Alors que la pandémie de Covid-19 s’éternise, le virus de la variole du singe progresse petit à petit en France depuis mai 2022. De quoi susciter potentiellement un vent d’inquiétude, voire de panique, comme vient de l’illustrer la propagation de deux inquiétantes fausses informations, l’une à New York et l’autre à Madrid.
La fake news de la variole du singe dans le métro de New York
L’intox new-yorkaise a commencé à circuler sur TikTok, avant d’être déformée et amplifiée sur Twitter. Il s’agit d’une vidéo dans laquelle on voit une femme, filmée à son insu, et dont l’une des jambes présente des traces suspectes pouvant évoquer des boutons. Or, parmi les symptômes courants de la variole du singe, compte les éruptions cutanées douloureuses qui se transforment en pustules, avant de sécher en croûte et de finir par tomber.
Un premier TikTok superpose à la vidéo un émoji de tête de singe suivi d’un point d’interrogation. Puis, de nombreuses personnes sont passées de simples hypothèses à l’invention de diagnostic et d’histoires rocambolesques, jusque sur Twitter. Si bien que cette personne a été accusée d’être porteuse de la variole du singe, et de sortir quand même avec les jambes découvertes, alors qu’elle devrait rester isolée pour éviter de contaminer d’autres personnes via ses plaies.
Accusée à tort d’être porteuse du virus monkeypox, elle avait en fait une neurofibromatose
Mais la jeune femme anonyme a finalement été retrouvée par le New York Times. Le grand quotidien confirme aujourd’hui que Lilly Simon, cheffe de projet de 33 ans, ne souffrait pas de la variole du singe, mais d’une neurofibromatose de type 1, une maladie génétique qui provoque la croissance de tumeurs au niveau de ses terminaisons nerveuses. Elle a été diagnostiquée à l’âge de huit ans, a subi de nombreuses interventions chirurgicales, et voit maintenant se développer des tumeurs dans son cerveau et ses yeux. À l’heure actuelle, il n’existe pas de remède contre cette maladie qui n’est pas contagieuse.
Tristement, Lilly Simon raconte qu’elle a l’habitude des personnes malveillantes face à son apparence depuis l’enfance, qu’on la surnommait la lépreuse dès l’école, et qu’elle s’attendait face à la montée de l’inquiétude autour de la variole du singe, à ce qu’on l’accuse d’en être porteuse.
Après avoir longuement hésité à réagir, au risque de devoir dévoiler son identité et des informations sur sa santé, la victime de cette fausse information devenue virale a fini par répondre en vidéo le 1er août 2022 sur TikTok, là où tout a commencé :
« Les tumeurs sont bénignes, mais elles recouvrent l’ensemble de ma peau et me causent beaucoup de complications de santé, à la fois physiques et mentales.
Je ne laisserai aucun de vous réduire à néant les années de thérapie et de soin que j’ai dû endurer pour faire face à la maladie et, bien sûr, pour exister parmi des gens comme vous. »
Fake news similaire contre un homme, accusé d’être porteur du monkeypox dans le métro à Madrid
Si sa vidéo de réponse compte déjà plus d’1 million de vues sur TikTok, on ne peut que regretter que celle qui a semé le doute et la désinformation ait largement eu le temps d’y circuler davantage, avant d’être supprimée. En journalisme, on dit même souvent qu’un démenti fera toujours moins de bruit que l’intox initiale.
Le comble, c’est qu’une situation semblable vient de se produire en Espagne. Un homme, également atteint de neurofibromatose, a été filmé à son insu dans le métro de Madrid, et accusé à tort d’être porteur de la variole du singe à cause des marques sur ses jambes, rapporte le 20minutos.
Comment TikTok et Twitter deviennent des outils de surveillance et de punition
Ces affaires peuvent inquiéter à plusieurs égards. Elles posent des questions de droit à l’image, d’atteinte à la vie privée, et de diffamation. Ces interrogations s’entrecroisent avec celles de discrimination, pouvant avoir de lourdes conséquences émotionnelles et psychologiques, que l’on soit vraiment atteint de la variole du singe ou non.
D’autant qu’à l’heure actuelle, en Occident, cette maladie touche principalement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Rien d’étonnant, donc, à ce que des personnes malveillantes aient vite fait de tirer des conclusions sur la sexualité d’individus qui n’ont rien demandé et peuvent se retrouver outé, à tort ou à raison (situation dans laquelle un ou des tiers font le coming-out d’une personne à son insu et contre son gré, comme cela avait été le cas pour la chanteuse belge Angèle par exemple). À cet égard, le virus de la variole du singe se propage d’autant plus facilement, en partie grâce à l’homophobie, des gens ordinaires et des gouvernements, d’ailleurs.
Coup sur coup, ces intox prouvent une fois de plus (s’il le fallait) le rôle des réseaux sociaux dans la propagation des fausses informations. Mais cela soulève aussi la question du comportement de certaines personnes qui ne se privent pas d’en filmer d’autres, à leur insu. Que ce soit pour poster ensuite les pires rumeurs (ou pas), cela devient lentement, mais sûrement, de nouveaux outils panoptiques, de surveillance et de punition, qui fascineraient sûrement Michel Foucault – et restent inquiétants.
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Crédit photo de Une : Capture d’écran TikTok et Twitter.
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