En octobre 2002, j’ai rencontré l’homme de ma vie. Il était grand, brun, avait les yeux bleus, aimait Dalida…
J’essayais désespérément de rallier tous les gens que je connaissais vaguement à une cause sans grand intérêt finalement, et mon meilleur ami, homo forcément lui aussi – car un meilleur ami ne peut être une proie convoitable – avait ramené ce petit animal farouche, replié sur lui-même, et m’avait glissé à l’oreille : "il faudra lui faire faire son coming out"… Moins de deux mois plus tard, je sortais avec lui.
C’est lui qui avait fait le premier pas, était venu chez moi, m’avait invitée à sortir, m’appelait des heures au téléphone, m’envoyait des tonnes de mails sur la compatibilité de nos signes…
Alors forcément, j’ai craqué, je suis tombée complètement amoureuse de lui… En plus, ça ne le dérangeait pas de faire les magasins avec moi ! Il me parlait de crème de jour, mais j’en déduisais que c’était un fils à maman, un garçon sensible, un mec différent des autres. Bref, je cherchais des excuses bidons à de multiples comportements qui me menaient directement à la piste "warning ! mayde mayde ! il est homo !"… Pas la première fois pourtant que je me laissais envoûter par le charme féminisé de ceux qui veulent désormais influencer nos hommes hétéros en les rendant métros … mais jamais je ne m’étais autant cachée la vérité.
On est sorti quelques mois ensemble, la question sexuelle ayant toujours été contournée pour de multiples raisons : virginité, raisons médicales, "pas ce soir, j’ai la migraine", trop de monde à la maison, "je me lève tôt demain","tu pars pour des semaines"… Bref, pas de consommation de l’amour passionné que je vouais à celui qui ne cessait de me mentir…
« Celui qui était homo » m’a pourtant offert des moments superbes : mon plus beau Noël avec des cadeaux choisis avec le soin maximum, mon plus bel anniversaire sous la neige, nous deux, main dans la main, dans une ville déserte et le silence des flocons qui nous entoure, des aux revoirs déchirants sous une pluie ardue près d’un réverbère, le tout rendant la tristesse de la ville comme assortie à mon état d’esprit, mon plus joli « je t’aime » sur ligne de téléphone brouillée. Il y a également eu les moments tragiques : les incompréhensions, les cachotteries (sorties en boîtes gay obligent), les mensonges découverts petit à petit, les présentations au petit copain du moment, qu’on m’introduisait comme un bon pote, les ultimatums auxquels on répondait, la larme à l’œil, « non, je ne peux pas ».
Tous ces mois à tâcher de comprendre, et ne voir qu’un mur d’incompréhension, tout le temps, ne pas savoir ce que veut dire ceci ou cela. Faire des tests, pour savoir si l’homosexualité ne serait pas la clef, et voir l’autre en face s’énerver et me demander « comment tu peux oser penser cela ? » … peut être parce qu’on n’a toujours pas couché ….
« Celui qui était homo » a quand même réussi à commencer à me dévoiler un début de réalité, alors que l’on parlait, à distance bien sûr, de se remettre ensemble. Une nuit chez lui, un moment de suspens insoutenable, et enfin, la vérité toute nue, qui libère car elle explique, qui tue car elle prouve des mois de mensonges et de trahisons.
En octobre 2002, j’ai rencontré l’homme de ma vie. Il a réussi désormais à devenir un ami, qui me parle toujours de crème de jour, mais aussi de sa dernière chasse de la nuit…
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