Son nom ne vous dit peut-être rien, pourtant, Elsa Schiaparelli a largement contribué à dérider la haute couture si guindée du 20e siècle à grande dose d’audace, d’humour, et de surréalisme. Née le 10 septembre 1890 à Rome et morte le 13 novembre 1973 à Paris, elle a eu une vie plus trépidante que n’importe quelle fiction, et des créations que l’histoire de la mode aurait tort d’ignorer. C’est pourquoi le Musée des Arts Décoratifs de Paris lui consacre une exposition rétrospective du 6 juillet 2022 au 22 janvier 2023. Mais qui était donc ce phénomène, qu’on aurait pourtant presque oublié aujourd’hui ?
Qui était la grande couturière Elsa Schiaparelli dont le MAD fait la rétrospective ?
Elsa Schiaparelli (1890-1973) vient d’une famille romaine d’aristocrates intellectuels qui la trouvent « joliment laide » et l’envoient au couvent après avoir découvert qu’elle écrivait des poèmes érotiques à ses heures perdues. Après une rencontre amoureuse en 1914 (avec Wilhelm Wendt de Kerlor, un théosophe), un voyage à New York en 1916 (avec Gabriële Buffet-Picabia, femme de l’ombre du dadaïsme dont je vous conseille la bio pleine d’artistes signée Anne et Claire Berest), elle amarre à Paris, divorcée de son infidèle mari, sa fille sous le bras. Elle y croise le grand couturier Paul Poiret en 1922 qui lui enjoint de se lancer dans la mode. Elle fonde donc sa propre maison en 1927. Immédiatement, son humour déborde de ses créations au point d’en faire la nouvelle star des podiums, ringardisant alors Gabrielle Chanel dans les années 1930.
Les pullovers tricotés main pour inscrire dans la maille des motifs ludique en trompe-l’œil deviennent rapidement des best-sellers et la première marque de fabrique d’Elsa Schiaparelli. Elle qui adore placer les choses là où on ne les attend pas s’amuse aussi à placer des cachets d’aspirine en guise de collier, des ongles peints comme des griffes au bout de gants, et autre chapeau en forme de chaussure. Bien avant que John Galliano ne le fasse chez Dior, la créatrice détournait du papier journal en robe. Bien avant que Jean Paul Gaultier ne le fasse pour ses parfums, la grande couturière sculptait des torses de femme en guise flacon de sent-bon.
Elsa Schiaparelli faisait des collabs avec des artistes avant que ça ne devienne la mode
Le travail surréaliste d’Elsa Schiaparelli tutoie Salvador Dalí, Jean Cocteau et Man Ray, des artistes qui signent avec elle les premières collabs de l’histoire. Cette créatrice hors-norme chamboule profondément la haute couture, apportant des innovations techniques, mais aussi beaucoup d’humour et de pouvoir. C’est la première à utiliser des zips visibles, à cartonner avec ses licences (une licence consiste à laisser d’autres fabricants utiliser son nom de marque pour des produits à moindre prix). Elle développe dès les années 1930 des manteaux qu’elle qualifie de « hard chic » aux grosses épaulettes, qui deviendront emblématiques des années 1980.
En plus de mettre son génie de la couture, du marketing, et du business, au service de sa vision artistique de la mode, Elsa Schiaparelli s’affirmait aussi comme une femme engagée. Contrainte à l’exil aux États-Unis en 1940 (elle fait le voyage en épinglant sa broche préférée, une colombe, symbole de paix, à sa veste, ce qui est devenu depuis un code important de la maison qui porte encore son nom), elle y assure des conférences féministes qui réunissent jusqu’a 34 000 personnes, et aide la France en guerre depuis New-York.
Elsa Schiaparelli, une artiste surréaliste de la mode ?
Après la Seconde Guerre mondiale, Elsa Schiaparelli embauche le jeune Hubert de Givenchy et quitte elle-même la mode en 1954. Elle signe la même année son autobiographie, Shocking Life où elle explique combien on lui a fait comprendre dès son enfance qu’elle était laide, et aurait besoin de compenser. Ce qu’elle a fait par son intellect et sa créativité, écrivant toujours avec sa poésie surréaliste avoir voulu planter des graines dans sa gorge, ses oreilles et sa bouche, dans l’espoir de faire pousser « un visage couvert de fleurs comme un jardin paradisiaque », rappelle le New York Times. Elle meurt dans son sommeil à 83 ans, le 13 novembre 1973 à Paris.
Ainsi, vous pourrez croiser dans l’exposition que consacre le Musée des Arts Décoratifs à cette artiste surréaliste de la mode plusieurs de ses œuvres. Dont la fameuse « robe homard » (peint par Dalí) de 1937 portée par la duchesse de Windsor (juste avant son mariage) devant l’objectif du grand photographe Cecil Beaton. Ou un étonnant manteau noir en laine et soie, orné de 6 poches en porcelaine rose. Ou encore une cape dans la fameuse teinte « rose shocking » (proche du rose Barbie), brodée d’un immense soleil doré dans le dos.
« Shocking ! Les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli », du 6 juillet 2022 jusqu’au 22 janvier 2023 au Musée des Arts Décoratifs (107 Rue de Rivoli, 75001 Paris).
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