Ce témoignage n’a en aucun cas pour but de généraliser. Il ne dit pas qu’on ne peut pas être heureux, épanoui, en couple avec quelqu’un qui souffre de dépression. C’est le récit d’une histoire bien précise et bien personnelle.
Il y a quelques années, j’étais drôlement fragile. Je vivais en colocation avec des amies, toutes en couple et à l’époque très heureuses. Moi, j’étais célibataire, et mon manque de maturité me donnait l’impression que j’étais profondément seule (depuis, j’ai compris que célibat et solitude étaient deux choses bien différentes). Pour ne rien arranger, j’enchaînais les relations amoureuses non-officielles.
J’avais l’impression que je serai seule pour toujours, que je ne plairai jamais à personne plus de quelques semaines, que je n’étais pas la fille avec qui on construit quelque chose. Celle qu’on fourre, celle avec qui on s’amuse à vivre dans le drame à base de cris sous la pluie, celle dont on tombe amoureux en feu de paille, oui, mais pas celle qu’on finit par aimer, sur le long terme, quand on réalise qu’elle n’est pas que la meuf cool des premiers jours.
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Le coeur chaque fois un peu plus brisé par mes nouvelles expériences « de couple », le cerveau à peine sorti de l’adolescence et des complexes, j’étais pas au mieux de ma forme et j’avais envie de me trouver un partenaire assez rapidement. Pour ne plus passer mes dimanches soirs seule dans mon lit pendant que mes colocs étaient chez leur mec, pour aller au restaurant, pour me réveiller à côté de quelqu’un… bref, pour faire des trucs de couple.
Je faisais mes études dans une ville moyenne de province, et j’avais l’impression d’avoir fait le tour des mecs qui me faisaient quelque chose dans le slip. Je me suis donc inscrite sur un site de rencontres. J’ai dit à tout le monde que c’était pour me trouver plein de plans fion, mais c’était faux : je me disais que j’ouvrais mon champ des possibles.
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Et je l’ai trouvé lui.
« Le charme » des premiers jours
J’aimerais te dire que je suis tombée sous la charme, quand je l’ai rencontré. Que j’ai été happée par la force d’un désir foudroyant, par son regard pénétrant, que j’étais piégée par mon amour pour lui. La vérité n’a rien à voir avec ça. La vérité est beaucoup moins romantique.
Quand je l’ai vu pour la première fois, je n’ai pas trouvé qu’il avait l’air super sympatoche. Il s’est avancé vers moi sans même un sourire. On est allés boire un café, puis un cocktail, et je dois bien avouer, avec le recul, que je m’ennuyais un peu. Mais je suis allée le voir quelques jours plus tard, et comme c’était un peu loin je suis restée dormir chez lui, et comme je suis restée dormir chez lui j’ai eu envie d’avoir une relation sexuelle.
Le lendemain, il faisait beau et il avait mis de la musique cool, alors j’ai été guillerette et en repartant, j’étais drôlement contente qu’il m’ait dit qu’on était en couple. Les semaines sont passées, on se voyait quatre jours par semaine, on était ensemble tous les week-ends, je l’ai présenté à mes parents par un malheureux concours de circonstances…
Ça avait tout l’air d’un joli début de couple.
Mais je ne sortais pas quand il était là, parce qu’il n’aimait pas ça, et quand je sortais avec mes potes les soirs où on ne se voyait pas, ça se terminait en engueulades au téléphone, parce qu’il n’aimait pas ça non plus. En règle générale, il voulait que je sois toujours là pour lui, que je change.
Il essayait déjà de me modifier pour que je fasse plus de sport, que je boive moins, que je sorte moins, que je sois plus mince. Pour que je corresponde plus à son idée de la Fââââme et que je sois toujours là, jamais bien loin.
Je n’étais plus vraiment moi, j’étais frustrée. Il s’arrangeait, consciemment ou pas, pour m’éloigner de mes amis en étant extrêmement acerbe et moqueur avec eux et, au bout d’un mois, lors d’un week-end en forme d’escapade pseudo-romantique, j’avais décidé de rompre.
On était en train de se balader et on s’est assis. J’étais à côté de lui, sur un banc, je regardais les gens et le paysage. Je n’avais rien à lui dire. J’avais pas envie de discuter ou me marrer avec lui. Je me disais que je ne pouvais pas rester avec lui, qu’il était trop différent de moi, qu’on ne se rendrait jamais heureux, que je ne le serai jamais avec lui. Je me disais très clairement « Je laisse passer le week-end et je le quitte ». J’avais hâte, mais je ne voulais pas qu’on se sépare aussi loin de chez lui.
C’est tandis que je me disais très clairement « Je laisse passer le week-end et je le quitte » qu’il m’a touché le bras et dit qu’il m’aimait pour la première fois.
Alors bon, j’ai dit « je t’aime aussi » et j’ai décidé de rester un peu plus longtemps, finalement. « Je vais pas le laisser alors qu’il vient de m’ouvrir son cœur », je me suis dit. En plus, c’était la première fois qu’on me le disait.
Façon Don Draper, découvrez Celui qui checkait parfois mon haleine (pour vérifier si j’avais bu ou non) (c’était super).
Ne pas oser partir
J’ai attendu, et au fil des jours, je me suis un peu encroûtée, ou en tout cas, je me suis vachement endormie. J’avais peur d’être seule, alors je restais. J’étais persuadée que je ne saurais plus vraiment vivre une vie de célibataire. Avec le recul, je trouve ça complètement fou : j’avais 20 ans, et je réfléchissais comme le cliché du veuf de plus de 60 ans qui cherche juste quelqu’un avec qui dormir !
Un jour qu’on était en terrasse et qu’on venait de s’engueuler, on était assis, l’un à côté de l’autre, le visage fermé et l’ennui vissé au corps. C’est là qu’il m’a dit qu’il était dépressif, à un degré assez important, et sous antidépresseurs. Qu’il avait déjà fait des tentatives de suicide et passé plusieurs semaines dans un hôpital psychiatrique.
À partir de ce moment-là, j’ai été incapable de partir, incapable de le quitter.
Je ne dis pas qu’il se servait de sa maladie pour m’empêcher de le fuir. Je ne le pense même pas. Je préfère t’affirmer ça avant qu’on passe à la suite, parce que j’ai envie que ce soit clair.
Je ne lui ai jamais demandé de faire comme si sa dépression n’était pas là, et je ne sais pas comment il aurait réagi si je l’avais fait, mais quoiqu’il en soit, elle était, dans ce couple, le troisième larron. La moindre petite dispute sans conséquences et sans intérêt prenait des proportions dingues, parce qu’elle lui faisait perdre pied. Je n’arrive pas à me souvenir d’une seule fois où il ne s’est pas effondré en me disant que je le rendais dingue et qu’il allait « se foutre en l’air », pour reprendre ses termes. Il me hurlait dessus, il devenait méprisant et insultant, me parlait tellement mal.
Parfois, je sortais fumer, et quand je revenais, pensant qu’il était calmé, je le retrouvais dans la position du fœtus, sous une table ou sous un bureau, le regard vide. Il n’a jamais levé la main sur moi, mais la violence de ses gestes et de ses cris me faisait tellement flipper. J’avais peur qu’un jour il passe à la vitesse supérieure…
Je n’osais pas le quitter parce qu’il me rappelait sans cesse qu’il avait déjà été capable de faire des tentatives de suicide dans des contextes similaires. Que je me disais qu’il n’y avait aucune raison que ce ne soit pas le cas si je partais, moi. Je prenais sa maladie très au sérieux, jamais je n’ai tourné sa dépression en dérision, jamais je ne l’ai envoyé chier quand il en parlait.
Ça ne m’a pas empêchée de faire preuve de maladresse, parfois, parce que j’étais paumée : je suis à mille lieues de tout ça, des cris, des insultes, des engueulades, surtout quand elles partent d’un petit détail stupide. Ça ne me ressemble tellement pas, et ça arrivait tellement souvent (entre une fois par semaine et plusieurs fois par jour), que j’avais l’impression d’être prise dans une tornade. J’étais en roue libre.
Je m’étais comme anesthésiée toute seule en restant : je m’étais résignée. Je ressentais de l’attachement pour lui, parce que je pense qu’on ne peut pas être en couple avec quelqu’un pendant plusieurs années sans qu’un lien ne se crée. Cet attachement s’accompagnait d’un sentiment d’impuissance : je ne pouvais pas le quitter de peur que ça n’aggrave son cas, mais je restais et son comportement vis-à-vis de moi empirait.
Quand j’ai pris conscience de ma responsabilité
Un jour, à bout de l’histoire, alors que j’étais à quelques mois d’un changement dans ma vie, j’ai franchi le pas : je suis partie.
Ce que je n’ai saisi qu’après l’avoir quitté, c’est que c’est mon comportement qui a fait empirer le sien. Tout simplement parce qu’être en couple avec quelqu’un qui ne reste pas par amour, et qui n’a même pas un peu de paillettes dans les yeux, ça n’aide pas à se sentir mieux, bien au contraire.
J’étais absolument naze, comme copine : je ne l’écoutais pas quand il me racontait sa journée, je n’avais jamais envie de faire l’amour, je regardais tout le temps la télé, qu’il soit là ou pas, et quand je ne regardais pas la télé, je ne riais pas à ses blagues et n’en faisais aucune… La liste est longue, mais pour résumer, disons que je n’étais pas heureuse, et qu’il ne l’était pas non plus.
Et un jour, quelques mois après la rupture, on s’est revus et il m’a remerciée d’avoir osé partir, parce que depuis, il allait vachement mieux. Il avait changé d’antidépresseurs et retrouvé le goût à la vie, il était bien dans ses pompes, vachement plus confiant et épanoui. En gros, il s’était sorti les doigts du cul quand j’avais fait de même avec les miens.
J’essaie de me dire que je n’ai pas gâché trois ans de ma vie à rester avec lui, et que je n’ai pas gâché trois ans de la sienne. J’essaie de me dire qu’au moins, ça m’a appris à toujours remettre en question mon envie d’être avec la personne avec qui je suis, et de ne plus m’embourber dans quelque chose que je ne veux pas vivre. Peut-être que si je ne m’étais pas auto-piégée dans ce couple-là, je me serais auto-piégée plus tard, avec quelqu’un d’autre. Je me dis « eh, au moins, c’est fait ».
Les conséquences, c’est que j’ai du mal à vraiment me lâcher. J’ai toujours peur, quand je tombe amoureuse, de ne pas me poser les bonnes questions, de refaire le coup de rester alors que je n’aurais plus de sentiments, et ça m’a gâché pas mal de débuts d’histoire (hormis celle que je vis actuellement).
Surtout, la conséquence principale, c’est que les petites disputes, les mises au point de type réglages de début de couple, me paralysent. Je me ferme, mes muscles se tendent, je serre les fesses et j’attends l’orage, comme un souvenir corporel.
Mais c’est pas très grave, parce que maintenant que j’ai pris conscience de ce problème et de son origine. Alors je n’ai plus aucune excuse pour ne pas le régler. Surtout que le plus important est là : aujourd’hui, je sais que ce n’est pas faire le bonheur de quelqu’un que de faire le sacrifice du sien.
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Les Commentaires
Pour résumer, quelqu'un qui justifie la consommation de drogue ou d'alcool par la dépression... Mouais. Un joint, un verre n'est pas un médicament. On est d'accord que c'est pas simple de se sortir d'une addiction et que reconnaître le problème est la première étape. Mais prétendre qu'on en a besoin, c'est de la mauvaise foi, je trouve.
Ce n'est que mon point de vue, certaines ne seront sans doute pas d'accord mais justifier la maltraitance par sa maladie, je trouve ça plus que douteux.