Il célèbre les identités noires depuis le commencement de sa maison de mode Pyer Moss, fondée en 2013. Mais là, Kerby Jean-Raymond vient de le faire sous la sacro-sainte appellation de la haute couture, soit un cercle très restreint de grands couturiers. Il affirme d’ailleurs être le premier afro-américain à défiler en son nom dans ce cadre (mais pas le premier noir, comme l’affirment à tort de nombreux médias, qui invisibilisent alors le grand couturier camerounais Imane Ayissi, ou le somali-éthiopien Olivier Rousteing pour la maison Balmain).
Questionner les notions d’héritage et de patrimoine si chères à la haute couture
« Haute couture » est une expression souvent utilisée abusivement pour désigner n’importe quelle marque de luxe qui défilerait. Or, il s’agit d’une appellation juridiquement protégée qui implique de répondre à de nombreux critères d’exigence, dont celui de créations entièrement réalisées à la main.
Pour ce premier défilé haute couture, Kerby Jean-Raymond a mis ces critères d’exigence au service d’une audacieuse collection qui tient plus du discours artistique et politique que des robes pour tapis rouge.
Le fondateur de Pyer Moss a ainsi choisi de défiler dans un lieu lui-même chargé d’histoire : la Villa Lewaro, un manoir en banlieue de New York City, commandé par Madam C.J. Walker (1867 – 1919). Cette fille d’esclaves a été la première femme documentée à devenir millionnaire par elle-même (et non par héritage) des États-Unis. Et ce, grâce à sa marque de cosmétiques adressée aux femmes noires. Une série inspirée de sa vie et baptisée Self Made a d’ailleurs été diffusée sur Netflix.
Des objets de la vie quotidienne inventés par des personnes noires au défilé Pyer Moss haute couture
Loin des robes de bal en cascade de tulles des habituels défilés de haute couture parisiens, Kerby Jean-Raymond a plutôt fait défiler
des objets-à-porter, comme autant d’hommages à des inventions de la vie quotidienne créées ou co-créées par des personnes noires. Des bigoudis chauffants électriques (inventés par Solomon Harper) ornent un peignoir. Un châssis pliable de bicyclette (breveté par Isaac R. Johnson) marque la taille d’un body. Une lampe électrique (co-inventée par Lewis Latimer) sert de chapeau à une robe. Un smoking blanc se ceinture d’une machine à écrire (inventée par Lee S. Burridge et Newman R. Marshman). Ou encore un cadenas (inventé par W.A. Martin) sert de couvre-chef ou sac à main à une robe dorée également piquée de cadenas.
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Si cela ressemble davantage à des déguisements peu flatteurs, parfois clownesques, que des créations haute couture traditionnelles, qu’importe. Car Kerby Jean-Raymond compte les vendre comme des sculptures via Nicola Vassell (l’un des rares galeristes noirs de Chelsea). Comme une façon de célébrer et valoriser la contribution des personnes noires à l’histoire américaine, dont elles sont tant invisibilisées. Soit une tout autre manière d’aborder combien la haute couture est avant tout une affaire d’héritage et de patrimoine.
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