Vous avez peut-être entendu parler du livre transphobe Transmania, co-écrit par des TERFs (des pseudos féministes qui excluent les personnes trans).
Sa sortie s’inscrit dans un climat de transphobie grandissante en France qui tente de s’incarner jusque dans la loi. Le 28 mai 2024, le Sénat a examiné et adopté une proposition de loi transphobe soufflée par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (parti Les Républicains).
Cette proposition de loi adoubée par le Sénat (à 180 voix contre 136) a pour objectif de restreindre au maximum l’accès aux bloqueurs de puberté et d’interdire les traitements hormonaux aux mineur·es. Il s’agit d’un texte parmi les « plus restrictifs au monde en matière de prise en charge des mineurs trans », d’après Anaïs Perrin-Prevelle, directrice de l’association Outrans.
C’est quoi cette proposition de loi contre la transition de genre des mineur·e·s ?
Concrètement, cette proposition de loi adoptée par le Sénat demande un encadrement légal beaucoup plus strict vis-à-vis de la prescription des bloqueurs de puberté ou des hormones avant 18 ans, et interdit la pratique de chirurgies (plus que rarissimes en réalité). Malgré l’opposition de la gauche, c’est passé car le Sénat se situe majoritairement à droite. Mais pourquoi le sort des enfants trans suscite une telle panique morale, pleine de fantasmes, de préjugés, et de désinformation, en France ?
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Pourquoi une telle panique morale en France autour des enfants trans ?
Celle qui s’était opposée à l’inscription de l’IVG dans la Constitution s’appuie sur les conclusions d’un groupe de travail formé il y a plus d’un an sur les « transidentifications des mineurs ». Parmi les 67 témoignages de ce rapport, on peut se rendre compte que très peu d’entre eux connaissent réellement le sujet. On a demandé au psy Morgane Noam, auteur du livre Ceci n’est pas un livre sur le genre de nous expliquer le rôle des bloqueurs de puberté :
« C’est simplement un traitement qui permet de mettre pause sur la puberté. Ça ne met pas un stop sur la puberté. Ça la met en attente, le temps que l’enfant grandisse, puisse prendre la décision de commencer une transition ou non. Et c’est du coup un traitement qui est totalement réversible. Cette décision, bien évidemment, elle revient au médecin, mais elle revient aussi à la famille. Il faut savoir qu’il est nécessaire d’avoir l’accord des deux représentants légaux afin de pouvoir avoir accès à ce type de traitement. »
Beaucoup de préjugés et de désinformation autour des traitements des enfants trans
Dans les faits, très peu de jeunes personnes transgenres mineures ont accès aux bloqueurs de puberté. Non seulement parce que c’est déjà très difficile à obtenir, contrairement à ce que laissent entendre la droite et l’extrême droite. Mais aussi parce que beaucoup des jeunes ne ressentent pas le besoin d’avoir recours à ce traitement.
Maintenant que la loi est adoptée, un·e médecin qui accompagnerait ces jeunes risquerait jusqu’à deux ans d’emprisonnement et jusqu’à 30.000 € d’amende.
Chez Les Républicains, le Rassemblement National ou Reconquête, tout le monde a peur que les enfants « succombent » à cette « nouvelle mode » qui serait d’être trans. Or, spoiler, on ne devient pas trans par pression sociale, a conclu une étude d’envergure, menée auprès de 91 937 adolescent·e·s en 2017 et 105 437 en 2019.
Les détransitions concernent à peine 0,4 % des cas
La droite et l’extrême droite ont aussi comme cheval de bataille les « jeunes détransitionneurs ». Pourtant, comme le cite l’expert Tal Madesta, dans son essai La fin des monstres, les détransitions sont rarissimes : 0,4 % d’après d’une méta-étude parmi les plus pessimistes sur le sujet qui a suivi 27 000 personnes.
Ce chiffre est parfois gonflé par l’instrumentalisation de médias et de politiques qui prennent en compte les pauses dans la transition de certaines personnes trans. Une pause due à la transphobie qui nuit à leurs conditions matérielles et les empêchent de poursuivre leur vie comme elles l’entendent (rejet familial, difficultés à trouver un logement, un travail, etc). C’est ce qu’expliquait à Madmoizelle le journaliste spécialistes des questions de transidentité :
« Quand on regarde vraiment les chiffres sur la détransition, on se rend compte que ce qui rend nos parcours de vie difficiles, ce n’est pas le fait d’être trans en soi, mais la transphobie. Ce ne sont que des facteurs exogènes. Des médias se saisissent des chiffres de la détransition pour induire qu’on serait des girouettes, alors que c’est super difficile de transitionner. Tout cherche à nous en dissuader. Et il arrive que des personnes trans fassent une pause dans leur parcours avant de le reprendre plus tard. »
Quid des opérations de réassignation des enfants transgenres ?
Outre les bloqueurs de puberté (aux effets parfaitement réversibles), ce sont aussi les chirurgies de réassignation qui sont dans le viseur de ce projet de loi transphobe. Or, les personnes mineures trans en France ne peuvent pas réaliser de vaginoplastie ou d’orchidectomies, contrairement aux idées reçues. En revanche, des torsoplasties / mammectomies peuvent être effectuées, mais c’est extrêmement rare, seulement à partir de 16 ans, et toujours avec l’accord des parents.
La proposition de loi transphobe de Jacqueline Eustache-Brinio veut aussi mettre fin à la circulaire Blanquer datant de 2021, critiquée depuis son instauration. Elle permet pourtant de favoriser l’intégration à l’école des mineurs transgenres ou en questionnement sur leur identité de genre en favorisant la transition sociale.
Les personnes trans ont 8 fois plus de risque de tenter de se suicider que la moyenne des personnes cis
Ce projet de loi transphobe vise aussi à contourner la loi interdisant les thérapies de conversion liées à l’identité de genre chez les jeunes trans. Or, les personnes trans ont 8 fois plus de risque que les personnes cis de tenter de se suicider, à cause de la transphobie, rappelle à Madmoizelle le psy Morgan Noam :
« Il faut savoir que ça n’a rien à voir avec leur identité. Ce n’est pas parce qu’iels sont gays, bisexuel·les, trans, mais absolument tout à voir avec le climat transphobe dans lequel iels évoluent. »
Entre 30 et 50 % des personnes trans ont déjà fait une tentative de suicide. Autrement dit, pouvoir retarder une puberté, voire commencer une transition sociale représente une question de vie ou de mort pour beaucoup de jeunes trans. C’est pourquoi cette proposition de loi transphobe pourrait faire des ravages en France.
Maintenant qu’elle a été adoptée par le Sénat le 28 mai 2024, il faut maintenant que cette proposition de loi le soit par l’Assemblée nationale. Et même si elle a peu de chance d’y être finalement acceptée, elle aura quand même le temps de décomplexer la transphobie en France.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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