Ceci est une retranscription de la lettre de Hannah. Pour retrouver la version qu’elle a lue et commentée, écoutez l’épisode sur toutes les plateformes d’écoute (Spotify, Deezer, Apple Podcasts…)
Attention ! Dans cet épisode, il est question de tentative de suicide, d’agression sexuelle et de viol. Si ces sujets sont sensibles pour vous, lisez et écoutez avec prudence. Des ressources seront proposées dans la description.
Cher T.,
Tu ne me manques plus. Ni toi. Ni l’image toute construite que j’avais de toi. Je suppose que c’est ça qu’on appelle « aller de l’avant ». Apparemment, c’est l’étape la plus compliquée après une rupture : se défaire de l’image idéalisée que l’on avait de la personne et de la relation. Se dire que la vie continue et que le bonheur est ailleurs.
Et pourtant, même si tu ne me manques plus, j’ai mal. J’ai mal parce que tu as laissé des cicatrices invisibles, mais si profondes que je n’arrive pas à les panser. Peut-être parce que cette rupture n’était pas comme les autres. Peut-être parce que j’ai essuyé tes larmes alors que c’était moi qui étais à l’agonie, depuis des semaines, des mois. Peut-être parce que le mal que tu m’as fait va au-delà de la simple peine de cœur.
Ce n’est pas une question de sentiment ou d’égo. Ce n’est pas une question de « ça ne marchait plus entre nous ». C’était une question de vie ou de mort. De mensonges. De ta part, sur tellement d’aspects de ta vie. De ma part, sur tellement de blessures que tu m’as infligées alors que tu savais déjà qu’elles étaient présentes et encore fraîches.
Je me retrouve aujourd’hui partiellement guérie. Partiellement parce que mes sentiments pour toi ne sont plus là. Je pense qu’ils ont disparu à la minute même où mon cerveau a compris ce que tu m’avais fait subir et que j’ai refoulé de toutes mes forces parce que je ne voulais pas encore avoir cette position de « victime ». Et puis surtout pas à cause de toi, pas après tout ce que je t’ai confié sur mon passé. Et pourtant.
Je t’ai fait confiance, je t’ai dit plusieurs fois « tu m’as réconcilié avec les hommes », pour qu’au final tu fasses partie de la liste de ceux qui ont abusé de moi.
Je t’en voudrai toute ma vie. Je le sais. Aucune justice, aucune sanction, aucun mot d’excuse, aucune explication, aucune justification n’effaceront le mal que tu m’as fait. Rien. Rien du tout. Peut-être que ça m’apaisera quelques jours. Ou quelques semaines. Mais ça ne changera en rien les faits : tu es un violeur et un agresseur sexuel. Et ce, même si ta famille et tes amis te disent le contraire. Parce qu’ils et elles n’étaient pas dans notre lit quand tu m’as forcée. Parce qu’ils et elles n’étaient pas conscients de tes attouchements en public alors que je te disais stop. Mais toi, tu savais. Et tu as continué. Et pour ça, je ne pourrai jamais t’accorder mon pardon. Même si tu as avoué, même si tu t’es excusé entre deux crises de larmes de crocodile.
La victime ici, c’est moi. C’est pas toi. Toi, t’as rien perdu. Moi, j’ai perdu ma confiance en les autres, j’ai perdu ma confiance en les hommes. Ma santé mentale est au plus bas. J’ai pensé au suicide. J’ai failli passer à l’acte.
J’ai été menacée et pointée du doigt par tes potes. On m’a sous-entendu que je mentais. Mais pour quoi faire ? Quel est mon intérêt dans tout ça ? Il y a tellement d’autres choses que tu as faites et qui auraient pu être suffisantes pour que je souligne à quel point tu es mauvais.
Mais j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai constitué un dossier pour la justice. J’ai fait des démarches. Pourquoi est-ce que je me serais lancée là-dedans si je mentais ? Je n’ai rien à y gagner. Je ne veux pas de ta thune. Je ne veux pas me venger. Je veux juste que tu te fasses soigner. C’est un comportement de menteuse, ça ?
Pas une nuit ne passe sans que je cauchemarde. Pas une nuit ne passe sans que je me réveille en panique, avec l’impression de te sentir te frotter à moi. Tu sais, comme ces fois où tu le faisais quand j’étais endormie et claquée par mes anxiolytiques. Où je me réveillais et où j’étais tétanisée parce que je ne comprenais pas pourquoi tu me faisais ça. Et le lendemain matin, je me levais et je faisais comme si de rien était. Je balayais la sensation d’être sale et mal à l’aise en me disant que c’était peut-être parce que je ne te comblais pas assez.
Il est temps que la honte change de camp.
Hier soir, j’ai failli tout lâcher et tout abandonner. Et puis j’ai pensé aux personnes que je pourrais protéger en amenant cette affaire devant la justice. J’ai pensé au fait qu’en demandant à un ou une juge de te forcer à te faire soigner, je pourrais peut-être sauver des vies. Et c’est ça qui m’a empêché de commettre l’irréparable. Ça et toutes ces personnes qui me soutiennent et qui jamais, JAMAIS, n’ont remis en question mes paroles. Pour elles, pour toutes les victimes silencieuses parce qu’elles sont terrifiées, pour tes futures copines, pour moi, je dois porter ce dossier. Peu importe l’issue. Peu importe à quel point le système judiciaire est foireux et cherchera à te protéger. C’est avant tout symbolique.
J’ai besoin de guérir et je pense que je dois passer par là. J’ai trop subi et je me suis trop tue.
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
Dans Ce que j’aurais dû dire à mon ex, des auditrices expriment au micro de Madmoizelle tout ce qu’elles rêvent de dire à leur ex-moitié.
À travers chaque histoire se dessine en creux la violence du patriarcat dans l’intime et ses paradoxes.Pour participer au podcast, contactez-nous à l’adresse [email protected]
Ce que j’aurais dû dire à mon ex est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Aïda Djoupa. Réalisation, générique et édition : Mathis Grosos.
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