En mai 2005, M6 diffusait pour la première fois une « nouvelle » émission de télé-réalité : C’est du propre – ou les tribulations de deux fées du logis (Danièle et Béatrice) dans les foyers les plus crades de France (du moins ceux qui veulent bien se montrer). Enchantée par l’audience de l’émission (4,6 millions de téléspectateurs lors de la première diffusion), la chaîne reprend l’éponge et le balai cette saison, avec un premier rendez-vous spécial crasse le 30 août et d’autres combats contre les germes prévus cette année. J’ai beau râler contre la télé-réalité, je dois bien avouer que cette émission me fascine… Qu’est-ce qui me pousse, moi, Stellou, 25 ans, à aimer voir la télé trash sortir les poubelles ?
L’effet « Il a fait pipi dans sa culotte »
Bien sûr, comme toute émission de télé-réalité, C’est du propre joue de notre petit côté voyeur. Celui qui nous pousse, sans forcément l’avouer, à suivre la courbe de poids des stars dans Closer ou la vie de leurs boutons d’acné dans Public. Mais C’est du Propre fonctionne aussi grâce à ce que je baptiserai l’effet « Il a fait pipi dans sa culotte ». Autrement dit, le plaisir qu’on prend, nous vils individus, à voir les autres pris en flagrant délit de cracra. Rappelle-toi, à la maternelle… Ces cris de joie mêlés d’horreur que pousse la classe entière quand l’un de nous s’oublie dans sa culotte Petit bateau : Ouuuuh ! Il/elle a fait pipiiii dans sa culoooooootte ! Ou la fascination avec laquelle on observe Logan, notre voisin de table, sucer quelques crottes de nez en apéro avant de se faire rappeler à l’ordre par la maîtresse. Ou bien encore le sort réservé à ceux qui se décorent le pull à chaque repas à la cantine.
Ce qui plaît – à cet âge-là et plus tard – c’est de voir certains transgresser les règles puis se prendre la honte devant tout le monde. Ca donne l’impression d’être un exemple pour la France et ça permet de dire, en agitant la main Haaan, y a des cas, hein. Pas étonnant, alors qu’on jubile en voyant des adultes se faire rabrouer par Danièle et Béatrice, les deux profs es propreté. Pas surprenant qu’en explorant les couches de crasse dans la baignoire, les monticules de déchets et les strates de peaux mortes, on se dise la vache, mais c’est dégueuuuu avec un mélange de fascination et de sentiment de supériorité. Le même que celui qu’on a ressenti à l’âge de 5 ans, on voyant notre petite cousine manger ses propres excréments.
L’effet « Bonne fée marraine »
Toutefois, C’est du Propre, ça n’est pas seulement une chatoyante plongée dans l’empire de la crasse. Ce qui rend l’émission encore plus fascinante, c’est de voir les pièces les plus dégueulasses se transformer en pages de Maison et Décoration (ou presque). Une fois qu’on a eu le temps de compter le nombre de slips sales et la quantité de poils restés dans la douche, Danièle, Béatrice et son commando d’élite accomplissent sous nos yeux le miracle du ménage. Les regarder astiquer, ramasser et froncer le nez alors que toi, tu es là avachie sur ton lit, un vieux trognon de pomme encore assis à tes côtés, c’est le pied. Voir les lieux avant et après nettoyage, transformés par l’action de B et D, c’est de l’ordre du merveilleux. C’est un peu comme regarder la bonne fée marraine transformer Cendrillon en superstar du bal. Le salon s’emplit alors de « ouaaah » « oooh » « naaan » qui rappellent un peu les réactions aux feux d’artifices du 14 juillet. Vu du canapé, ça a l’air facile, rapide et spectaculaire. Bref, c’est magique.
L’effet « Pardonnez-moi car j’ai péché »
Mais qu’on ne s’y trompe pas. Derrière les deux effets cités plus haut, se cache surtout l’effet Pardonnez-moi car j’ai péché. Dans C’est du Propre, vois-tu, on ne se contente pas d’exposer ton délit au grand jour, puis d’en effacer les conséquences. On te demande surtout d’expier tes fautes ménagères et de te racheter. Danièle et Béa chassent peut-être les mites alimentaires de ta cuisine, mais elles te demandent en retour de « corriger le tir », c’est à dire d’apprendre à ranger et astiquer régulièrement ta demeure. Et pour cela, elles passent inspecter les lieux à plusieurs reprises après leur premier passage. Pour le cracra qui s’est enfin converti à l’adoration de Mr Propre, c’est la gloire : Enfin, mon petit, tu entres dans le clan des Saints de Cuvette et d’Esprit ! Quant aux autres, ben… Ils n’ont plus qu’à faire comme moi : prier pour que personne ne les dénonce à Béatrice et Danièle.
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