Si je vous demande de citer quelques noms de lesbiennes célèbres en France, il y a fort à parier que vous pourriez citer Hoshi, Amélie Mauresmo ou encore Adèle Haenel. Mais êtes-vous capable de citer des noms de grandes figures lesbiennes qui ont marqué l’histoire en France ?
Probablement pas, car elles ont trop souvent été invisibilisées. Même encore aujourd’hui, il est courant qu’on occulte, qu’on oublie, qu’on efface cet aspect de leur vie. Les excuses sont nombreuses, du « mais enfin, on n’a aucune preuve ! » au « c’était sûrement sa colocataire », en passant par le chaste et outré « il s’agit de sa vie privée, pas besoin d’en parler ».
Pour réparer les torts, voilà quelques noms à connaître !
Loïe Fuller (1862-1928)
Danseuse pionnière du début du 20e siècle, l’Américaine Loïe Fuller a marqué son art, notamment grâce à une de ses créations, la fameuse danse serpentine. En France, elle a longtemps vécu en couple avec Gabrielle Bloch, avec qui elle collabore pour ses spectacles.
Et pourtant, quand cette artiste visionnaire qui a inspiré les peintres du Paris de la Belle Époque fait enfin l’objet d’un biopic en 2016, La Danseuse, le film prend quelques libertés pour évoquer sa vie, allant jusqu’à lui prêter une passion hétérosexuelle malsaine pour un personnage masculin complètement fictif. Comme quoi, même quand on ne se cache pas, la société nous remet au placard aussi sec.
Elula Perrin (1929-2003)
Figure des nuits sapphiques parisiennes, Elula Perrin a fondé en 1969 le Katmandou, discothèque où les lesbiennes peuvent venir draguer, danser, s’aimer, puis Le Privilège au début des années 90, situé au sous-sol du Palace.
En 1977, elle parlait ouvertement de son homosexualité dans l’émission de Philippe Bouvard, L’Huile sur le feu. Elle est aussi autrice de plusieurs romans aux titres sans équivoque : Les Femmes préfèrent les femmes, Tant qu’il y aura des femmes ou encore Coup de gueule pour l’amour des femmes.
On la retrouve même dans cette émission de C’est mon choix (les vraies s’en souviennent) à 9’22 :
Mireille Havet (1898-1932)
Poétesse et écrivaine prodige du début du 20e siècle, Mireille Havet a été une figure sulfureuse du Paris lesbien et a vécu une vie d’excès sans concessions.
De son œuvre, il reste un unique roman, Carnaval, mais aussi son journal, monumental et foisonnant, retrouvé en 1995 par la descendante de son amie Ludmilla Savuitsky puis publié en plusieurs tomes dans les années 2000 aux éditions Claire Paulhan, où elle raconte sa « vie de damnation ».
Suzy Solidor (1900-1983)
L’incarnation de la garçonne des années folles, c’est elle. Mannequin, chanteuse, patronne de cabarets, modèle pour Francis Picabia, Tamara de Lempicka, ou encore Man Ray grâce à son physique sculpturale, la très mondaine Suzy Solidor a traversé le 20e siècle en assumant ses liaisons avec des femmes (et quelques hommes au passage).
Elle vit notamment avec l’antiquaire Yvonne de Bremond d’Ars, et a été immortalisée avec elle par l’artiste Léonard Tsuguharu Foujita :
Rosa Bonheur (1822-1899)
On a fêté tout récemment le bicentenaire de la naissance de cette grande peintre naturaliste, connue pour ses tableaux représentant des animaux, dont le fameux Marché aux Chevaux.
L’occasion de voir que l’invisibilisation des lesbiennes est toujours d’actualité puisqu’il est toujours aussi difficile pour les médias français de considérer comme lesbienne une femme qui a vécu toute sa vie avec une autre femme et est même enterrée à ses côtés. Probablement de bonnes amies, nous dit-on.
Rosa Bonheur bénéficiait d’un permis de travestissement, document alors indispensable délivré par la préfecture de police afin de pouvoir s’habiller comme un homme. Sa compagne Nathalie Micas en possédait également une.
Andrée Jacob (1906-2002) et Éveline Garnier (1904-1989)
Ce couple a activement participé à la Résistance française pendant l’Occupation, notamment en intégrant le Noyautage des administrations publiques (NAP), et a sauvé des familles juives de la déportation. Et pourtant leur nom est bien rarement cité en exemple.
Leurs noms figurent sur deux allées du square Louvois à Paris, inaugurées en 2019.
Liane de Pougy (1869-1959)
De Nathalie Clifford Barney à Emilienne d’Alençon, les conquêtes de la demi-mondaine Liane de Pougy sont nombreuses. C’est bien simple, sa fiche Wikipedia ressemble à une saison de The L Word avant l’heure.
Danseuse de cabaret et courtisane, à l’instar des cocottes de l’époque La Belle Otero ou encore Cléo de Mérode, elle a aussi écrit plusieurs livres, dont Idylle saphique.
Maria-José Léao Dos Santos (1955-2019)
Vous ne la connaissez pas, mais vous connaissez Joe Le Taxi, chanson qui a propulsé la carrière de Vanessa Paradis dans les années 80 … et qui s’inspire de Maria-José Léao Dos Santos. Arrivée dans les années 70 pour fuir la dictature au Portugal, elle est devenue chauffeuse de taxi, trimballant dans les rues parisiennes quantité de stars et d’anonymes, jusqu’à ce que son histoire donne des idées à un célèbre parolier…
Après son décès en 2019, sa compagne Johanne Gabriel a tenu à raconter son histoire.
À lire aussi : Lesbianisme politique : « L’hétérosexualité n’est pas la seule manière d’organiser sa vie »
Crédit photo : Liane de Pougy (Unknown author,Public domain, via Wikimedia Commons)
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
Article très intéressant, merci!