Une femme enceinte sur quatre souffrirait de symptômes liés au stress, tous statuts socio-économiques confondus, d’après une étude du Children’s National Hospital publiée le 30 avril 2022. Ce sont les premières recherches scientifiques à mettre en lumière les conséquences sur le développement cérébral du fœtus in utero exposé à des niveaux élevés de stress durant la grossesse.
Dans un précédent article, Madmoizelle s’était déjà penchée sur cette notion de transmission de l’anxiété de la femme enceinte à son bébé. Rassurez-vous, les manquements cognitifs du nourrisson seraient remédiables dans les 1000 premiers jours de l’enfant grâce à des soins attentifs et affectifs. Mais comment ?
Avec l’aide de Danièle Flaumenbaum, gynécologue, engagée activement dans le mouvement d’émancipation des femmes et experte en psychanalyse transgénérationnelle, nous avons cherché à mettre en évidence, entre autres, la manière dont notre héritage ancestral joue sur le stress toxique de la femme enceinte. Et surtout, quelles sont les clés pour tenter de le surmonter.
« Le stress toxique, c’est baigner dans un héritage où le fœtus hérite déjà d’encombrements émotionnels ».
Madmoizelle. Comment définiriez-vous ce que l’on nomme « stress toxique » ? Et comment le différencier d’une angoisse tenace ?
Danièle Flaumenbaum. Je parlerais d’agitation émotionnelle de la femme enceinte qui n’a pas la tranquillité nécessaire pour la mise en forme de ce nouvel arrivant. Il y a une agitation permanente, une inquiétude, de la peur, de l’angoisse… Mais il faut distinguer un stress aigu, une panique aiguë transitoire, comme une grosse colère, d’un état de stress qui lui est toxique. Cet état se matérialise par le fait que le fœtus ressent en permanence des vibrations de son contenant, l’utérus. Son habitat va recevoir continuellement des ondes d’agitations. Le fœtus est donc dans un utérus qui n’a pas l’accueil nécessaire à son bon développement. En bref, il n’est pas accueilli comme il devrait l’être.
Madmoizelle. Généralement, à quoi est dû ce stress toxique ?
Danièle Flamenbaum. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. Mais souvent, cela est contingent aux conditions de conception de l’enfant. Autrement dit, le fait d’avoir pu désirer ou non dans le partage avec le partenaire le projet d’un enfant. S’il est désiré par les deux partenaires, on peut dire que l’enfant va pouvoir s’incarner dans un utérus déjà informé. Que l’enfant puisse être conçu en mots avant de s’implanter dans un utérus crée une différence importante de son accueil et de son droit à exister. Il faut aussi garder à l’esprit que nous sommes héritiers d’une histoire familiale plus ou moins complexe. Je le répète, c’est important de le différencier d’un état de colère transitoire, comme une dispute avec son partenaire, qui n’est pas grave. Mais derrière l’idée de stress toxique, il y a celle de baigner dans un héritage où le fœtus hérite déjà d’encombrements émotionnels.
Madmoizelle. Justement, vous travaillez aussi sur la psychanalyse transgénérationnelle. Comment notre héritage ancestral joue-t-il sur une grossesse et plus particulièrement sur le fœtus ?
Danièle Flamenbaum. Le stress toxique va se répéter d’utérus à utérus, de grand-mère en fille, puis en petite-fille… Par exemple, le fait d’avoir une grand-mère qui a été fille-mère, ou abusée, violentée, va s’inscrire dans notre mémoire cellulaire. Et le fait de passer à une nouvelle génération, de perpétuer la vie, va transmettre son histoire. C’est le croisement de la lignée maternelle et paternelle qui nous fabrique tous. Et donc, les antécédents de drames, d’accidents qui n’ont pas pu se métaboliser, qui n’ont pas pu être digérés, vont créer un stress toxique chez la femme enceinte, sans qu’elle le conscientise toujours. Son utérus va donc toujours être contracté au lieu d’être souple et élastique.
Madmoizelle. Ce stress néfaste sécrété durant la grossesse, peut-il mettre en péril la relation mère-enfant ? Ou est-ce réellement remédiable dans les 1000 premiers jours de l’enfant grâce à des soins « affectifs » ?
Danièle Flamenbaum. Le stress toxique est induit par une folie ambiante qui règne autour de la femme enceinte. Alors, bien sûr, cette folie va agir sur les fonctions cognitives du fœtus et sur la relation mère-enfant. Cela peut parfois donner des troubles de l’allaitement : le nourrisson craint de prendre le lait de sa mère qui pourrait être infecté par ses « encombrements émotionnels ». Vous savez, l’incohérence rend incohérent. Si on est incohérent avec un enfant, même lorsque c’est encore un fœtus, si on n’est pas dans son authenticité, il va s’en rendre compte. La cohérence, c’est fondamental et c’est pourquoi il est important de révéler la vérité de son histoire à son fœtus, quelle qu’elle soit. C’est pour qu’il y ait une concordance entre ce qu’il entend et ce qu’il ressent. Et cette cohérence donne des capacités cognitives plus fluides au fœtus.
Et bien sûr qu’à la naissance, ça se rattrape ! On est tellement émerveillées de voir ce petit être que cela nous fait un shoot d’endorphines. C’est une mutation. La naissance signe une transformation de la personne. On va lui raconter notre passé et certainement lui expliquer les causes de ce qui a pu nous affoler durant la grossesse. L’enfant sort certes d’un giron stressé, mais il débarque dans un bain de langage qui peut être tout à fait favorable. On lui permet de prendre entièrement sa place.
Madmoizelle. Que peut-on faire alors, lorsque l’on est enceinte pour se libérer du stress toxique ?
Danièle Flamenbaum. Dans l’idéal, avant de désirer un enfant, il est bon d’avoir fait un peu le ménage et d’avoir répertorié ce qui a pu nous encombrer dans notre histoire pour soulager nos futurs descendants. Car ils auront, eux aussi, leur lot de drames. C’est la raison pour laquelle je pense qu’on devrait davantage axer le suivi des femmes enceintes stressées sur leur histoire transgénérationnelle. Cela les aiderait à comprendre ce qui leur arrive. Il faut prendre conscience qu’on est dans un héritage familial et pas seulement de sa famille maternelle. On est dans l’héritage des femmes de sa famille : comment elles se sont reproduites, comment elles ont fait leurs enfants, comment elles ont vécu leur vie de mère et de femmes, comment était leur partenaire… Tout cela crée un stress qui peut se perpétuer si on n’a pas compris qu’il fallait les accepter pour les digérer. Il faut accepter d’être tous héritiers de nos histoires familiales, de ses secrets aussi, ou encore de ses abus. Si on ferme les yeux dessus, cela crée un enfermement, une crypte qui se transmet de génération en génération. C’est ce que la psychanalyse transgénérationnelle appelle un « fantôme », et qu’il faut tenter, lors de sa grossesse surtout, de dépasser.
Merci à Danièle Flamenbaum pour cet entretien. Si vous vous sentez concernée par le stress toxique, n’hésitez pas à vous tourner vers un professionnel de santé : votre gynécologue ou votre sage-femme par exemple. Ils vous guideront pour tenter de vous en affranchir.
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Image en Une : © Josh Willink – Pexels
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