Mise à jour du 17 août 2017 – VICE France a finalement traduit le reportage, désormais disponible avec les sous-titres en français.
Article initialement publié le 16 août 2017 – À Charlottesville, en Virginie, des événements violents se sont produits ce week-end suite à un rassemblement de différents groupuscules d’extrême droite, des néo-nazis au Ku Klux Klan.
Ces partisans d’extrême droite ou de droite alternative (« alt-right ») se réunissaient au prétexte de protester contre le retrait d’une statue de Robert Lee, « considéré comme un défenseur de l’esclavagisme » comme l’expliquait Le Monde dans un article qui retrace ce que l’on sait des évènements.
Ce rassemblement, loin de plaire à tout le monde, a suscité une vive opposition. Une partie des contre-manifestants s’est retrouvée dans le viseur d’un terroriste d’extrême droite qui a précipité son véhicule dans la foule : une personne, Heather Heyer, a trouvé la mort et on comptait de nombreux blessés après l’attaque samedi soir.
La polémique a enflé de plus belle, après que Donald Trump ait parlé de violences « on many sides », de tous les côtés en somme, déclaration qu’il a confirmée lors d’une allocution mardi 15 août.
Un reportage glaçant de VICE sur les événements de Charlottesville
Cet événement atroce est arrivé alors que VICE News Tonight avait dépêché sur place une reporter, Elle Reeve, qui a suivi ces événements du début à la fin, du côté des militants de l’alt-right. Et le résultat est à la fois terrifiant et extrêmement important.
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La vidéo est violente. Elle l’est parce que la réalité est également violente.
On entend dans ce reportage ce que l’on peut faire de plus abject en matière de racisme, d’antisémitisme et on y voit le résultat concret de ce concentré de haine : de la violence physique.
Malgré des scènes quasiment insoutenables, aussi bien dans les propos tenus que dans les images, il est pour moi crucial de se confronter à cette réalité pour comprendre ce qu’il se joue « dans la tête des néo-nazis américains de Charlottesvilles » comme VICE a titré son reportage.
Cette mouvance d’extrême droite est bien réelle, et elle tue
Dès les premières secondes du reportage, l’ambiance est palpable. Les slogans des militants s’enchaînent :
« – Vous ne nous remplacerez pas ! Vous ne nous remplacerez pas !
– Les juifs ne nous remplaceront pas ! Les juifs ne nous remplaceront pas !
– Le sang et la terre ! Le sang et la terre !
– À qui sont les rues ? À nous ! À qui sont les rues ? À nous !
– La vie des Blancs compte ! (ndlr : en opposition au mouvement Black Lives Matter, « la vie des Noirs compte », né pour dénoncer les violences policières) »
La raison principale de la présence de ces militants d’extrême droite à Charlottesvilles ? Ce n’est pas vraiment cette histoire de statue, qui n’est qu’un prétexte, mais plutôt pour montrer qu’ils existent, qu’ils sont réels. Ils ont déjà démontré leur puissance sur Internet, mais ils ne sont « pas qu’un mème », comme ils le précisent dans le reportage.
Et ce type de rassemblement leur permet, en plus de montrer leur nombre et leur motivation (certains ont parcouru des distances folles pour être présents), de construire un mouvement militant, une unité qui leur manque jusqu’à présent.
Ils parlent eux-mêmes du « plus gros rassemblement d’extrême droite en 20 ans ». Et si l’on se demande ce qui les pousse à se montrer et à faire cette « démonstration de force », si on peut appeler ça de cette manière, aujourd’hui, c’est le fait qu’ils s’y sentent désormais… autorisés.
« Il faudrait quelqu’un d’encore plus raciste que Donald Trump à la Maison Blanche. Quelqu’un qui ne donne pas sa fille à un juif, déjà. [NDLR : Ivanka Trump est mariée à Jared Kushner, de confession juive.] »
Ça donne la couleur. Cette élection a donné à ces militants ce qu’il fallait de confiance pour qu’ils se montrent, et je pense important de ne pas se voiler la face : les mêmes mouvements existent en France, en Europe.
La violence, « légitime » selon les militants
La violence physique est bien présente et culmine au moment où l’on découvre via des images de drones et une vidéo captée par un témoin la voiture fonçant à travers la foule des contre-manifestants.
Car ces personnes sont prêtes à tuer s’il le faut, et c’est elles-mêmes qui le disent. Leur stratégie principale est de se poser en manifestants pacifiques qui ne réagissent qu’en cas de légitime défense, même si c’est bien eux qui sont les plus équipés : il suffit de voir l’armada de Christopher Cantwell, membre et porte-parole de « Unite the right », à 19:10 dans le reportage.
Les militants ne se considèrent pas comme violents, « les sauvages noirs le sont ». Ce sont eux qui tuent, qui s’entre-tuent, « c’est une des raisons pour lesquelles on veut un ethno-état, non ? ».
Ces mouvements d’extrême droite se considèrent en position de légitime défense, alors qu’ils sont responsables de 73% des actes terroristes comptabilisés aux États-Unis depuis le 11 septembre.
Pourtant, selon une étude du gouvernement américain, « sur les 85 attaques terroristes qui ont occasionné des morts depuis le 12 septembre 2001 (ndlr : juste après les événements du 11 septembre donc), les groupes d’extrême droite sont responsables de 62, soit 73%, alors que les radicaux islamistes sont responsables de 23, soit 27%. »
Alors, de quel côté est la violence ? Pas sûr que Christopher Cantwell veuille prêter du crédit à ce chiffre, puisqu’il est capable de dire que « le fait que personne ne soit mort de notre côté, je dirai même que c’est un point pour nous. Personne de notre côté n’a tué quelqu’un de manière injuste, c’est un plus pour nous. »
Non, pas même ce meurtre commis par l’un de leur militant au volant de sa voiture, qui est également qualifié par Christopher Cantwell de « justifié ». Selon lui, l’assaillant a été attaqué et a dû se défendre.
Cette violence dont ces manifestants ne se clament pas responsables, ils s’y préparent pourtant, comme il est annoncé dès le début de la vidéo : « J’ai un flingue, je fais de la muscu, j’essaie d’être le plus apte possible à commettre des violences ». Au cas où ?
« Beaucoup de gens vont mourir avant qu’on ait fini ici, franchement. »
Aussi glaçant que tous ces propos soient, ils révèlent bien le climat politique, les tensions qui ne demandent qu’à exploser aux États-Unis, où des militants néo-nazis et suprémacistes blancs se mobilisent sur fond de théorie du complot juif et de racisme primaire.
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