Certaines chansons sont tellement entraînantes, tellement bien calibrées pour que la musicalité nous prenne plein de place dans le cerveau, qu’on en oublie finalement d’écouter les paroles. Pourtant, parfois, elles sont pleines de leçons… Mais pas toujours.
À d’autres moments, quand on se penche un peu sur les paroles, on réalise que certains morceaux, pour des raisons différentes, ne sont pas écrits avec tous les neurones activés. Et je dis ça mais tu sais, ça me fait mal au coeur, parce que dans la liste ci-dessous, il y en a que j’aime d’un amour immense.
Laissez-moi le temps d’enfiler mon plus beau costume de Super Premier Degré et j’arrive avec ma petite liste.
Girls just wanna have fun, de Cindy Lauper
Sortie en 1983, Girls just wanna have fun est devenu un hymne pour toutes les filles qui aiment s’amuser. Et ça, c’est vachement bien. Parce que oui, effectivement, l’amusement n’a pas d’âge ni de sexe ni de genre, l’amusement est universel, on le pratique avec plus ou moins d’assiduité, et de notre façon préférée. Soit, parfait.
Sauf que coller à la partition ne laisse pas moult occasions de creuser un peu, de développer son idée. Mais personne n’a le droit de m’empêcher d’être ronflonflon quand j’entends :
C’est tout ce qu’elles veulent Un peu d’amusement Quand la journée de travail est finie Les filles – elles veulent juste s’amuser
La généralisation d’une envie de s’amuser à toute une catégorie de personnes, passe encore. Mais le fait d’ajouter que cette catégorie de personnes toute entière ne souhaite QUE s’amuser, n’a vraiment, vraiment envie que de ça, c’est vachement plus pénible.
Je veux dire, moi par exemple, j’ai pas uniquement envie de m’amuser. J’ai aussi envie d’uriner, et de payer quelqu’un pour aller m’acheter une tringle à rideaux, et d’un nouveau frigo, d’écouter de la musique, de ne rien foutre sur mon canapé, et aussi de garder la pêche. Pas tout ça en même temps tout le temps.
Don’t cha, des Pussycat Dolls
Avoir confiance en soi, c’est bien. J’aime bien les gens qui prônent ce principe tout bête et pourtant parfois si difficile à obtenir. Je voudrais que tout le monde sur Terre s’aime, que personne ne grimace en se regardant dans le miroir, que personne ne pense sérieusement « j’suis con ».
Mais parfois, il arrive que certaines personnes poussent le bouchon de l’estime de soi un peu trop loin dans le pédiluve qu’est l’existence. Genre, les Pussycat Dolls dans Don’t Cha. Je dis pas qu’elles sont comme ça dans la vraie vie, je sais bien que les paroles de certaines chansons sont interprétées, comme les dialogues dans les films, mais ce morceau, en lui-même, ne donne pas un très bon exemple à mes yeux.
Pourquoi ? Parce que Nicole Scherzinger et ses comparses chantent :
Je sais que tu m’aimes bien Je le sais bien.
Puis :
Tu voudrais pas que ta copine soit torride comme moi ?
Je trouve que ce n’est pas une excellente leçon d’estime de soi, et ce pour deux raisons :
- Avoir confiance en soi ne signifie pas « partir du postulat de départ que tout le monde veut forniquer avec toi, même les gens en couple ». Je veux dire, dans toute la chanson, persuadée qu’elle fait durcir le péni’ de son ami, la fille insiste, ajoutant toujours de nouveaux arguments, pour que le mec vienne lui visiter la croupe sans rien dire à sa copine. Le tout – et c’est là le point le plus important – en partant toujours d’une base de « je sais que tu le veux », tellement elle se trouve craquante comme une chips neuve, alors que le mec, il a rien dit, RIEN. Du coup, peut-être qu’il veut pas. Peut-être qu’il est bien, qu’il est pépouze, à l’aise dans son slip. Si ça se trouve, Don’t cha, c’est une chanson sur l’érotomanie version cul.
- Avoir confiance en soi ne signifie pas « dénigrer les autres pour mieux s’apprécier soi-même », et c’est typiquement ce que la fille qui chante fait avec la copine du mec qu’elle veut voir cul nu. Pendant. Toute. La durée. De la chanson. Tout le. Temps. C’est bien d’avoir confiance en soi mais c’est pas bien d’enfoncer les autres pour s’élever. Je le sais parce que si on s’appuie sur quelqu’un à la piscine pour se redresser, bah il meurt. Et ça, c’est triste.
Grenade, de Bruno Mars
Dans Grenade
, Bruno Mars essaie de faire revenir sa moitié avec des arguments un peu poussifs, tentant de prouver la force de son amour pour elle.
Parce que ce que tu ne comprends pas C’est que j’attraperais une grenade pour toi.
Deux options : soit c’est la grenade, le fruit, et dans ce cas c’est vraiment pas super impressionnant, soit c’est la grenade, l’arme, et là tu meurs et du coup, à quoi bon ? Surtout qu’il ajoute un peu plus tard :
Ouais, je mourrais pour toi bébé, Mais toi tu ferais pas pareil.
Si jamais tu te poses encore la question, Nobru, sache que si elle veut pas mourir pour toi c’est pas triste, c’est normal. Mourir c’est déjà bien relou, alors si en plus on doit le faire avant notre date de péremption juste pour faire plaisir à l’être aimé, merci mais non merci.
Mélissa, de Julien Clerc
Mélissa, métisse d’Ibiza, c’est une femme qui est tellement un fantasme absolu que les mecs font de l’escalade pour la regarder par sa fenêtre, et ne s’inquiètent absolument pas qu’elle les engueule (à raison !) en leur disant que c’est indécent.
Problème numéro 1 : c’est bien mignon tout ça (non), mais j’aurais préféré qu’à la fin, Mélissa foute des torgnoles à tout le monde. Merde, quoi, elle fait ce qu’elle veut chez elle, elle a rien à se reprocher. En revanche, les troudbals qui la matent à sa fenêtre méritent une fourchette aiguisée dans l’oeil et des cures-dents d’acier lancés de très loin dans chaque pore de leur peau.
Problème numéro 2 : le refrain. Si, vraiment, « Mélissa métisse d’Ibiza vit toujours dévêtue, dites jamais que je vous ai dit ça ou Mélissa me tue », ça sert à rien de demander aux gens de ne pas dire que l’information vient de lui puisqu’elle elle est toujours dévêtue, tout le monde le sait et vient la mater jusqu’à SON PUTAIN DE BALCON. Enfin j’sais pas, un peu de bon sens.
https://www.youtube.com/watch?v=nT2rfs8G76I
Every breath you take, de The Police
Elle passe régulièrement à des mariages, elle est peut-être même souvent utilisée pour des demandes de fiançailles et évènements festifs en tout genre, et pourtant, pourtant, il faut savoir qu’Every breath you take pourrait être l’hymne officiel des stalkers les plus inquiétants de la planète. Traduisons ensemble quelques-unes des paroles :
À chacune de tes respirations À chacun de tes mouvements À chaque barrière que tu brises À chacun de tes pas Je te regarderai.
Tous les jours À chaque mot que tu dis À chaque jeu auquel tu joues Toutes les nuits où tu resteras pépouze [je m’emballe, NDLR] Je te regarderai.
Oh ne vois-tu pas Que tu m’appartiens ?
Ooook, alors d’accord, bon, personnellement on me chante ça au premier degré un jour je porte plainte. Direct.
Sting lui-même s’est étonné de la quantité de personnes qui pensaient que la chanson parlait d’un amour positif alors qu’elle traite d’une obsession maladive suite à une rupture. Il a relaté la fois où un couple lui a dit « On aime cette chanson, on l’a passée à notre mariage ! » et qu’il a pensé « Eh ben bon courage »… Placer son mariage sous le signe d’une surveillance exacerbée post-rupture, c’est vrai que c’est pas le plus optimiste. Ce serait comme passer en boucle Loser de Beck à un baptême, je dirai (mais en pire).
Par contre je mets la version avec Robert Downey Jr dans Ally McBeal parce que je suis sympa :
https://www.youtube.com/watch?v=WO_sakIdUjw
Quelles sont les chansons dont tu trouves les paroles un peu concons ?
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