Je n’avais jamais vraiment cru à l’amour avant de le rencontrer. J’étais persuadée que ce truc relevait du mythe… jusqu’à ce que ça me tombe sur le coin de la truffe.
Et Magnum débarqua sans crier gare
Bon, au moment où mon histoire commence, j’avoue que je n’étais pas au top du top : je venais de rater mes écrits de concours, je sortais de quelques soucis de santé et d’une déception sentimentale avec un type qui voulait entrer en religion. Bref, j’avais droit aux trois sommets ultimes du triangle parfait de la lose.
En gros.
C’est pourquoi, dans cet excellent état d’esprit, faute de mieux, je décidai de flâner sur un site de rencontre notoire. Le truc, c’est que je m’attendais à peu près à tout, sauf à une chose : tomber sur un gaillard qui en valait vraiment la peine. Au bout de quelques échanges, comme le courant passait déjà incroyablement bien, nous avons fixé une date de rendez-vous pour voir si le feeling continuerait à passer même sans écrans d’ordi gluants interposés.
C’est ainsi que je rencontrai Magnum, celui qui allait complètement chambouler mon petit myocarde et toutes mes belles certitudes de cynique endurcie. Il s’agissait d’une rencontre des plus banales, dans un petit bar très banal, par un vendredi soir encore plus banal.
Après beaucoup trop quelques mojitos bien assaisonnés et un nombre encore plus incalculable de fous rires, je savais que j’étais déjà conquise par ce type. Il était beaucoup trop grand, beaucoup trop costaud, comme s’il ne savait pas quoi faire de ses grandes épaules. Il avait aussi ce regard doux et ce grand sourire de gosse qui ne cadraient absolument pas avec sa carrure de bûcheron. Bref, Magnum me faisait penser à une espèce d’ours timide et penaud perdu au milieu d’un rassemblement de bébés phoques, ce qui me faisait complètement craquer.
Je passais une si bonne soirée en sa compagnie que j’en avais perdu la notion du temps : alors que je croyais n’avoir passé qu’une heure ou deux avec lui, voilà que je recevais un texto furieux de ma meilleure amie me houspillant pour ne pas l’avoir rejointe dans un autre bar. C’est donc le plus naturellement du monde que j’ai entraîné mon gaillard avec moi pour poursuivre cette charmante soirée alcoolisée, et avec un plus grand naturel encore que je l’ai embrassé sans crier gare au moment où le pub fermait. C’est drôle, quand j’y repense. C’était un premier baiser comme on rêve d’en avoir : celui qui vous donne l’impression d’être plus vivant•e qu’après avoir ingéré trois litres de café ou subi une décharge électrique suivie d’une dose de LSD.
Ah ouais, quand même.
Dès lors, ma petite vie bascula complètement. Mon existence était jusque là aussi lisse et banale qu’un grand mur tout blanc, et voilà que Magnum débarquait dans ma vie sans la moindre bande-annonce et y balançait de grosses taches de peinture pour en faire un tableau façon Jackson Pollock. Mon quotidien ne se résumait plus à une surface plane et monotone, mais à un véritable flou artistique, une spirale d’émotions inconnues et contradictoires me dépassant complètement. J’adorais ça. (Bien sûr, toute allusion sexuelle graveleuse dans cette métaphore foireuse est totalement involontaire.)
Moins d’une semaine après notre rencontre, Magnum me présentait ses amis. Deux semaines plus tard, sa brosse à dent trônait fièrement à côté de la mienne dans ma salle de bains. Un mois après l’avoir rencontré, à ma grande surprise, je continuais à suinter d’amour en sa présence.
Un mois et demi après notre premier baiser, tout s’écroulait.
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L’instant drama queen
Je me souviens que c’était un mercredi soir. Je devais passer une partie de la soirée avec Magnum, et je ne comprenais pas pourquoi il voulait me retrouver à une heure aussi tardive de la nuit. J’eus vite la réponse : il venait juste de passer un entretien d’embauche via Skype pour obtenir un poste de stagiaire dans une boîte située à Houston. Ouais, en plein dans le Texas. Le TEXAS. Évidemment, ça ne pouvait pas être Boulogne-Billancourt ou même au fin fond du Perche ! Non, il fallait que d’un coup un océan le sépare de mes fesses bras.
Deux semaines plus tard, c’était confirmé : il avait réussi l’entretien. Et partait deux mois plus tard. Mon monde s’écroulait. Je ne croyais pas aux relations à distance, donc je n’envisageais pas cette option. D’un autre côté, je ne concevais même pas de ne plus voir sa brosse à dents dans ma salle de bains. Aucun de nous deux ne savait quoi faire pour affronter ça. Alors, ni une ni deux, j’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai fait face. Comme je pouvais.
Je me suis faite belle comme jamais et je suis allée sonner en bas de chez lui. Je lui ai simplement posé deux questions : d’abord, s’il m’aimait. Bah oui, en un mois et demi de bécotages en tout genre et folles parties de jambes en l’air nuits passées ensemble, je n’avais pas encore eu droit à mon « je t’aime » enflammé. Alors ce n’était peut-être pas la façon la plus romantique de l’obtenir, mais je n’avais pas le choix.
On aurait dit une scène tirée d’une mauvaise série B : oui, il m’aimait, et il n’avait plus envie de partir depuis qu’il me connaissait. Il ne me facilitait pas la tâche décidément. Quand j’ai évoqué la possibilité d’une relation à distance, il a refusé. Je lui ai rétorqué que je ne voulais plus continuer à le voir, j’ai tourné les talons et je me suis sauvée comme la pire des voleuses. La semaine qui a suivi cette scène peut se résumer à ça : une séparation sur un quai de gare, des lettres d’adieu dignes d’un roman de Jane Austen, puis moi me traînant comme un zombie, guettant le moindre sursaut de mon portable, espérant de ses nouvelles.
L’incarnation même de la dignité, en somme.
Finalement nous avons décidé de nous retrouver moins d’une semaine plus tard (en nous réconciliant de manière tout à fait charnelle et érotique, cela va de soi), et de tenter la relation à distance. Donc voilà, ça, c’était la semaine drama queen. Et encore, vous n’avez rien vu.
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Le saut dans l’inconnu
Deux mois après ces péripéties, Magnum prenait l’avion pour Houston tandis que je continuais mes études en France. Nous devions attendre trois mois avant que je le rejoigne pour les vacances de Noël. Vous me direz peut-être que trois mois, ça semble jouable, qu’il n’y a pas de quoi en faire en plat. Mais en fait, c’est long. TRÈS LONG. Sincèrement, je ne souhaite cela à personne.
Subir le décalage horaire, des rythmes de vie diamétralement opposés, c’était déjà assez dur en soi. Ajoutez à cela la jalousie, l’angoisse constante de perdre celui qu’on aime, cette boule au ventre qui ne me quittait pas, surtout lorsque je le savais en soirée… Je crois que le pire, c’est lorsque je ne recevais pas de SMS de la journée. Sans oublier bien sûr une libido bien exacerbée au bout de quelques semaines de diète forcée et de frustration accumulée. Vous obtenez une bête féroce assoiffée de sexe sang.
Je me sentais comme Indiana Jones sautant dans le vide avant d’atteindre le Graal. C’est comme si je fonçais aveuglément dans le gouffre sans fond de l’incertitude, sans savoir à quoi m’attendre avant de le retrouver pour les vacances.
« Non mais quand même les gars, là ça fait un peu haut. »
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La grosse claque
Finalement, le jour tant attendu arriva : je sautai dans l’avion pour retrouver Magnum de l’autre côté de l’Atlantique. Inutile de préciser à quel point les douze heures de vol furent interminables. Si j’avais pu, je crois que j’aurais poussé le Boeing moi-même pour arriver plus vite. Après des semaines de séparation et encore deux heures d’attente aux douanes, je le retrouvai enfin.
Pas qu’il était temps, mais un peu quand même.
J’avais peur que ces retrouvailles ne soient pas à la hauteur du film que je me passais en boucle dans ma tête depuis si longtemps. Effectivement, ce n’était pas vraiment comme je me l’étais imaginé. C’était encore mieux. Il était là, à m’attendre dans le hall de l’aéroport, et je l’apercevais de dos. Il lisait une couverture de magazine, en tenant un ballon « I Love You » qu’il voulait m’offrir. Plus tard, lorsque nous sommes (enfin !) entrés dans sa chambre, il avait balancé des ballons et des sucres d’orge partout autour du lit, et voulait passer en boucle la chanson All I Want For Christmas Is You.
Oui, oui, on peut tous aller vomir des arcs-en-ciel et de la guimauve ensemble, si vous voulez. J’ai beau avoir autant de capacité à me montrer romantique qu’une vieille pelleteuse rouillée, j’avoue que là ma carapace de cynique surentraînée en prenait un coup dans le pif. Et ce fut le même programme pour les deux semaines qui suivirent. Câlins, sorties, rires, complicité : tout se déroulait comme je le rêvais. Passer le Nouvel An avec lui à la Nouvelle-Orléans devait couronner en beauté ces deux chouettes semaines avant mon retour en France, quelques jours plus tard.
Effectivement nous avons passé une soirée d’enfer, une de ces soirées totalement folles et enivrantes qui donnent envie de pouvoir stopper le cours du temps pour que jamais la fête et le jazz ne s’arrêtent. Malheureusement, la réalité devait me rattraper par la peau des fesses, deux jours plus tard.
Magnum me paraissait distant et froid, donc je lui demandai ce qui n’allait pas. Devant son refus de répondre, nous nous sommes disputés. Je crois même lui avoir balancé un truc à la tronche, d’ailleurs. Finalement, sa réponse se fit sans appel.
« Je crois que je suis moins amoureux de toi. »
Fait frisquet d’un coup, non ?
Et vlan. C’était comme si mon cerveau refusait d’assimiler l’info. Sur le coup, le seul moyen pour moi d’encaisser la douleur était de chasser Magnum et de m’anesthésier violemment la tronche. Voilà comment se finissait mon pseudo conte de fée au pays de Louis Armstrong : moi, une chambre d’hôtel, des larmes et une bouteille de rhum à moitié vide. Joie dans les slips.
L’effet Panzer-dans-ta-tronche
Jusqu’au tout dernier moment, pile poil avant que je monte dans l’avion, j’étais persuadée que je rentrerais de Houston avec un cœur brisé. Sauf que contre toute attente, après s’être confondu en excuses pour avoir douté de nous, Magnum voulait continuer notre histoire. Je devais même revenir trois mois plus tard.
C’est donc sur cette promesse que je le quittai devant le portique des départs, sur un dernier baiser (et encore des larmes). J’avais peur, mais j’étais prête à tout pour ne pas le perdre à nouveau. Nous en étions capables, j’en étais persuadée.
Je rentrai sur cette certitude en France. Une semaine après mon retour et trois jours de silence radio, je savais que ça sentait le roussi. Je lui ai donc demandé ce qu’il se passait, et j’ai reçu ce SMS glacial :
« Rien. Il ne se passe rien. Plus rien. Je n’ai pas envie de te faire du mal, en te faisant croire des choses. Je ne ressens plus de profond amour pour toi. Juste un vide. »
Et voilà, tout était dit. Sur un simple texto, j’étais virée de sa vie, après tout ce qu’on avait vécu. Juste comme ça. C’est comme si j’étais tranquillement en train de pédaler sur mon petit vélib’ et que je me faisais percuter de plein fouet par un énorme char d’assaut lancé à toute vitesse. Difficile de récupérer son intégrité physique et mentale après un choc pareil. Je n’ai jamais eu aussi mal de toute ma vie. Moi qui n’avait jamais été larguée jusque là, j’étais servie.
Après seulement huit mois de relations, me direz-vous, c’est facile de passer à autre chose… Les premiers jours, je tâchai de faire comme si de rien n’était, en m’efforçant d’afficher ma bonne humeur habituelle à mes proches et à ma famille.
Enfin presque.
En réalité, durant la semaine post-torpillage de cœur, je n’avais même pas envie de me lever. Mais j’y suis arrivée, grâce à mes ami•e•s. Pour moi, ils furent comme des fondations indispensables : grâce à eux, j’ai pu commencer à reconstruire une nouvelle baraque, avec de nouveaux murs porteurs.
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…et après ?
Évidemment, j’ai tout fait pour le haïr les semaines et les mois qui ont suivi ce SMS : je pensais que pour tourner la page, je me devais de le mépriser pour ce qu’il m’avait infligé. En réalité, j’ai compris que cela ne servait à rien d’agir de la sorte. J’ai fini par accepter cette maudite souffrance, par l’assumer, comme un passage obligé chez le proctologue dentiste.
Une fois cette étape franchie, j’ai à nouveau réussi à aller de l’avant, même si cela donne l’impression de nager à contre-courant alors qu’on s’est pris un énorme tsunami dans la tête. Tout doucement, on relève la tête, on sort de sa caverne, on sourit, on rit même à la blague de la grosse mite, on fait de nouvelles rencontres, et on tombe dans les bras d’autres gaillards.
Seulement, depuis que j’ai appris son retour en France, une part de moi meurt d’envie de les revoir en chair et en os, lui et ses chemises à fleurs. Que je le veuille ou non, il me manque. J’ai un pincement au cœur dès que je vois des ballons mignons ou lorsque j’entends cette maudite chanson, All I Want For Christmas Is You.
Mais bon, d’un autre côté, je n’ai pas franchement envie de voir mon cœur passer une nouvelle fois à la moulinette, alors ma dignité et moi, on préfère rester sagement sur le chemin des bonnes résolutions, comme des grandes.
Le come-back de l’ex-copine super équilibrée.
Je n’ai pas encore rencontré un nouveau spécimen digne de voir sa brosse à dents siéger aux côtés de la mienne. C’est comme essayer d’effacer cette peinture sur mon mur tout blanc. On a beau frotter et gratter les taches de toutes nos forces, les recouvrir de nouveaux tableaux, on sait que ce mur ne sera plus jamais le même. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut plus rien en faire.
Je ne sais pas si cette histoire aurait pu fonctionner si Magnum n’était pas parti aussi loin. Tout ce que je sais, c’est que même si cette rupture fut aussi agréable à vivre que de tomber dans un tas d’orties carnivores, je refuse d’avoir le moindre regret et de rester sur un échec. Est-ce que Rocky a baissé les bras après s’être fait poutrer par Apollo ? Est-ce que Gandalf est resté dans son coin après avoir fini au fin fond d’un ravin avec Balrog, le vilain démon ? Est-ce que Batman est parti bouder après s’être pris quelques déculottées par le Joker ? Je ne crois pas, non ! Il paraît que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, après tout.
Alors haut les cœurs, et en avant pour de nouvelles aventures !
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