En ce moment, les capitales occidentales de la mode présentent leurs collections pour l’automne-hiver 2022-2023, dans une forme de semi-indifférence nourrie par la pandémie. C’est dans ce contexte que la marque du groupe Boohoo, PrettyLittleThing, a organisé un défilé à Londres le 16 février 2022, alors même qu’elle propose bien plus qu’une collection tous les 6 mois comme le voudrait la logique initiale du calendrier des fashion weeks.
Pendant que PrettyLittleThing défile, des activistes militent contre ses pires pratiques
Frances Leach, autrice et chercheuse sur les questions à l’intersection de la mode, de la politique, et de la durabilité a justement tweeté sur l’ambivalence entre ce qu’affiche la marque en façade versus les conditions de production de ses vêtements en coulisses :
« Il y a quelque chose de particulièrement sinistre à reconnaître que la diversité doit être promue et protégée d’un côté, mais à l’ignorer activement et à permettre l’exploitation des communautés noires, asiatiques et autres minorités de l’autre côté. C’est presque pire que de ne rien faire du tout. »
C’est à l’occasion de ce défilé que deux activistes pour une industrie de la mode plus éthiques ont organisé une manifestation à l’encontre de cette marque controversée : Venetia La Manna et Mayisha Begum.
Une manifestation pour que PrettyLittleThing paie décemment ses travailleuses
Devant l’hôtel The Londoner où se tenait le défilé, les deux militantes ont réuni une dizaine de personnes. Munies de pancartes aux slogans évocateurs, elles prononçaient des discours concernant les mauvais agissements de la marque, afin d’alerter l’opinion publique.
Ce, devant le parterre de stars de la télé-réalité et créateurs de contenus qui composaient l’essentiel des invités de cette griffe misant beaucoup sur le marketing d’influence. Auprès du média britannique The Independant, Venetia La Manna a expliqué la réaction consternante de certains invités face aux réalités alarmantes de l’entreprise :
« Plusieurs spectateurs vêtus des derniers looks de la marque ont ricané alors qu’ils faisaient la queue pour entrer.
Je ne dois pas comprendre ce qu’il y a de drôle là dedans. Boohoo Group Plc, la société mère de PLT (et l’une des plus grandes marques de mode ultra-rapide au monde) est dirigée par le milliardaire Mahmud Kamani, qui, selon la Sunday Times Rich List, vaut 1,4 milliard de livres sterling. Son fils multimillionnaire Umar dirige PrettyLittleThing. Et pourtant, les deux marques ont fait face à des allégations de faute grave dans leur chaîne d’approvisionnement, liées à des salaires illégalement bas pour les travailleurs.
En 2020, une enquête du Sunday Times a affirmé que les travailleurs d’une usine de Leicester fournissant des produits Boohoo étaient payés aussi peu que 3,50 £ de l’heure, et un rapport de la coopérative à but non lucratif Labor Behind the Label a affirmé que les employés étaient obligés de travailler sans équipement de protection individuelle suffisant pour se protéger contre Covid. »
Auprès de The Independant, le groupe a tenu à répondre que ces allégations étaient « grossièrement inexactes ». Boohoo stipule auditer et agréer tous ses fournisseurs internationaux, ne tolérer aucun écart du code de conduite, et même disposer d’une ligne téléphonique pour dénoncer de mauvais traitements éventuels…
Qu’est-ce que l’ultra fast-fashion qu’incarnent PrettyLittleThing et Boohoo ?
Ces conditions de production déplorables de la marque PrettyLittleThing et du groupe Boohoo permet d’assurer une cadence effrénée, selon le modèle économique de l’ultra fast-fashion. En effet, enchaîner toujours plus de vêtements à petits prix et multiplier les offres promotionnelles éclair permet de créer un sentiment d’urgence chez sa clientèle. Continuellement abreuvée de nouveautés (une trentaine de nouvelles références par jour), celle-ci a peur de manquer une pièce, a fortiori en promo, et s’empresse ainsi d’acheter.
C’est contre ce modèle économique d’ultra fast-fashion qui repose sur l’exploitation de travailleurs et surtout de travailleuses, souvent racisées, à la fois nocif socialement et environnementalement, qu’ont manifesté Venetia La Manna, Mayisha Begum, et leurs acolytes.
En ligne aussi, les militantes poursuivent leur combat, interpellant la marque publiquement sur Instagram et Twitter. Si PrettyLittleThing continue de les ignorer, l’action de ces activistes a le mérite de sensibiliser le grand public aux problèmes que pose l’ultra fast-fashion, et qu’incarne si bien le groupe Boohoo. Car la mode jetable nous blesse toutes et tous.
À lire aussi : Mode d’emploi pour passer de la fast-fashion à un style plus éthique et responsable
Crédit photo de Une : @hollyfalconer
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires
Faudra quand même qu'on m'explique le concept de "défilé" pour une marque qui sort de nouveaux produits tous les jours je sais que ça se fait depuis pas mal d'années maintenant dans la fast-fashion et ça me laisse totalement perplexe. Déjà, avec la multiplication des collections dans le luxe (croisière, pre-season...) ça devenait un peu ridicule, mais là, ça me dépasse. A part l'image de marque, mais enfin, dans ce cas, faites une campagne de pub c'est pour augmenter la désirabilité des pièces vues sur les mannequins ? Mais de toute manière il n'y en aura plus dans quinze jours - quel intérêt par rapport à une promo classique ? J'y pensais il y a quelques jours parce que j'ai vu une pub sur Insta avec le défilé Shein, alors ma première réaction a été de péter un câble parce que d'où j'ai ça dans mon feed, ensuite j'ai rigolé très fort (en plus sérieux des brassières et des leggings, mais c'est quoi là, on se croirait à un défilé Yeezy), et puis l'absurdité de la chose m'a violemment heurtée. Je veux dire, c'est même pas un évènement, la presse s'en contrefout, les jeunes sont ailleurs, à quoi ça sert ? Sans cette manif je n'aurais probablement jamais entendu parler d'un défilé Boohoo, alors que je fais partie des n% de gens qui suivent ce qui se passe pendant les fashion weeks.
@missaaj c'est clair que l'affordable luxury à la SMCP ce n'est pas un parangon d'éthique non plus ! Prix n'implique pas toujours qualité ni conditions de production décentes, malheureusement. Ce qui rend le public un peu désabusé, et à raison.