Eva : « Je me mettais dans des états démesurés qui pouvaient aller jusqu’à la mise en danger »
Je m’appelle Eva, j’ai 20 ans et j’ai été diagnostiquée d’un trouble de la personnalité borderline cette année. Ce diagnostic, je l’ai attendu toute ma vie. Je suis suivie depuis toute petite par des psychologues et psychiatres suite à plusieurs traumatismes dans l’enfance. J’ai grandi en me sentant en décalage avec les autres : énorme difficulté à gérer mes relations sociales et surtout amicales, des émotions radicales et envahissantes… Tout cela m’a mené à un premier diagnostic de Haut Potentiel Intellectuel (HPI) à l’âge de 13 ans, ce qui était censé expliquer mon mal-être.
J’ai grandi ainsi, toujours suivie par des psy et toujours profondément malheureuse. À la majorité, ma personnalité a commencé à mieux se dessiner et à creuser encore plus ce fossé entre les autres et moi. J’ai été hospitalisée un mois et demi en hôpital psychiatrique car la souffrance devenait trop importante, et s’en est suivi le diagnostic du trouble de la personnalité borderline.
Ce trouble, j’en suis fière d’une certaine façon. Mon cerveau l’a développé suite à des événements que je n’ai pas choisi de vivre, il essaye de se protéger comme il peut et c’est finalement grâce à ça que je suis qui je suis aujourd’hui. Le plus dur pour moi, c’est de réussir à vivre sans dépendre des autres. J’ai grandi en vivant littéralement pour mes amis, pour la validation des autres, et quand par exemple je me disputais avec eux, je me mettais dans des états démesurés qui pouvaient aller jusqu’à me mettre en danger. Je dois aussi gérer mes comportements impulsifs, comme ma capacité à péter un plomb en 2 secondes et de façon terrifiante (j’ai énormément travaillé dessus depuis), mais aussi mes pulsions d’achats, de consommation d’alcool ou de médicaments. Ces comportements me permettent de me sentir vivante et de combler un vide en moi.
C’est un combat constant contre moi même, un combat constant contre mes pensées intrusives. Je passe mes journées à me battre contre ces phrases dans ma tête qui me répètent que personne ne m’aime, que les gens vont tous m’abandonner tôt ou tard, qu’ils parlent sur mon dos ou que je ne suis pas importante pour eux. À force, c’est épuisant et ça me conduit surtout à n’avoir plus aucune confiance en moi.
Mais paradoxalement, je m’aime autant que je me déteste. Selon les jours, je me sens soit toute puissante, soit j’ai le sentiment de ne pas être légitime de vivre. Mais du coup je ne m’ennuie jamais… Grâce à ma thérapie, je sais maintenant qu’une phase de grosse dépression et d’angoisse sera suivie d’une phase euphorique très intense.
Chose dont on parle peu : ce trouble est souvent très dur à vivre pour les gens qui nous entourent. Je sais que je me suis surprise entrain de manipuler mes proches pour les faire rester auprès de moi, pour m’apporter plus d’amour ou d’attention. Je mets aussi une très grande pression sur mes proches vis-à-vis de mes changements d’humeurs réguliers : on peut passer une matinée à rigoler ensemble et je peux finir l’après-midi aux urgences à cause d’idées suicidaires. Et surtout, j’ai un besoin constant d’être rassurée, ce qui m’a amenée à perdre pas mal de monde autour de moi. Mais tout ça j’en prends conscience petit à petit et je refuse de blesser les gens que j’aime et qui m’aiment, donc je travaille dessus activement.
J’espère qu’à l’avenir, ce trouble sera plus reconnu et surtout que les gens seront plus tolérants. C’est très dur de se sentir juger sur notre consommation d’alcool, nos crises de nerfs, notre dépendance affective etc par les gens qui nous entourent. On essaye juste de gérer nos traumatismes avec les moyens que nous offre notre cerveau. Une personne borderline, c’est une personne qui a souffert et qui souffre encore.
Si je pouvais dire quelque chose aux personnes ayant ce trouble ou en voie de diagnostic, ça serait de bien vous entourer, d’expliquer à vos proches ce que vous ressentez mais de ne pas les incriminer pour autant, essayez de voir le monde par les yeux de quelqu’un qui n’aurait pas le même trouble que vous. Et surtout n’oubliez pas que tout finit par passer, que le trouble s’apaise avec le temps si il est bien traité.
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Lise : « Je pouvais commencer la journée en étant de super bonne humeur, et deux heures plus tard, sans aucune raison, être au fond du trou »
J’ai été diagnostiquée en 2020 du trouble borderline. J’en souffrais déjà avant, même si personne n’avait posé les mots sur ce que je vivais, sur ce que je ressentais et ce, dès l’enfance. À l’époque, je ne le conscientisais pas vraiment. Pourtant, je vivais déjà des tempêtes émotionnelles, j’avais par exemple des pics de colère très importants. Ce n’était pas juste de la contrariété comme en ressentent tous les enfants. Chez moi, cela pouvait aller jusqu’à la violence, envers les objets, mais aussi envers les autres et moi-même. Par exemple, si j’avais une amie qui n’était pas d’accord avec moi, je pouvais la plaquer contre le mur. Mais mes parents n’étaient pas affolés plus que ça, ils se disaient que c’était des colères d’enfant, que ça finirait par me passer.
J’ai eu de la chance de grandir dans une famille très aimante, je n’ai jamais manqué d’amour. Le mal-être que je pouvais ressentir était comblé par l’amour de mes proches.
C’est surtout à partir de l’adolescence, marquée par la séparation de mes parents, que j’ai commencé à vivre des épisodes dépressifs, à vivre des changements d’humeur très marqués, des changements de projet aussi… Par exemple, j’étais au lycée, je voulais faire une filière scientifique, et le lendemain, je souhaitais à tout prix faire de la littérature… Je pouvais éprouver un enthousiasme hyper fort pour quelque chose, que je délaissais complètement le lendemain.
Outre cette colère, les épisodes dépressifs, les changements d’humeur, j’avais aussi régulièrement des phobies d’impulsion. Il m’arrivait de marcher dans la rue, et une pensée s’imposait à moi pour me dire de voler le sac-à-main de la dame devant moi, alors que je n’en avais aucune envie. Je devais lutter contre cette voix intérieure qui me dictait toutes ces choses horribles…
J’ai aussi souffert de troubles du comportement alimentaire (TCA), qui sont clairement liés à mon trouble borderline. Ces TCA ne sont pas apparus à l’adolescence, comme c’est souvent le cas, mais à partir de 2019-2020, postérieurement à un viol que j’ai subi. J’étais dans le contrôle total de ce que je mangeais, je calculais la moindre calorie. Ça a duré presque deux ans. J’ai fini par tomber à 39 kg pour 1,63 mètre. À un moment donné, on ne m’a plus laissé le choix : soit je remangeais, soit on me posait une sonde. Chose que je ne souhaitais absolument pas, donc mes TCA se sont un peu apaisées. Mais c’est quelque chose qui revient toujours par intermittence.
À partir de cette même période, 2019-2020, je souffrais de forts troubles de l’humeur, qui se sont accentués avec le confinement. Je pouvais commencer la journée en étant de super bonne humeur, en ayant envie de faire plein de choses et deux heures plus tard, sans aucune raison, être au fond du trou, avoir des idées noires, parfois suicidaires. La violence était toujours là, elle aussi, pour rien du tout. Un jour, adolescente, alors que j’étais chez mon père, une bouteille d’eau est tombée sur la table. J’ai senti une immense colère en moi, j’ai pris la bouteille que j’ai jeté contre la fenêtre, qui s’est brisée.
Le trouble borderline, c’est aussi ressentir un vide chronique. Il m’arrivait régulièrement de ne rien ressentir, de n’être affectée par rien, comme si je n’étais même plus là. Je souffrais aussi de déréalisation, qui est un trouble dissociatif qui me donnait l’impression d’être en dehors de mon corps. Je souffrais aussi de dépression, m’infligeais des scarifications…
Évidemment, le trouble borderline a affecté mes relations avec mes proches et mon parcours scolaire. Jusqu’à la fin du lycée, j’ai réussi à assurer, j’étais bonne élève. Mais ça m’a vraiment impactée à compter du Covid, en 2020. J’étais étudiante en double licence d’anglais et de musicologie à Lyon 2, j’étais tellement mal dans ma tête et dans ma peau que je n’étais plus en mesure de travailler. Je n’avais plus le mental pour assurer toutes les heures de cours. Tout est parti en vrille au moment du confinement. De ce trouble borderline, ont découlé de gros conflits avec ma mère, avec qui j’étais confinée. Ça a été très dur pour elle aussi de voir sa fille souffrir. J’ai aussi décroché l’école à ce moment-là.
Finalement, très péniblement, j’ai quand même réussi à décrocher ma 2e année de licence. À la troisième année en revanche, j’ai totalement lâché. J’étais, à ce moment-là, tombée totalement dans l’addiction aux benzodiazépines (Xanax, Lexomil…), j’étais devenue un zombie. Je n’avais même plus la force de me déplacer pour aller en cours.
Le diagnostic du trouble borderline a été posé un peu après le confinement, lorsque j’ai été hospitalisée en clinique psychiatrique, en juin 2020. Je suis allée une première fois de mon plein gré dans cette clinique et une nuit après, je suis repartie. Je suis donc retournée chez ma mère, avant de repartir à la clinique. Cette instabilité a mis la puce à l’oreille des psychiatres sur mon trouble borderline. Finalement, le diagnostic est tombé.
Lorsque j’ai su que j’étais atteinte du trouble borderline, ça m’a fait du bien de ne plus être dans l’incertitude. Mais ça m’a aussi fait peur d’avoir un diagnostic concret. Je me suis demandé comment j’allais faire pour apprivoiser cette maladie, pour vivre avec. Tous mes espoirs que ça s’arrête en un claquement de doigts, du jour au lendemain, se sont évanouis.
À la place, j’ai reçu un traitement. J’étais déjà sous antidépresseurs, sous anxiolytiques et un neuroleptique pour les crises d’angoisse. On m’a rajouté des stabilisateurs de l’humeur pour éviter tous ces changements trop violents.
Aujourd’hui, ça va mieux, surtout grâce aux médicaments, même si tout n’a pas été simple. J’ai par exemple pris beaucoup de poids, ce que j’ai eu du mal à accepter…
Combien de fois ai-je pensé que j’étais folle avant d’être diagnostiquée ? Que quelque chose était cassé chez moi ? Quand je repense à ce que j’ai fait vivre à mes proches, je m’en veux beaucoup. Je leur ai vraiment fait vivre un enfer. Avec ma mère, pendant le confinement, ça a été très difficile. J’ai même dû quitter la maison et me réfugier chez une amie pour éviter que ça ne dégénère. Mais depuis, heureusement, nous avons réussi à recoller notre relation.
Aujourd’hui, même si grâce à mon traitement, ça va mieux, j’ai toujours cette peur de me réveiller et de ne pas savoir si ma journée va être une bonne journée, ou si elle va tourner au cauchemar. Je continue à avoir peur de mes réactions. Il suffit d’une dispute pour que la machine s’emballe, que j’avale des médocs et que je fasse une tentative de suicide. C’est très lourd à gérer, pour mes proches comme pour moi.
Je souffre au quotidien que le trouble borderline soit si peu connu. C’est pour cela que je milite pour la démocratisation des troubles mentaux. Les gens associent beaucoup le trouble borderline à la bipolarité alors que ce sont deux troubles distincts. Je trouve aussi dommage que le trouble « borderline » soit utilisé à tort et à travers. On oublie que c’est une vraie maladie.
Quand on a le moindre doute sur ce que l’on ressent, je conseillerais d’aller voir un professionnel de santé : lui-seul sera à même de poser un diagnostic. Il ne faut pas non plus avoir honte, ni être dans la culpabilité.
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Pour mieux comprendre ce qu’est le trouble de la personnalité borderline, nous avons posé 4 questions au Dr Déborah Ducasse, médecin psychiatre-psychothérapeute au CHU de Montpellier et co-autrice de Le trouble borderline expliqué aux proches (éd. Odile Jacob, 2021).
Madmoizelle. Qu’est-ce que le trouble borderline ?
Dr Déborah Ducasse. Le trouble borderline est un trouble de la personnalité, se traduisant par une altération durable et rigide de la représentation de soi et des autres, entraînant une souffrance importante et une altération du fonctionnement. C’est un trouble émotionnel, et non pas un trouble de l’humeur comme l’est le trouble bipolaire. Le coeur de la problématique du trouble borderline est l’addiction à la relation proche, à partir d’une représentation de soi en manque émotionnel de de bien-être, de sécurité, et surtout de valeur
Certaines personnes sont-elles plus sujettes au trouble borderline ?
Dr Déborah Ducasse. Oui. Le trouble borderline naît de l’interaction entre une vulnérabilité génétique et un environnement dit invalidant. Je précise qu’invalidant ne veut pas dire mal intentionné, mais c’est le fait que la famille n’a pas eu, à un moment donné, les ressources nécessaires pour pouvoir aider l’enfant à identifier, nommer et donner sens à ses émotions. Il existe trois types d’environnement invalidant : d’abord les familles qui répriment l’expression des émotions – cela peut être, dans certains cas, des familles maltraitantes. 70 à 90 % des personnes présentant un trouble borderline rapportent des violences durant l’enfance, que ce soit des abus émotionnels, physiques ou sexuels.
Cela peut aussi être des familles qui entendent l’émotion uniquement quand elle est surexprimée. Cela conditionne donc l’enfant à surexprimer ses émotions.
Enfin, les familles aux hautes exigences, qui ont de hautes attentes de réussite pour l’enfant. Les émotions sont vécues par les enfants comme des entités indésirables, des obstacles à la réussite, qui sont donc réprimées.
Quels sont les symptômes du trouble borderline ?
Dr Déborah Ducasse. Il existe 9 critères qui définissent le trouble borderline. Il faut en avoir au moins 5 sur 9 pour pouvoir être diagnostiqué. Ce qui est très important avec ces 9 critères, c’est de savoir comment ils fonctionnent, quelle est l’expérience de vie de la personne. Chez une personne présentant un trouble borderline, il faut partir à la racine du problème, à savoir la représentation de soi défaillante, qui se ressent enmanque de bien-être, de sécurité émotionnelle et surtout en manque de valeur. Face à ce manque, à ce vide intérieur, il y a une tendance à rechercher à l’extérieur ce qui pourrait le combler. La spécificité du trouble borderline, c’est que ce qui va préférentiellement être recherché à l’extérieur pour combler ce manque intérieur, c’est la relation proche. Dès qu’il y a une relation qui semble apporter du bien-être, apporter le sentiment d’avoir une place spéciale dans la vie de l’autre, une relation proche qui diminue un peu ce sentiment de vide, il va y avoir un hyper-investissement dans la relation, une idéalisation de l’autre à apporter un bonheur durable. Ce qui va générer beaucoup d’attentes et de déceptions, et donc occasionner des relations intenses et instables.
Et puis, plus on dépend de quelque chose dans sa vie pour se sentir bien, plus on a peur de le perdre. Cette peur de perdre dans le domaine relationnel se traduit par une peur de l’abandon. Il s’agit du symptôme le plus spécifique du trouble borderline. Sous le contrôle de cette peur de l’abandon, la personne présentant un trouble borderline peut être amenée à demander de la réassurance répétée, à faire beaucoup de reproches à l’autre pour essayer de le faire changer et se sentir ainsi plus sécurisée ou au contraire à tout accepter de l’autre pour éviter le risque que l’autre s’éloigne, à fouiller dans ses affaires à la recherche de signes évoquant une trahison ou un risque d’abandon, à tester le lien, et même à saboter la relation pour éviter de subir la douleur d’un abandon.
Un autre symptôme du trouble borderline, c’est l’insécurité par rapport aux émotions. Les émotions sont ressenties de façons intenses, très changeantes au gré de ce qu’il se passe extérieurement, en particulier dans le domaine relationnel. Sous le contrôle de l’insécurité intérieure face aux émotions, la personne va s’engager dans ce que l’on appelle des comportements d’évitement expérientiel, visant à échapper le plus rapidement possible à l’expérience intérieure désagréable. Ceci peut se manifester par la consommation de drogues, faire des crises de boulimie, la sexualité compulsive, les achats compulsifs, se scarifier, voire faire une tentative de suicide…
Parmi les émotions intensément ressenties, induisant des comportements extrêmes: la colère. C’est une émotion souvent secondaire à l’émotion de honte.
La dissociation est aussi un symptôme : quand il y a un « courant » émotionnel trop fort, ça disjoncte, ce qui se traduit par une perte de contact transitoire avec la réalité extérieure. Cela donne par exemple l’impression d’être comme dans un rêve éveillé, d’être à l’extérieur de son corps…
Et autre critère du trouble borderline: le trouble de l’identité. Le trouble de l’identité est une difficulté à identifier qui je suis, ce que j’aime et n’aime pas, une tendance à s’hyper-adapter à l’autre, porter des masques, pour se sentir aimable ou désirable dans le regard de l’autre. Trouble de l’identité et sentiment de vide vont de pair.
Quelle est la prise en charge la plus adaptée pour les personnes atteintes du trouble borderline ?
Dr Déborah Ducasse. Il faut savoir qu’à ce jour, les médicaments n’ont pas réellement montré d’efficacité pour le trouble borderline en lui-même. Par contre, ils peuvent aider pour certaines dimensions du trouble vécues comme handicapantes, comme pour l’impulsivité, ou la dysrégulation émotionnelle. Actuellement, le traitement de référence pour le trouble borderline reste la psychothérapie. La Thérapie Comportementale Dialectique, qui est une psychothérapie appartenant au premier niveau de Thérapies Cognitives et Comportementales de 3e vague, est actuellement le traitement avec le plus haut niveau de preuve d’efficacité pour traiter ce trouble. Les données de la littérature scientifique actuelles suggèrent l’intérêt d’améliorer la prise en charge psychothérapeutique en s’appuyant sur l’approfondissement en TCC de 3e vague. La méditation, qui est un acte d’identification correcte de soi, est au cœur des pratiques de TCC de 3e vague.
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Les Commentaires
De mon côté j’ai cette peur constante de perdre les personnes que j’aime; s’il s’agit de ma famille proche et particulièrement mes parents, je pense quasiment chaque jour de ma vie au moment où ils ne seront plus de ce monde et à chaque fois ça me met dans une tristesse vraiment intense. S’il s’agit de mon mec je vais avoir peur qu’il me trompe ou qu’il me quitte du jour au lendemain. Concernant mes meilleures amies j’ai toujours l’appréhension qu’elles finissent par s’éloigner de moi, et de perdre ce lien si fort qui nous unit. Quant à mes amitiés en construction, c’est comme si je cherchais constamment le moindre indice dans leurs comportements qui me montrera qu’ils ne sont pas intéressés par une amitié avec moi, que je les ennuie, qu’ils me trouvent bizarre (et le fait que je vive aussi avec de l’anxiété sociale aide encore moins à mettre ces perceptions de côté!).
Je pourrais parler aussi de cette sensation de ne pas exister aux yeux des autres, de ce combat acharné pour être prise en compte, et de ce vide que je peux ressentir souvent, qui bizarrement se manifeste surtout quand je vois que mon entourage vit des activités fun et enrichissantes pendant que je suis seule à ne rien faire chez moi. L’expression anglophone “fear of missing out” fait vraiment sens pour moi dans ces circonstances.
Au sujet de l’automutilation, il m’arrivait souvent de le faire quand j’étais ado. Maintenant il s’agit plus de gestes auto-agressifs, qui se manifestent surtout quand je vis une crise de colère mêlée à de la détresse. Dans les moments comme ça je peux me cogner fort la tête avec mon poing, me griffer jusqu’au sang. En parlant avec ma psy je réalise que lorsque je pose ces gestes sur moi-même, c’est parce que l’émotion que je ressens est tellement insoutenable que j’ai besoin de compenser ou de l’extérioriser en ressentant une douleur physique. Une stratégie pas si pire que j’ai trouvé pour contrer/détourner ces émotions fortes ou mon FOMO, c’est décider de me faire tatouer (à demi sur un coup de tête bien que je prenne quand même le temps de réfléchir à ce que je souhaites réaliser).
À cause de toutes ces insécurités et ces peurs il m’arrive d’avoir des comportements que je regrette plus tard, de soupçonner mon mec de choses qu’il n’a pas faites, en venir à faire des crises quand les choses ne vont pas dans mon sens ou quand je me sens incomprise, et encore une fois de chercher toujours des indices qui montreront qu’il ne m’aime pas vraiment, comme si je le testais. J’ai souvent l’impression d’être la personne toxique de mon couple à cause de tous ces comportements et ce n’est pas facile à vivre car je n’ose pas trop en parler autour de moi.
Désolée pour le long pavé, mais je me permets de poser mon témoignage en espérant qu’il permette à des personnes TPL de se sentir moins seules dans ce qu’elles vivent et d’aider le reste des lectrices à avoir une meilleure connaissance de ce trouble de la personnalité