This is Going to Hurt est l’adaptation d’un livre d’Adam Kay, récit de son quotidien en tant qu’obstétricien/gynécologue dans une hôpital public anglais. Les souvenirs de l’ancien médecin ont pris vie dans une série, diffusée sur Canal+, à la fois éprouvante et drôle, dont vous ne sortirez pas indemne.
Je préfère vous mettre en garde, certaines scènes peuvent être dures à voir, surtout mettant en scène des accouchements, qui se passent quasiment tous mal (c’est évidemment un parti pris, la plupart du temps, tout se passe bien et il n’y a aucune complication).
J’ai dû détourner le regard à plusieurs reprises. Pour celles qui ont peur de l’accouchement ou qui comptent en vivre un très prochainement, peut-être attendre un peu est-il nécessaire. On croise des scalpels et des grosses giclées de sang, âmes sensibles d’abstenir donc !
Petit avertissement effectué, la grande qualité de cette série est à saluer, autant par ses dialogues fins, ses personnages complexes, qu’une mise en scène sombre et belle. À la production, Lucy Forbes, aussi aux manettes de The End Of The F***ing World, teen movie à la photographie d’une beauté qui coupe le souffle.
L’histoire est centré sur Adam McKay — incarné par le prodigieux Ben Whishaw —, médecin charismatique dont l’ironie semble être une seconde peau, et se déroule dans une maternité. On aime son attachement aux patientes, on déteste sa condescendance envers ses collègues.
Une obstétricien au centre de la tourmente
Le docteur MacKay enchaîne les gardes sans dormir. Il est au four et au moulin, aux accouchements et aux paperasses. Dans sa vie privée, il peine à sortir d’un placard, où ses parents voudraient bien le voir rester. Son mec patiente sagement dans un premier temps…
Adam MacKay parvient tant bien que mal à gérer toutes ces pressions et ces secrets, en dormant dans sa voiture sur le parking et en étant fort désagréable avec l’interne dont il est responsable, Shruti Acharya (Ambika Mod). Mais voilà, la pression et la fatigue aidant, il commet une erreur médicale, renvoyant chez elle une femme, qui devra finalement revenir et accoucher en urgence d’un enfant grand prématuré.
Comme dans la série française Hippocrate, une erreur médicale est le fils rouge et elle hante le personnage d’Adam McKay, pétri de culpabilité mais voulant tout de même sortir la tête de l’eau.
This is Going to Hurt a l’humour un peu trash et les apartés d’un Docteur House, avec un bonhomme tout aussi charismatique. Un côté brut, réaliste et engagé dont Grey’s Anatomy était dépourvu… 18 ans après les débuts de la mythique Urgences, le genre de la série médicale a su se renouveler avec brio, avec cette petite nouvelle, qui ne manquera pas de marquer les esprits.
Où sont les femmes ? Avec leurs gestes médicaaaales…
Cette série me donnait, alors même que je commençais tout juste à la regarder, des sentiments ambivalents. Une série au cœur d’une maternité, avec de l’humour anglais : whaou trop bien ! Le personnage principal est un gynécologue HOMME et les patientes font presque partie du décor : heu nope.
Et d’épisode en épisode, mon jugement s’est affiné et j’ai fait fi de mes gros biais d’analyse féministes, tout à fait pertinent la plupart du temps… mais pas dans le cas de cette série. Car oui, cette série met en scène un homme, pour parler de gynécologie, et les parturientes sont parfois moquées, mais le féminisme est bien présent !
Et n’est pas plaqué à gros coups de dialogues bien lourdauds (quelqu’un reconnaît la saison 3 de Plan Cœur, ha bon ?), mais bien logé avec finesse dans pas mal de détails et de situations décrites.
Est-ce une série féministe ?
Dans le personnel médical, on trouve un chef de clinique, un gynécologue-obstétricien et des sages-femmes… C’est malheureusement assez représentatif de ce qui se passe dans la réalité, où les postes « de pouvoir » sont occupés par des hommes.
Il y a aussi une gynécologue senior aux répliques mordantes et une jeune interne, Shruti, bolossée par Adam, pressurisée par ses gardes sans fin et ses cours exigeants, qui tombe en dépression.
Avec le manque de moyens, on voit bien que ce sont les femmes qui viennent consulter ou accoucher qui pâtissent et sont traitées comme des numéros, entassées dans les couloirs. Elles n’ont pas les accouchements qu’elle méritent.
Une femme enceinte jusqu’au cou fait l’objet de suspicions de violences conjugales. C’est Shruti qui détecte cela grâce à un système de gommettes, qui indique discrètement que la femme a besoin d’aide, comme le dispositif français de signalement, où il suffit à la personne victime de demander un masque 19 en pharmacie pour alerter le personnel. Shruti tente de l’aider mais se heurte à la difficile prise en charge par les pouvoirs publics des violences conjugales, notamment car les moyens ne sont pas suffisants.
Une autre patiente du docteur Kay, une jeune fille de 19 ans, s’est coupée une petite lèvre de la vulve, se sentant anormale. Et évidemment c’est une boucherie, due à des normes complètement abjectes concernant les vulves, propagées notamment par les films porno. Un sujet qu’il est utile de mettre sur la table et c’est fait ici avec beaucoup de finesse et d’émotions.
Une série so british, drôle et émouvante
Je ne dirais pas qu’il n’y a que les Anglais pour parvenir à être hilarants tout en étant émouvants mais presque. Les réflexions pince sans rire de ce Docteur House anglais s’enchaînent, et l’on ne sait plus si l’on doit rire ou pleurer.
Médecin charismatique, en apparence désabusé mais en fait sensible (oui, le cliché de l’homme cynique au cœur tendre), impulse avec ses interlocuteurs des échanges grinçants, détendant à peine une atmosphère légèrement angoissante.
Mais ce sont aussi les personnages secondaires, qui nous font esquisser des sourires, la mère (jouée par Harriet Walter, incroyable Dasha dans Killing Eve) ultra-rigide et si cassante que ça en est comique ou encore le petit ami (touchant Rory Fleck-Byrne), qui décline la proposition de mariage et attend tout le temps son mec qui lui pose des lapins.
Un personnel sous pression et un hôpital public au bord du gouffre
Alors bien sûr il y a la vetusteté du matériel et des bâtiments, mais il y a surtout un manque de personnels qui crée des situations dramatiques. Les sages-femmes et les médecins doivent choisir entre deux situations d’urgence, au détriment de patientes venues donner la vie.
Le service bondé avec peu de praticiens, déjà poussés à bout de force par l’enchaînement de gardes, détruit ceux qui y travaillent — médecins, sages-femmes, puéricultrices, etc. — et cela rejaillit sur les patientes, qui n’ont pas la prise en charge qu’elles devraient avoir.
Shruti, à bout d’enchaîner les rendez-vous, sans manger ni dormir, finit par annoncer de façon froide et mécanique la mort du foetus, en parlant d’un « amas de cellules », à une femme enceinte qui s’effondre.
Ce manque de moyens dramatique fait aussi écho, d’une certaine manière à la situation en France, dans les hôpitaux publics, à la pointe de la technique, mais ayant un manque de personnels chronique.
To be or not not Toubib, pédiatre urgentiste disait aussi à Madmoizelle que la série avait un côté très réaliste :
« Elle représente assez bien la situation difficile du système, y compris en France avec un manque de moyens pour l’hôpital public de plus en plus ressemblant, et un manque de personnel, notamment aux urgences, qui correspond bien à ce que l’on voit dans cette série. »
C’est un objet sériel tout à fait original et fascinant qui décrit un système hospitalier au bord du gouffre, qui met patientes et personnels en danger, en n’oubliant pas de taper sur les cliniques privés, certes confortables mais sans tout le matos nécessaire.
À la fois très réaliste dans sa mise en scène, mais créative dans ses dialogues, cette série saura vous toucher en plein cœur !
Vous pouvez mater cette série sur Canal+
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