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"@Jeanne Menjoulet / Flickr"
Écologie

Ce que les nouvelles mesures pour le climat vont changer dans ta vie

Le gouvernement a annoncé les premières mesures qui seront mises en oeuvre par décret, dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat. Mais est-ce vraiment suffisant ?

Sale temps pour la planète. Le 18 juin dernier, les 150 citoyens et citoyennes tirées au sort parmi des volontaires avaient proposé 149 propositions pour réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat. 

Après la réunion du Conseil de défense écologique, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a dévoilé les décrets que le gouvernement va mettre en oeuvre. Quels-sont-ils ?

La lutte contre les passoires thermiques

Ce conseil de défense écologique présidé par Emmanuel Macron a annoncé trois angles d’attaque : la rénovation énergétique des bâtiments, la maîtrise de la consommation de l’énergie et la lutte contre l’artificialisation des sols.

Pour la rénovation énergétique des bâtiments, qui génèrent 20% des gaz à effet de serre,  un décret va introduire dès le 1er janvier 2023 la performance énergétique parmi les critères de « décence » d’un logement.

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique chargée du logement, a déclaré au Monde :

Cela permettra aux personnes qui vivent dans des passoires thermiques d’exiger du propriétaire qu’il fasse des travaux, voire de soumettre le dossier au juge qui pourra interdire à ce dernier de percevoir un loyer, voire interdire la location d’un tel logement. Pour être décent, un logement devra être bien isolé, bien chauffé.

Le remplacement des chaudières au fuel et au charbon devra être accéléré, et à partir du mois de janvier 2022, les logements neufs ne pourront plus en être équipés.

Pour les logements qui sont actuellement équipés de ces chaudières, Emmanuelle Wargon a déclaré que le gouvernement allait apporter des aides financières significatives, allant jusqu’à 80% de prise en charge pour les ménages les plus modestes, dont les chaudières tombent en panne et doivent être obligatoirement remplacés par des équipement moins polluants.

Bon, ben y a plus qu’à…

La fin des terrasses chauffées

Passons à ce qui va changer pour les soirées à boire des coups en terrasse. La deuxième mesure qui a été proposée, et qui sera adaptée techniquement à l’hiver prochain, est la fin du chauffage extérieur dans les espaces public.

Ce qui est considéré comme une « aberration écologique » par Barbara Pompilin devra être discuté avec les restaurateurs. Néanmoins, avec la crise du coronavirus, ce décret pourrait être décalé au printemps prochain, pour permettre aux professionnels déjà en difficulté à cause de la pandémie d’avoir davantage de temps pour s’adapter. Du côté des bâtiments climatisés, il sera obligatoire d’en maintenir leurs portes fermées.

Niveau éclairage public, quelques changements vont être mis en place, comme l’interdiction d’éclairage des enseignes, des vitrines de magasins et bureaux la nuit, à partir de l’horaire de fermeture des magasins.

Les rues des villes devraient donc devenir plus sombres la nuit, ce qui pourrait être pallié par un meilleur éclairage municipal.

La lutte contre l’artificialisation des sols

Pour le dernier axe, on devrait respirer un peu plus. Les zones commerciales en périphérie des villes grignotent les terres agricoles, diminuant ainsi la biodiversité. Barbara Pompili, souhaite diviser par deux le rythme de bétonnisation dans la prochaine décennie. Elle a déclaré, dans un entretien au Monde :

Avant la coupure estivale, nous enverrons une circulaire aux préfets pour leur demander de veiller scrupuleusement à cette question d’artificialisation dans les dossiers d’autorisation commerciale. Sur tous les nouveaux projets susceptibles de détruire des terres agricoles ou des espaces naturels, ils saisiront la commission nationale d’aménagement commercial.

Plusieurs centaines de millions d’euros vont aider à réhabiliter « des centaines d’hectares de friches industrielles » d’après la ministre, tout en permettant aux entreprises et aux commerces de s’y installer.

Le gouvernement a également annoncé la création de parcs naturels régionaux, au mont Ventoux et dans la baie de Somme-Picardie maritime, ainsi qu’une réserve naturelle nationale, la forêt de la Robertsau, en Alsace.

Mais est-ce que ces projets sont réalisables, et que penser des délais de mise en place de ces décrets ?

Nouvelles mesures de la Convention citoyenne pour le climat, une utopie ?

J’ai pu poser la question à Pauline J., éco-animatrice pour une association environnementale, qui sensibilise les publics à l’écologie et aux éco-gestes.

Pour elle, la mise en place de ces nouvelles mesures est évidemment une bonne chose sur le papier car elles pourraient réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais néanmoins, il ne faut pas se leurrer quant aux délais proposés.

Il faudrait d’abord veiller à faire respecter ce qui est déjà obligatoire plutôt que de mettre en place de telles choses dans un temps aussi court. Je pense que la date de janvier 2023 est trop proche, non pas parce que la situation n’est pas urgente, mais parce qu’elle ne laisse pas le temps aux professionnels de se réadapter et de se réinventer.

En instaurant des délais si courts, les décrets risquent d’être contournés et les habitants risquent de ne pas comprendre ce qui leur est demandé. Il faut encore davantage de moyens pour sensibiliser les publics. Il faut consolider ce qui est déjà mis en place avant de donner de nouvelles obligations aux populations qui ne peuvent suivre ces mesures sans les comprendre entièrement.

Mais la bonne nouvelle, c’est que même avant ce décret sur les passoires thermiques, j’ai pu remarquer une vraie demande de la part des bailleurs sociaux, qui essayent d’accompagner ceux qui souhaitent réduire leur consommation d’énergie. Souvent, c’est plus pour un côté économique qu’écologique, mais c’est une bonne chose au final.

Les mesures proposées sont-elles suffisantes ?

D’après Pauline J., les mesures proposées par le gouvernement ne sont pas encore à la hauteur, tant il y a à faire dans ce qui est déjà mis en place.

Il est complexe de contraindre les gens. Par exemple, le tri des déchets est obligatoire. Mais que se passe-t-il si on ne le fait pas ? Pas grand-chose. Pour les restaurateurs, ils devraient être sanctionnés s’ils dépassent un certain poids de déchets alimentaires. Est-ce qu’ils risquent quelque chose s’ils n’obéissent pas ? Sur le papier, oui, mais en réalité : non.

Le gouvernement ne suit pas suffisamment, parce qu’il n’a pas les ressources pour le faire. Il faudrait des ressources humaines, mais aussi aider à la transformation des industries polluantes en reconversion écologique, et pouvoir permettre la dépollution de tout ce qui a été déjà détruit.

Concernant l’artificialisation des sols, elle m’explique :

Les sols sont tellement appauvris, qu’on ne peut plus les cultiver, ils sont épuisés. La faute à la bétonisation. On essaye de végétaliser les villes depuis quelques années parce qu’on s’est rendu compte que le béton augmentait les températures, et qu’on a enchaîné les canicules et les fortes chaleurs.

Les friches dans les périphéries sont utilisées pour faire des bâtiments, tout comme les terres agricoles. Il faudrait arrêter de donner des permis pour l’industrialisation, arrêter d’essayer de pousser des nouveaux projets industriels. Il faut transformer l’existant et faisant en sorte que le nouveau n’existe pas.

Quelles devraient être les priorités écologiques de la part du gouvernement ?

En dehors de la taxation sur l’aviation, la fin des véhicules diesel ou encore la limitation de la consommation d’énergie, il y a une priorité qui ne doit pas être négligée, selon l’éco-animatrice :

Il y a des priorités bien sûr, et tout est lié et interdépendant. La priorité serait la biodiversité, parce qu’on est dans l’ère anthropocéne qui est la chute de la biodiversité [NDLR :  la période durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu’elle est devenue une « force géologique » majeure capable de marquer notamment la croûte terrestre]. Par exemple, avant quand on roulait en voiture, on remarquait tous les insectes qui s’étaient écrasés sur le pare-brise. Maintenant, il n’y en a plus.

Sans biodiversité, il n’y a pas l’humain, parce qu’on en fait partie. Tout est lié à l’artificialisation des sols, à la diversité et à la préservation des océans, et à toute activité humaine.

Il est urgent de ralentir les activités humaines, les avions, les déchets, d’augmenter la production en permaculture, mais aussi de faire en sorte que les humains puissent avoir des espaces verts à s’approprier, surtout dans les villes où la biodiversité ne peut pas exister sans végétalisation.

Chaque personne devrait avoir un contact à la terre, pour ne pas oublier son importance. On a perdu l’envie de se connecter à la nature et les villes sont propices à ça, elles le suggèrent. Végétaliser au lieu de bétoniser, et bien sûr arrêter les pesticides qui sont une catastrophe pour l’homme et la diversité.

La Convention citoyenne pour le climat est-elle suffisamment prise au sérieux ?

On t’en avait déjà parlé il y a quelques semaines chez Rockie, nous demandant pourquoi cette convention ne semblait pas être prise au sérieux. Alors que, comme le dit Pauline, c’est une initiative vraiment intéressante :

J’apprécie ce tirage au sort : considérer que tout le monde est égal et peut avoir un avis sur la question, c’est une symbolique forte.

Il faut faire en sorte que les personnes comprennent le problème dans son intégralité. Quand je vois le nombre de gens présents aux manifestations, j’ai bon espoir, et je trouve ces moments émouvants. Bon, je suis moins émue quand je vois les manifestants jeter leurs déchets au sol en pleine manif pour le climat, c’est certain…

Pauline a pu remarquer des changements de comportements ou de pensées ces dernières années :

A travers mon métier, avec toutes les sensibilisations que je fais au quotidien, j’ai vu une différence. Il y a un intérêt pour l’urgence climatique, le public est au courant de ce qui se passe. Évidemment, il y a des gens qui s’en fichent, mais aussi d’autres qui nous suivent, nous questionnent, et d’autres qui s’y opposent. Au moins, ils sont informés et ils ont une opinion.

Il y a une prise de conscience, j’ai l’impression, parce qu’il y a de la pédagogie qui est faite. La pédagogie, c’est la répétition. J’ai l’impression qu’on en parle en permanence, et le fait qu’il y ait des catastrophes climatiques qui touchent les gens au niveau local, le fait que leur environnement soit mis en danger les aide à réaliser que oui, il y a urgence.

La lutte pour le climat n’est pas facile pour la population

Pauline me fait remarquer que de faire des efforts continuellement n’est pas simple pour la population :

On te propose un monde ou tu peux consommer à-tout-va, avec du plastique partout, du matériel à usage unique, etc. Ce n’est pas facile de lutter. Et pourtant, tout est monté à l’envers. Par exemple pour la nourriture, le bio devrait la norme, et un label devrait indiquer les aliments qui sont mauvais pour la santé.

Les méthodes de production dangereuses et les éléments qui composent un produit et qui ne répondent pas aux normes écologiques devraient être signalés. Le contraire de ce qui est fait actuellement devrait être mis en place, il est primordial de changer les normes. Il est important de signaler ce qui est bon pour la santé et pour la planète, et il devrait être tout aussi important de signaler ce qui ne l’est pas.

Même si on a le droit de ne pas être très optimiste sur les nouveaux décrets qui vont être mis en place, ou sur les délais annoncés et les mesures prises, la Convention citoyenne pour le climat aura au moins eu le mérite de faire émerger le débat public autour de cette thématique, et de faire connaître par le grand public un ensemble de mesures environnementales qui, on l’espère, pourront être réellement mises en place. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais c’est un pas de plus.


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