Luz est dessinateur de presse, publié régulièrement chez Charlie Hebdo. Mercredi 7 janvier, il était en retard. Lorsqu’il arrive à la conférence de presse, il découvre les corps de ses collègues, ses amis.
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Vendredi 9 janvier, ceux qu’il faut bien appeler les survivants de l’attentat se sont réunis dans les locaux de Libération pour préparer le prochain numéro de l’hebdomadaire satirique, qui sortira mercredi 14 janvier, à un million d’exemplaires (contre 60 000 pour son tirage habituel). Le récit de cette conférence de rédaction forcément particulière est à lire chez Libération
: « Bon, on le fait, ce journal ? »
En entretien avec Anne Laffeter pour Les Inrocks, Luz livre ses sentiments au lendemain de l’exécution de ses proches par deux fanatiques :
« Les médias ont fait une montagne de nos dessins alors qu’au regard du monde on est un putain de fanzine, un petit fanzine de lycéen. […]
Depuis 2007, Charlie est regardé sous l’angle de la responsabilité. Chaque dessin a la possibilité d’être lu sous l’angle d’enjeux géopolitique ou de politique intérieure. On met sur nos épaules la responsabilité de ces enjeux. Or on est un journal, on l’achète, on l’ouvre et on le referme. Si des gens postent nos dessins sur Internet, si des médias mettent en avant certains dessins, ce sont leur responsabilité. Pas la nôtre. »
Luz revient aussi sur l’instrumentalisation des symboles. Charlie Hebdo est devenu celui de la liberté d’expression de la liberté de la presse, l’étendard de la démocratie contre l’obscurantisme. Mais pour le dessinateur, l’essence de ce journal a toujours été justement de s’attaquer au sacré, au symbolique :
« Le symbolisme au sens large, tout le monde peut en faire n’importe quoi. Même Poutine pourrait être d’accord avec une colombe de la paix. Or, précisément, les dessins de Charlie, tu ne pouvais pas en faire n’importe quoi. Quand on se moque avec précision des obscurantismes, quand on ridiculise des attitudes politiques, on n’est pas dans le symbole. […]
Charb estimait qu’on pouvait continuer à faire tomber les tabous et les symboles. Sauf qu’aujourd’hui, nous somme le symbole. Comment détruire un symbole qui est soi-même ? […]
Aujourd’hui, on a l’impression que Charlie est tombé pour la liberté d’expression. Nos copains sont juste morts. Nos copains qu’on aimait et dont on admirait tellement le talent. »
L’intégralité de cette interview poignante et pertinente est à lire sur le site des Inrocks.
En avril 2014, Luz était aux côtés de Charb et Catherine, en conférence à la FNAC à l’occasion de la sortie de Dégaze François ! et L’immortelle connerie de la pub. Ils avaient répondu à des questions portant sur la ligne éditoriale de Charlie Hebdo, notamment sur la liberté de ton du magazine et les procès intentés contre les auteur•e•s de caricatures.
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Les Commentaires
Néanmoins, je peux aussi comprendre le fait que Luz -pour se recentrer un peu sur lui- soit touché par le fait que l'on dise "Charlie"... Parce que c'est une ré-appropriation forcée de l'appellation du journal. Mais comme l'a dit Bloomsburry, il faudra du temps... Et je suis heureuse de l'avoir vu s'exprimer un peu et en vue de la situation, je peux aussi comprendre cette centralisation sur le journal de sa part =)