Je t’ai déjà parlé à deux reprises des petits détails qui pouvaient faire disparaître mon amour pour une chanson. J’ai parlé des bruits en arrière-fond, des fins mal amenées, et pourtant, j’ai oublié un point important : le fait de les entendre interprétées dans les concours de chants à la télé.
Et pourtant, nombreux sont les morceaux que je ne peux plus écouter sans penser à la reprise qui en a alors été faite. De mon affection ou mon indifférence respectueuse pour certaines chansons ne reste plus, bien souvent, qu’une grosse amertume teintée de haine. En voici quelques exemples.
It’s oh so quiet : la caution fille « barrée »
Je crois bien qu’on tient là l’un des trucs qui m’a complètement fait décrocher des télé-crochets : des années durant, quelle que soit l’émission, quelle que soit l’édition, une chanteuse en compétition a choisi (ou s’est vue imposer) de défendre sa voix en reprenant It’s oh so quiet, de Bjork.
https://www.youtube.com/watch?v=BF9TjbdJyUE
Je n’ai rien contre ce morceau mythique de l’Islandaise à l’univers si particulier, je dirais même que je l’aimais plutôt bien, avant. Par avant, j’entends « avant qu’il ne soit repris dans ma télé par des filles qui se trouvaient totalement dingues ». Toujours est-il que j’étais lasse.
Lasse de l’entendre. Lasse de voir des gens l’interpréter en faisant semblant de s’arracher les cheveux, avec une bonne dose de trémolos, de roulements d’yeux pour faire foufou et de mimiques ingénues, index sur la bouche, pour les passages où ça fait « shhh ». C’était limite si les filles allaient pas se mettre à sauter contre les murs en se tapant la poitrine, la bave au coin des lèvres, de la sueur plein le front jusqu’au narine. Des prestations qui seraient sponsorisées par des antidépresseurs que ça me surprendrait pas.
Et le pire, LE PIRE, c’est qu’à chaque fois, le jury était conquis. On entendait alors des trucs comme « C’est incroyable, une telle énergie, un tel univers, je suis sous le choc, j’en pleure de l’intérieur, c’est comme un torrent chaud qui coule en moi et je dis pas ça parce que j’ai mangé un chili ce midi ».
Et moi, derrière mon écran, je disais non.
Je disais non parce que je n’y croyais pas une seule seconde. Que moi aussi, je pouvais le faire. J’aurais pu aller m’encastrer dans le décor en hurlant, tourner sur moi-même avant de partir en courant faire le tour du pâté de maison pour revenir finir la chanson face à des professionnels de la musique béats d’admiration devant une jeune artiste qui a si peu de limites.
À la différence près que je chante comme une chèvre défoncée à l’hélium.
Bohemian Rhapsody : la chanson engagée
J’ai une confession à te faire, et je sais que je prends des risques : j’aime vraiment pas trop Queen. J’aime les chansons qui évoluent, qui nous emmènent d’un point A à un point B sans qu’on sache vraiment quel chemin on a pris, mais j’ai plus de mal avec les morceaux qui partent dans tous les sens.
C’est personnel et j’espère que tu continueras à me tolérer malgré cette annonce. Pour me faire pardonner, voici un gif de chaton. Si je suis en train d’essayer d’acheter ton amour ? Effectivement :
Je supportais à peu près Bohemian Rhapsody
– probablement parce qu’elle passait souvent à la radio sur la station écoutée en voiture par mes parents quand j’étais petite. Et puis un jour, tout a changé.
C’était un samedi, lors d’un prime de la Star Academy : un trU rEbelZ dénommé Pierre décidait de quitter la formidable-aventure-humaine de la télé-réalité juste après avoir interprété (avec quelques faussetés) cette chanson. Il avait mûrement réfléchi à cette décision, semble-t-il, et trouvait plutôt sympa l’idée de partir là-dessus.
Depuis, quand j’entends Bohemian Rhapsody, je ne vois plus qu’un mec en col à jabot dire d’un ton très solennel comme s’il se retournerait juste avant de s’échapper de Guantanamo, « je n’attends pas qu’on me rende ma liberté, je la prends ». Et je ris. Ce qui n’est pas, avouons-le, la volonté première de la chanson.
Fever : darling faisons l’amour ce soir
Pour montrer qu’ils étaient des professionnels de la séduction naturelle, de nombreux candidats et candidates se sont présentés au casting de Nouvelle Star en chantant Fever. Si la version de Peggy Lee, la plus connue, est plutôt soft niveau effet de voix, leur version à eux était tout à fait suggestive. Bien dosée, mais suggestive.
On avait alors droit à une avalanche de susurrements, de sourcils levés et de regards langoureux. Pourquoi pas : au moins, on n’entendait personne beugler, et puis ça colle aux paroles.
Je vois difficilement comment on pourrait fredonner « tu me donnes de la fièvre quand tu m’embrasses » entre deux blagues de Toto-scato avec une main sous l’aisselle, en faisant la trompette avec sa bouche tout en tournoyant sans grâce un hoola-hoop sur les hanches. Mais je ne pouvais m’empêcher d’être gênée par la réaction du jury.
Sérieusement, j’avais l’impression qu’ils étaient des lions affamés devant un steak Charal cuisson bleu. Ils se mordaient, de surcroît, tellement la lèvre inférieure pour exprimer leur désir que je cachais à moitié mes yeux de peur de voir du sang jaillir sur leur bureau.
J’avais envie de leur crier, « touchez-vous la nouille un peu plus souvent qu’on n’en parle plus », mais ça n’aurait servi à rien. Alors j’attendais la fin de la chanson en sifflotant pour cacher mon malaise.
Du coup, j’ai un peu plus de mal à écouter Fever, qui est une chanson que j’aime pourtant beaucoup : chaque fois, j’ai l’impression d’avoir l’hologramme d’André Manoukian drôlement excité devant les yeux. Ça me perturbe.
Et toi, quelles sont les chansons que tu n’aimes plus ou moins depuis que tu les as entendues être reprises par la télé-réalité ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Ah et pour rester dans la reprise pourrie, je ne souviens plus où mais j'ai entendu un candidat massacrer "frozen" de Madonna (c'est tellement rare les bonnes chansons de madonna pourtant ).