Cela faisait près de quatre ans qu’Olivier Rousteing n’avait pas présenté de défilé Balmain masculin. Voilà qu’il est revenu en force durant cette fashion homme automne-hiver 2024-2025, le 20 janvier 2024 à Paris. Comme à son habitude, le directeur artistique reste à mille lieux du quiet luxury et préfère pousser le volume du maximalisme, à grands renforts de couleurs vibrantes, d’épaules exagérées versus taille cintrée, trompe-l’œil que des broderies et bijoux spectaculaires.
Surréalisme, optical art, et sapologie africaine au défilé Balmain
Plusieurs motifs récurrents traversent cette collection Balmain automne-hiver 2024-2025 qui jouent sur la succession des passages pour présenter volontairement des répétitions avec toujours au moins une légère variation. À commencer par l’anatomie d’un visage féminin, dès le look 1, brodé en immenses cristaux colorés pour composer les yeux bleu et le rouge à lèvre carmin. Le passage suivant se constitue d’un pull à col roulé noir moulant, incrusté de cristaux positionnés de façon à former un œil surdimensionné, avec un pantalon large et une taille marquée par un cummerbund (large ceinture de smoking généralement en satin). Le troisième passage reprend ensuite uniquement la bouche incrustée en cristaux sur un pull à col rond, etc.
Ce genre de variation sur le même thème parcourt tout le défilé jusqu’à l’arrivée d’une vibrante palette de couleurs inspirée des sapeurs congolais d’après la note d’intention de ce défilé Balmain homme automne-hiver 2024-2025. Olivier Rousteing y dit en effet avoir puisé du côté du mouvement de la SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes) des dandys africains (que la chanteuse Solange met en scène dans son clip « Losing You » si jamais vous ne connaissez pas).
Et ce n’est plus un minois qui s’incruste sur les vêtements mais plutôt des silhouettes noires, de profil ou de dos, accompagnées d’imprimés pois ou rayés pour un supplément d’op-art (l’optical art étant un mouvement artistique autour des illusions d’optique très présent dans les années 1960). Pour le passage 37, un homme marche dans une tenue orange où s’impriment trois silhouettes noires portant une étoffe bleue, avant que le passage 38 se révèle être constitué de trois hommes en orange portant une étoffe bleue, créant un effet de mise en abyme hypnotisant. Ces passages hyperchromatiques correspondent en fait à des clichés du grand photographe ghanéen Prince Gyasi qui a accepté cette étonnante collab’ avec Balmain.
Enfin, les derniers passages reviennent à la sobriété du noir, blanc et camel, pour mieux faire briller des détails dorés, que ce soit des bijoux, comme des bracelets de biceps, un durag, ou carrément une chemise en or, voire un manteau tout entier. Mention spéciale à l’impressionnant passage 51, où une découpe dans un pull à col roulé noir sert à mieux mettre en valeur le travail de broderies dorées surdimensionnées d’un sourcil, de cils, d’une pupille et d’un iris (tandis que l’espace négatif devient le blanc de l’œil ou la sclère).
Balmain par Olivier Rousteing a-t-il plagié la marque africaine Tongoro Studio de Sarah Diouf ?
Mais puisque cette collection Balmain automne-hiver 2024-2025 par Olivier Rousteing nous invite clairement à ouvrir les yeux, on ne peut s’empêcher de noter la présence d’un bijou de tête soulignant d’un fil d’or le profil du visage. Cette pièce rappelle fortement celle créé en mai 2019 par la créatrice sénégalaise Sarah Diouf pour sa marque Tongoro Studio, inspirée du maquillage masculin de la tribu Woodabe. Des personnalités comme Beyoncé (dans son clip « Spirit »), Alicia Keys ou encore Naomi Campbell l’ont déjà porté (l’ironie du sort veut que cette dernière ait clôturé ce défilé Balmain homme autonme-hiver 2024-2025). C’est ce qui amène la jeune créatrice Sarah Diouf de la marque Tongoro Studio à s’interroger sur son compte Instagram le 21 janvier 2024 :
« La similitude visible de la pièce présentée par Olivier Rousteing pour sa collection Balmain automne-hiver 2024-2025 avec la nôtre, est un événement difficile et douloureux, remettant en question une fois de plus le regard réel que les marques occidentales prétendent avoir envers la créativité africaine tout en se disant ouvertement « inspirées » par elle. … Encore combien de temps ? »
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