L’autre jour, j’étais dans le RER qui me ramenait chez moi, repensant à ma journée passée à Disneyland. Soudain, quelque chose m’a interpellée et sortie de mes pensées. J’ai d’abord cru que quelqu’un avait pété, ou que mon téléphone avait vibré (puisque ce sont les raisons numéro 1 pour lesquelles je sors de mes rêveries dans le RER), mais non. Non, c’était autre chose.
En fait, ce qui m’a d’un coup tirée de ma torpeur, c’est que quand je repensais aux évènements de cette petite sortie au pays de Mickey, je me reconnaissais pas des masses. C’est comme si j’avais été une autre personne plusieurs heures durant. Parce que je crois qu’une fois qu’on fout un pied dans un parc d’attractions, au fond, notre personnalité mute. En voici trois exemples.
La patience retrouvée
Je dois attendre un quart d’heure à la Poste ? Je bous intérieurement. J’attends qu’une collègue sorte des toilettes pour aller y faire ma petite affaire ? Je ne tiens pas en place. Deux personnes devant moi au bar ? Je suis à deux doigts de m’arracher la rate à mains nues de rage. Et quelle que soit la situation d’attente dans la vie courante, il me suffit de faire un tour à 360° pour comprendre que c’est pareil pour à peu près tout le monde.
Alors comment peut-on expliquer que, de nos jours, on vive de façon totalement paisible le fait d’aller de notre plein gré dans un endroit où on sait pertinemment qu’on va devoir passer la journée à faire la queue ? Parce que c’est le cas, à Disneyland, hein.
Bien sûr, depuis quelques années, on retrouve sur la plupart des attractions très populaires le principe du FastPass : tu prends un ticket pour un créneau ultérieur d’une demi-heure pendant lequel tu peux faire l’attraction une fois sans vraiment faire la queue. Ça donne un petit côté VIP franchement pas dégueu, mais ça ne marche pas pour tous les manèges et puis que faire en attendant de… ne plus avoir besoin d’attendre ?
Du coup, bah tu vas faire la queue pour un manège. Là, faut savoir que même si c’est écrit « 45 minutes », c’est pas hyper fiable, comme science. Du coup tu peux te retrouver à attendre deux heures. C’est beaucoup. Attendre deux heures pour une attraction de trois minutes, c’est un peu comme patienter deux heures pour que ton/ta partenaire ouvre sa braguette… et finir avec un coït d’une minute.
Mais à Disney, ça passe. On râle un peu, et puis on se fait à l’idée. Dans la file d’attente, personne ne se plaint de douleurs aux pieds. Personne ne soupire. Ça se fait des câlins, ça se fait des blagues, ça papote, ça regarde ailleurs (moi, ma technique, c’est de faire une partie de petit bac en écrivant sur des tickets de caisse). J’ai rarement vu un endroit avec autant de monde en train de ne RIEN faire, mais aussi peu de paires d’yeux rivées sur un téléphone.
C’était assez magique.
Nous en train d’essayer de trouver un métier qui commence par X.
L’attachement soudain à des inconnu-e-s
Passer deux heures dans une file d’attente, c’est aussi passer deux heures en totale proximité avec des inconnus
. Jusque là, rien d’anormal : c’est comme faire un Paris-Lyon en TGV avec un voisin dont on ignorait l’existence, et qu’on aura oublié sitôt le pied posé sur le quai.
Mais à Disneyland, je sais pas trop pourquoi, je me prends inconsciemment, sans crier gare, d’une façon tout à fait étonnante, d’affection pour les gens. Surtout les gens devant moi. Je les ai sous les yeux tout le temps, alors du coup, je finis par connaître leurs expressions du visage, leurs intonations de voix, la relation qu’ils entretiennent avec ceux et celles qui les accompagnent, leurs tics…
Je ne m’en rends pas compte pendant l’attente, je m’en rends compte quand je sors de l’attraction. J’ai toujours instinctivement le réflexe « Eh, il manque quelqu’un », et je les cherche des yeux.
Avant de me rappeler qu’en vrai, bah… Je les connais pas, quoi.
Moi quand je cherche mes nouveaux copains après Space Mountain.
Une baisse d’exigence
Au-delà de la patience, il y a quelque chose qui change aussi en moi : mon exigence dans certains domaines devient quasiment inexistante.
C’est ainsi que moi, qu’on qualifie de « gourmet », qui ne mange dans un fast-food que sur une pulsion trimestrielle, qui aime les petits plats mijotés et faits maison, me retrouve à saliver devant un hot dog à 6€99 composé de :
- Pain à mi-chemin entre la baguette et le pain à hot dog
- Saucisse
- Mayonnaise, ketchup ou moutarde en petits sachets individuels à rajouter soi-même.
Et je te raconte pas la déception de moi-même que j’ai ressentie en sentant l’appétit me remonter le long des glandes quand j’ai ouvert le sandwich triangle que je venais d’acheter en face de la Tour de la Terreur.
Ce syndrome, je l’appelle le TEBAM : le tout est bon avec Mickey. Une maladie connue d’un grand nombre d’êtres humains, qui nous prouve une chose : une mauvaise nouvelle, un mauvais goût, une mauvaise expérience… devient moins désagréable tant qu’on est près du parc d’attractions.
Je le vois à mon rapport à la bouffe là-bas, mais aussi à tous les gens que je vois dodeliner de la tête et des fesses quand se met à retentir la chanson de la parade. Qui n’est pourtant pas ce qu’il y a de plus rock et qualitatif.
En fait, je sais pas ce qu’il en est pour toi, mais je crois que je serais une meilleure personne si je vivais à Disneyland. Pas si j’y travaillais, hein : si j’y vivais.
Je crois qu’il faut que j’envisage de changer de vie. Que je me balance la musique de la parade tous les matins, que je force mon entourage à arborer un sourire forcé façon Miss France, que je me glisse en luge dans les escaliers au lieu de les descendre sur les pieds, que je saupoudre mon quotidien d’un peu de Disneyland…
Et qu’on fasse tous la même chose, et qu’on soit heureux et pleins d’amour.
Oh bordel. Je crois que j’ai la solution pour la paix dans le monde.
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Les Commentaires
Pas mal aussi ! Je me suis aussi rabattue sur des chaussons (genre des gros chaussons verts avec dingo dessus) et un gros chapeau pas discret. Ça fait pas princesse du tout, mais on fait comme on peut