madmoiZelle, la couche psycho-sociale de la semaine va être un peu différente (et va plutôt traiter de psychologie cognitive, tiens).
Tentons ensemble une expérience sur la perception visuelle… Vous, moi et une vidéo d’une trentaine de secondes (et si tu ne fais pas cette petite expérience, ce sera comme pour les chaînes de l’amitié manuscrites en 1997 : ta maison s’écroulera, l’amour de ta vie ne te déclarera jamais sa flamme et tu finiras dans un vieux fauteuil à vivre ta vie par procuration dans les magazines people, comme la chanson de J.J.G, voilà).
Quoiqu’il en soit, les règles du jeu sont les suivantes : – dans la vidéo qui suit, tu verras deux équipes de basket, – l’une est habillée en blanc, l’autre en noir, – l’unique consigne de l’exercice est de compter le nombre de passes entre les joueurs de l’équipe blanche, – toute forme de passe entre joueurs de l’équipe blanche compte (avec ou sans rebond)
Je ne veux pas vous stresser, mais la plupart des gens échouent au test…
Expérience : round 1
Allons-y donc, visionnez la vidéo (une seule fois)
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xb1gn2_cecite-cognitive_tech[/dailymotion]
Combien avez-vous trouvé de passes ? 13 ? 17 ? 22 ?
Expérience : round 2
Une nouvelle fois, visionne la vidéo, avec la même consigne (compter le nombre de passes entre les joueurs de l’équipe blanche).
Le chiffre est toujours le même ? Rien à signaler d’autre ?
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xb1gn2_cecite-cognitive_tech[/dailymotion]
Expérience : round 3
Alors… As-tu vu le gorille ? Si oui, à quel moment ? Si tu es comme moi, et comme des tas d’autres gens, tu ne l’auras pas vu la première fois, peut-être même pas la deuxième… Et pourtant, il était bel et bien là, notre mickael-jackson-gorilla.
Alors quoi, souffrons-nous tous d’un déficit quelconque ? D’une malédiction de l’attention ? D’un refoulement de gorille ?
Que nenni, nos cerveaux sont simplement trop concentrés sur le ballon et le nombre de passes, ce qui fait louper le reste de la scène.
L’expérience, due aux psychologues Simons et Chabris (1999), met en évidence un phénomène de « cécité cognitive » (« inattentionnal blindness » en langue de Shakespeare, soit aveuglement par défaut d’attention) : nous sommes parfois incapables de détecter des changements massifs dans notre champ visuel, et la mobilisation de notre attention n’est pas obligatoire.
En d’autres termes, nos yeux observent la scène, la totalité de l’image est projetée sur notre rétine et par conséquent disponible pour notre cerveau. Alors pourquoi ne voyons-nous pas tout ? Parce que la scène est si complexe
(mouvements, nombre et taille des objets) que notre cerveau ne va pas être capable d’analyser toutes les informations présentes. Si tous les éléments sont disponibles pour mon cerveau, cela ne signifie pas qu’il les traite systématiquement.
Vous savez, lorsque vous conduisez et qu’un obstacle surgit soudainement, comme s’il n’y était pas avant ? C’est le même phénomène, qui repose sur les techniques suivantes :
- Montrer un objet en mouvement que les spectateurs doivent suivre des yeux (dans notre cas, le ballon)
- Faire en sorte que l’objet soit petit par rapport à la scène totale (idem, le ballon)
- Occuper le cerveau des spectateurs par un exercice intellectuel (ici, compter)
Et tu vois, ÇA, c’est peut-être la raison pour laquelle lorsque je farfouille chez Zara comme une épileptique et que je cherche absolument un foulard bleu, je rate cette petite merveille de gilet en cachemire (5% cachemire, 95% élasthane, vous me dites ?) que la nana devant moi a dans les mains (fichtre).
Somme toute, selon l’objectif de notre attention, notre cerveau va traiter certaines informations et en laisser d’autres… Mais combien de gorilles ratons-nous dans notre vie quotidienne ? Et surtout, quel impact lorsque la situation est un peu plus importante que la recherche du foulard bleu (au volant, par exemple) ?
Pour aller plus loin
– Le site, pour plus de vidéos bluffantes – Le site de Simmons, vidéos complémentaires : d’autres expériences du même type (notamment des identifications trompeuses de suspects)
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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