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Moi, moi et moi

Casino, bandits manchots et roulette russe – Chroniques de l’Intranquillité

Ce dimanche, Ophélie vous raconte sa soirée au casino mais aussi la confrontation de son fantasme du royaume des machines à sous à la dure réalité.

C’est pour la littérature, la postérité et votre divertissement dominical que je vis autant d’aventures incroyables. C’est parce que j’aime repousser le terrain connu de mes expériences que je vise toujours plus loin dans l’information.

Je suis un peu comme Zita Lotis-Faure; une écrivain d’investigation passionnée par les coulisses du réel qui s’immerge de toute son âme (et elle est grande, mon âme) dans des vagues inconnues.

C’est pour cela que je me suis infiltrée dans le milieu des paillettes et des machines à sous. Je n’étais pas là par appât du gain ni parce que l’éclairage extérieur clignotait davantage que les stroboscopes d’une boîte de nuit. Non, j’étais là pour comprendre ce qui peut susciter tant d’addiction chez les joueurs occasionnels.

Du cinéma à la réalité

En tendant ma carte d’identité à la jeune fille qui contrôlait les entrées, je n’ai pas grommelé un amer « ARE YOU TALKIN’ TO ME ? » mais l’intention y était, j’essayais de mimer l’attitude décontractée et confiante que la plupart des joueurs arboraient.

Je me mettais dans la peau de celle qui va faire le casse du siècle, je voyais déjà les croupiers s’empresser de me servir du champagne, je m’entraînais à mimer mon plus beau sourire pour la photographie qu’ils ne manqueraient pas d’accrocher au mur (celui près des toilettes) où les gros gagnants s’exhibent, chèque en main et bave d’épileptiques aux lèvres.

Je m’étais déjà rendue dans un casino auparavant et j’avais été âprement déçue par l’expérience, tant par l’esthétique du lieu que par la somme que je n’avais pas amassée à la fin de la soirée.

À l’ère des jeux d’argent en ligne où nous sommes tous devenus des Kid de Cincinnati derrière nos écrans d’ordinateur (je préfère vraiment faire référence au beau et talentueux Steve McQueen plutôt qu’au moyennement beau et moins talentueux Patrick Bruel mais vous pouvez choisir la référence culturelle qui vous sied le mieux), j’ai tendance à éprouver peu de fascination face au hasard et aux profits spectaculaires.

Les jeux de loterie m’ont d’ailleurs toujours plongée dans une grande perplexité car je n’ai jamais compris comment il pouvait être gratifiant de s’enrichir d’une manière totalement indépendante de :

a) notre mérite. b) nos capacités. c) notre volonté. d) notre travail.

D’ailleurs, en conseillant à mon collègue de recruter quelqu’un pour me remplacer la semaine prochaine (car j’ambitionnais évidemment de décrocher le jackpot et de refaire ma vie a Dubaï), un inconnu m’a répondu avec beaucoup de pragmatisme « à quoi ça sert de gagner ? Vous allez arrêter de travailler, vous allez vous ennuyer et votre vie sera d’un néant sans fin. »

Bien évidemment cet homme ne savait pas que j’étais pourvue d’un univers intime extrêmement foisonnant et que si le travail est effectivement occupationnel, il ne me plonge pas dans un néant spirituel moins profond pour autant. J’aurais pu lui répondre ceci mais j’ai préféré lui souhaiter une bonne journée pour lui signifier un au revoir trop poli.

L’esthétique de la misère pailletée

Cessons de digresser pour revenir au coeur de l’action : la première fois que j’ai mis les pieds dans un casino je m’étais sapée en conséquence car j’avais, en effet, décidé de revêtir un pantalon blanc immaculé; ce qui est le comble de la classe. Les gens s’habillant toujours en blanc à St Tropez, Joe Dassin paradant lui-même dans d’élégants costumes blancs; j’avais décidé d’en faire autant pour me porter chance, virginité, gloire et richesses.

La moquette de la salle de jeu était élimée et la pièce n’était éclairée que par les écrans des machines mais ce n’est pas ce qui m’a le plus étonné dans ce casino. Ce qui a causé mon désarroi, ce qui a brisé le mythe cinématographique que je me faisais du lieu, c’était un homme assis nonchalamment à une table de Black Jack.

Il portait un pull-over gris sur lequel était imprimé en gros plan une tête de Donald.

Je ne sais pas si vous saisissez le tragique de cet instant, la charge émotionnelle négative qui s’est abattue sur moi. Dans mon beau pantalon blanc je rêvais de paillettes, de femmes en jupes courtes et en brushing Hollywoodiens, je pensais aux soixante dix costumes et aux quarante robes que De Niro et Sharon Stone portaient dans le film de Scorsese.

Je voyais défiler sous mes yeux les limousines de Las Vegas et je savais bien que j’aurai dû me méfier en ne voyant que des Punto et des Golf à l’entrée du parking mais je ne pensais pas que dans ce lieu de gloire et d’ascension sociale immédiate je rencontrerai un homme en pull-over Donald en train de boire une 8.6 à sa table de Black Jack.

J’avais trop idéalisé.

C’est pour cela que vendredi dernier je n’aurai pas été très étonnée de débarquer dans un tripot de seconde zone aux murs en carton pâte mais il en a été autrement : les jets d’eaux colorés en bordure de parking m’avertissaient subtilement quant à la salubrité de l’établissement.

Le casino se partageait sur deux étages, chacun possédant son propre bar, ses propres serveurs affairés à ramasser des verres sous une musique aussi répétitive qu’abrutissante et des écrans de télévision géants occupaient les murs. Tout clignotait pour capter notre attention à chaque seconde de telle façon que les secondes s’étiraient dans un espace temps infini. En appuyant mécaniquement sur le bouton de ma machine à sous j’avais l’impression qu’un quart d’heure tout au plus venait de filer alors que nous approchions des deux heures du matin.

Jeu sans enjeux

L’ère de l’immatériel ayant également remporté une victoire dans les casinos de France et dans la Navarre Toulousaine je n’ai pas entendu le tintement d’une seule pièce d’or. C’est peut-être mon côté oncle Picsou mais j’avoue que j’ai toujours rêvé de me baigner dans un océan d’or, j’aime entendre les jetons s’entrechoquer dans les bacs des machines à sous aux fêtes foraines tout comme j’aime à voir les billets bien propres sortir du distributeur de la BNP.

J’ai un rapport tactile et matériel à l’argent, comme la plupart des gens je suppose : il est sans doute plus simple de faire dépenser une clientèle qui n’a pas physiquement conscience des gains qu’elle amasse ni de ce qu’elle perd.

J’ai passé un bon moment dans un endroit qui me semble toutefois assez malsain, j’ai joué pendant une heure qui est passée en dix minutes sur une machine à laquelle je n’ai rien compris. J’ai misé dix euros et j’en ai gagné vingt-cinq de plus ce soir-là, pas de quoi arrêter le travail ni justifier ma tronche sur le mur des gagnants à côté des toilettes.

Je suis rentrée chez moi, satisfaite de cette épatante investigation, en chantonnant un morceau de Dani.


Les Commentaires

6
Avatar de ArcK
18 mars 2012 à 21h03
ArcK
Les seules personnes de ma connaissance qui fréquentent occasionnellement les casinos sont octogénaires... Ça corrobore le côté "repaire de vieux" qui s'oppose radicalement au cliché du casino sexy version série américaine.

Les jeux de loterie m?ont d?ailleurs toujours plongée dans une grande perplexité car je n?ai jamais compris comment il pouvait être gratifiant de s?enrichir d?une manière totalement indépendante de : a) notre mérite. b) nos capacités. c) notre volonté. d) notre travail.
Les gens qui dépensent le plus en jeux de grattage, loto, rapido, etc., sont aussi les gens les plus modestes (ce qui, vu le prix exorbitant des tickets, ne va pas de soi). La socio explique que l'intérêt pour les jeux de hasard vient d'une sorte de croyance populaire au destin, au hasard rédempteur, dans le sens "si je n'ai pas gagné à la loterie socio-économique, je le ferai peut-être à la Française des jeux". En quelque sorte, l'égalité absolue devant les possibilités de gain transcende les barrières des inégalités socio-économiques et culturelles. C'est en comprenant ce type de représentation qu'on peut comprendre l'intérêt éventuel de ces jeux.
Et cela explique aussi le succès du loto en France, plus plébiscité que les jeux comme le tiercé... Parce que le tiercé nécessite une certaine forme de compétence (connaître les chevaux et les jockeys, écouter les pronostics...), ce n'est plus un effacement des inégalités.
Bien sûr, en Grande-Bretagne, l'engouement pour les paris sportifs a une origine culturelle historique, qu'on ne peut pas réduire à cette explication.

/je récite mes cours de socio vous savez, bonsoir !
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