Quel parent, avant de l’être, n’avait pas clamé haut et fort : « moi, quand j’aurai des enfants, il sera hors de question de… » finissez la phrase avec ce que vous voulez.
Il y a un gap entre ce qu’on imaginait, ce à quoi on voulait se tenir absolument en termes d’éducation de nos hypothétiques enfants, et la réalité une fois qu’ils ont débarqué façon rouleau compresseur dans nos vies.
Toutes ces promesses parentales que je n’ai pas tenues
Personnellement, j’ai une petite liste des principes que j’avais avant, et sur lesquelles je ne voulais pas revenir avant d’enfanter deux petits tsunamis. Ils m’ont bien sûr, par la force des choses, fait bien comprendre que c’étaient eux les boss, et pas moi.
J’ai beau essayer, au final ce sont eux qui gagnent. Alors oui, bien sûr, il y a des principes sur lesquels je ne déroge pas, parce que j’ai à cœur de les élever correctement — ou du moins du mieux que je peux, pour qu’ils ne finissent pas par cramer des bagnoles dès l’adolescence.
Et si je suis intransigeante avec la politesse, le respect et les mains propres avant de passer à table, il y a plein d’autres choses que j’ai abandonnées par faiblesse, lassitude, fatigue ou tout simplement parce qu’en fait, ces principes, ils étaient quand même un peu couillons à la base, non ?
Juger les autres parents avant de devenir mère
Comme tous les parents ou presque, avant d’avoir des enfants, je jugeais les autres parents et leur façon d’élever leurs mômes. Dès que je voyais un gamin hurler dans un supermarché, je me disais « il est hors de question que mes enfants fassent ça plus tard », avec un aplomb et une certitude totalement déplacés. Dès que j’apercevais un môme au restaurant avec ses géniteurs et qu’il avait entre ses mains le téléphone portable de son daron, matant Peppa Pig ou l’Ane Trotro en attendant sa pizza, je jugeais ces parents qui préféraient coller leur héritier face à un écran plutôt que de lui apprendre la patience à table, en société. Bouh, quelles mauvaises personnes, ces gens-là ! Au bucher ! Bon, peut-être pas jusque-là, mais vous voyez l’idée.
Mes principes à la con avant d’avoir des enfants
Alors qu’en vrai, quelques années plus tard, je me retrouvais avec ma fille qui se roulait par terre à la caisse du Monoprix parce que j’avais refusé de lui acheter un œuf en chocolat avec des figurines Pat’Patrouille à l’intérieur, et que oui, elle regardait, elle aussi, des dessins animés parfois même avant l’âge recommandé pour que j’aie la paix quelques précieuses minutes, au resto, dans le train, dans la voiture, dans le bus, à la maison, n’importe où.
Avant d’avoir des enfants, je me disais toujours que je les habillerais avec goût, dans des jolies couleurs qui vont bien ensemble, et surtout qu’ils n’auraient jamais de T-shirt à l’effigie d’une princesse de glace quelconque ou d’un chien policier qui sauve le monde. Je lorgnais devant les vitrines de Jacadi et Cyrillus et leurs enfants mannequins bien propres sur eux en disant que oui, mes mômes aussi porteraient des jolies robes et salopettes en lin beige.
Mais c’était avant. Avant de lâcher complètement prise face à ma fille qui voue un culte presque flippant aux licornes à paillettes et qui a décidé que tous ses vêtements devaient être ornés de ces deux éléments, menaçant de se trimballer à poil à l’école plutôt que de porter une robe à motifs liberty, et aussi avant de réaliser que le lin, c’est mignon, mais ça n’a rien à faire dans le bac à sable du jardin public, sauf si on adore les choses sales qui se froissent au moindre au mouvement.
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En parlant de bac à sable, je me disais aussi que je ne mettrais jamais un pied potelé de mes enfants là-dedans, ces gros trucs que je considérais, à raison, comme des litières géantes capables de contenir, en seulement quelques mètres carrés, tout un microcosme de bactéries, virus, et autres pansements usagers du quartier.
Puis mon fils a décidé que se rouler dedans et faire des pâtés puants ornés de mégots de clopes était sa plus brillante idée, et je n’ai plus cherché à la contredire. Après tout, ça fera son immunité, comme on dit, non ?
Pour continuer sur le sujet de l’immunité, avant, je jugeais si fort les parents qui léchaient la tétine tombée au sol de leur précieux héritier, avant de la refoutre dans la bouche du petit être rougeaud et hurlant. Je trouvais ça dégueu, et c’est vrai que ça l’est, me disant toujours que je prendrais plusieurs tétines de rechange dans le parfait sac à langer que j’aurais préparé avant de sortir de chez nous.
Cette quête de la perfection inutile n’a strictement rien donné, et j’ai, moi aussi, repluggé une tétine tombée dans la bouche de mon dernier-né, tout en l’ayant préalablement « lavée » avec ma propre salive avant. Toujours aussi dégueu, mais quand il n’y a pas le choix, il faut faire avec.
Les enfants sont l’inverse de ce que vous voulez qu’ils soient (et c’est très bien comme ça)
Avant d’avoir des enfants, je me disais toujours que les miens seraient polis en toute circonstance, et qu’ils ne me feraient jamais honte en société. Dois-je vraiment vous dire qu’encore une fois, je m’étais mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude ?
Parce que mes enfants sont certes relativement polis, et même qu’ils disent bonjour, merci et au revoir sans que je doive le leur rappeler (enfin presque), mais je ne peux malgré tout pas les empêcher d’avoir une diarrhée verbale innocente et assez peu poétique face au mec qui a pété dans le métro et qui essaye de camoufler le bruit en toussant au même moment.
Cet homme avait mal choisi son instant pour lâcher du lest en compagnie de ma fille, qui n’a pas hésité, du haut de ses 6 ans, à lui dire que franchement « ses prouts, ils puent grave, il aurait pu attendre la prochaine station ».
Et en même temps, est-ce qu’elle n’avait pas un peu raison, au fond ? C’est une question que je me pose souvent, les prouts mis à part : est-ce que les principes que j’avais, concernant l’éducation de mes enfants, n’étaient en fait que des freins pour les empêcher d’être ce qu’ils voulaient, pour qu’ils me correspondent davantage à moi, plutôt qu’à eux ?
Est-ce qu’en étant bourrée de principes, je ne souhaitais tout simplement pas les faire rentrer dans un moule pour qu’ils correspondent à la société, mais pas à leur propre personnalité ? Pourquoi est-ce que je voulais absolument les faire ressembler à ce que je voulais ? Et surtout, est-ce que c’était vraiment ce que moi, je voulais ? Est-ce que ce n’était pas plutôt ce qu’on attendait de moi, que j’élève des enfants qui soient de parfaits petits soldats, propres sur eux, sans un mot de travers, calmes partout, et qui ne font surtout pas de vagues ? Dans quel but tout ça ? En faire des plus tard des adultes lisses, incapables de s’insurger quand il le faut ?
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Les enfants sont ce qu’ils sont : des enfants
Quelle claque, quand j’ai vu et compris qu’ils étaient l’exact opposé de tout ça. Mes enfants sont bavards, ils ont des milliers d’idées de conneries à la seconde, ils prennent de la place, ils n’ont pas leur langue dans leur poche, ils disent non, ils se salissent plus vite que leur ombre, ils ont des jouets qui trainent dans chaque coin de la maison, ils chantent à table, ils chantent aux toilettes, ils chantent dans la voiture, dans le métro et dans le bus, ils sont joyeux, vifs et téméraires, ils n’ont pas peur de dire que les prouts des autres puent et que c’est pas cool d’en faire profiter toute la rame.
Alors oui, je maintiens des points importants de leurs éducations sur lesquels je ne déroge pas. On ne ment pas (ou alors, on cache vachement bien son mensonge pour ne pas se faire cramer), on ne fait pas de mal aux autres, on respecte ses parents, on fait attention aux autres comme on aimerait que les autres fassent attention à soi, on essaye de manger des légumes autant que possible, on limite les écrans, mais on ne les accuse pas de tous les maux non plus, on exprime ses sentiments en parlant plutôt qu’en se roulant par terre, on ne mange pas les oreilles du chat et on dit merci et au revoir en sortant du magasin.
Avant, c’est vrai, j’avais des principes. Des principes stricts, inadaptés, illusoires, irréalisables. Maintenant, j’ai des enfants, et franchement, qu’est-ce qu’on se marre.
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