par José Alfredo Jimenez, un illustre chanteur de ranchera qui deviendra son mentor et le principal auteur de ses succès, elle commence à acquérir une certaine notoriété.
Le succès monte rapidement et Chavela devient une star internationale
, invitée à chanter lors des noces d’Elizabeth Taylor.
Elle redonne ses lettres de noblesse à la ranchera, une musique boudée depuis longtemps.
Le documentaire retrace ses heures de gloire mais aussi ses déboires. Car Chavela est souvent passée de la lumière à l’ombre, guidée par ses pulsions destructrices.
Derrière le beau visage d’une femme que rien ne semble pouvoir ébranler, se trouve en réalité une chanteuse triste.
Même entourée d’un monde fou, adulée par ses nombreux amis, et choyée par ses maîtresses, Chavela se noie dans la solitude et surtout dans l’alcool.
Un frein à sa carrière bien sûr, mais aussi à ses amours…
Chavela Vargas, une féministe qui chantait l’amour
Jamais femme n’avait eu publiquement (au Mexique j’entends) autant d’ovaires que la grande Vargas. Sur scène, la chanteuse s’autorisait tout à une époque qui ne permettait rien.
Sous les lumières aveuglantes des projecteurs, « la femme au poncho rouge » portait des pantalons, se livrait corps et âme à son interprétation, et SURTOUT chantait son amour pour… les femmes.
Car si Chavela ne s’avouait pas lesbienne en société, elle confiait dans ses textes son amour immense pour les femmes de sa vie.
C’est ce qui rend ce documentaire merveilleux, d’ailleurs : on apprend à connaître la femme derrière l’artiste. La femme en colère, la femme malade et la femme amoureuse.
Car l’amour est ce qui a toujours guidé la vie de Chavela Vargas, et motivé ses choix, artistiques comme personnels.
Les amours extraordinaires de Chavela Vargas
Chavela a fréquenté tout le gratin, de Mexico à Paris. Elle a été l’amante de Frida Kahlo et d’Ava Gardner.
Amoureuse de l’amour même, la chanteuse a connu de nombreuses histoires, certaines plus longues que d’autres. Des passions parfois difficiles à gérer.
Amie, elle l’était des plus grands. Ainsi, Pedro Almodovar l’a accompagnée dans la fin de sa carrière, jusqu’à lui offrir le plus beau des cadeaux : un concert à l’Olympia.
Un moment que le cinéaste raconte lui-même, la voix enrouée d’émotion. Le grand Pedro se livre sans fards et sans concession sur l’artiste qui a ouvert la voie aux femmes mexicaines, à leurs penchants sexuels, à leurs désirs.
J’ai été profondément désarmée par ce film. Par ses intervenants. Par sa franchise. Entrecoupé de morceaux de musique de l’immense Vargas, ce documentaire étonne par son honnêteté.
Honnête, il me faut l’être à mon tour et avouer que Chavela Vargas est à l’image de la femme qu’il décrit : sublime.
Chavela Vargas, de Catherine Gund, et Daresha Kyi, sortira le 15 novembre au cinéma.
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Les Commentaires
"Por eso muchacha no partas ahora soñando el regreso, que el amor es simple y a las cosas simples las devora el tiempo"