J’ai fait une licence de coréen, ce qui implique donc d’apprendre la langue mais aussi la culture et tout ce qui tourne autour de la Corée (et pas seulement la Corée du Sud). Je parle à peu près bien la langue ; la licence de coréen ne garantit en aucun cas de devenir bilingue au bout de trois ans, mais mes amis coréens m’ont beaucoup aidée… et m’ont entre autres appris ÉNORMÉMENT de gros mots !
J’avais déjà passé un mois en Corée du Sud et il avait été génial, c’était un peu comme un film en fait. J’avais rencontré plein de gens, de plein de pays, dans la rue comme dans des clubs, des bars…
J’étais restée sur cette expérience (tout en sachant très bien que ce n’était pas comme y vivre) et j’avais envie de vraiment m’immerger dans la culture sud-coréenne après ma licence. Et puis bien sûr, j’avais envie de voyager, ce que je n’avais pas encore vraiment eu le temps de faire… Vivre en Corée du Sud me permettrait de réaliser mes rêves !
Après avoir obtenu ma licence, et n’ayant rien d’autre à faire, j’ai donc décidé d’entamer un séjour d’un an en Corée du Sud en Working Holidays Visa (ou visa Vacances-Travail).
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Partir en Corée du Sud
Le visa en lui-même n’est pas difficile à obtenir mais moi, dans mon éternelle boulettitude (oui c’est un mot), j’ai un peu galéré, surtout avec l’argent et le fait qu’il faille aller à l’ambassade à Paris pour faire sa demande de visa. J’ai passé les vacances d’été à travailler pour récolter les 2500€ nécessaires et à stresser, mais j’ai fini par obtenir mon visa. C’est-à-dire que je l’ai eu en mains le jour de mon départ, il y a six mois.
Le jour J, nous étions sacrément stressés avec mes proches. Au moment du départ, il n’y a pourtant pas eu de grandes effusions de larmes ; je me souviens juste du mélange de fierté et d’émotion dans les yeux de mes parents avant que j’embarque.
J’étais aussi anxieuse qu’excitée à l’idée de retourner en Corée. Et heureusement que j’étais enthousiaste, parce que le premier mois a été mouvementé : je n’avais pas d’appart’ ni de travail. J’ai d’abord habité chez un pote pendant une semaine et demi, dans un coin paumé de Séoul, à dormir dans le même petit lit une place que lui, collée contre le mur. C’était sympa.
Quand on est étranger•e en Corée, le meilleur moyen de trouver un appartement ou une colocation, ça reste CraigsList. Au début, en consultant les annonces, je suis tombée sur une dame qui faisait visiter de nombreuses colocations. Je ne rencontrais pas les autres locataires, puisqu’en général, en Corée, on ne vit pas vraiment AVEC les autres locataires : on loue juste la chambre.
La plupart des apparts que j’ai visités étaient plus que pourris. C’était sale et minuscule pour 400 000 won par mois (environ 250€). J’ai fini par trouver l’annonce d’une Coréenne qui avait fait pas mal de colocations avec des étranger•e•s et, après avoir pris contact via Kakaotalk (l’équivalent de Viber ou What’s App en Corée), j’ai visité un vendredi et emménagé le lundi suivant !
La rue où j’habite.
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Une norme presque écrasante
L’appart où je suis est propre, très bien situé et j’ai deux super colocs coréennes. Les deux parlent très bien anglais (ce qui n’est finalement pas terrible pour moi, qui voudrait pratiquer mon coréen) et, heureusement pour moi, ce sont des marginales. J’aurais eu du mal à cohabiter avec des jeunes femmes qui adhèrent au poids de la norme, incroyablement fort en Corée du Sud. Mes colocatrices m’ont beaucoup appris sur leur pays, sa culture et ses habitudes.
Ma coloc, qui est un peu la gérante de notre maisonnée, est lesbienne et l’autre est bisexuelle — en Corée, les homosexuel•le•s sont encore un peu considéré•e•s comme « bizarres ». Il y a un quartier à Séoul où la grosse majorité des bars LGBT se regroupent ; comme il est fréquenté par énormément d’étrangers (puisque proche de la base militaire américaine), cela pose moins problème.
Car en Corée, il n’est en effet pas très bien vu de sortir de la « norme ». Le look des habitant•e•s, par exemple, est très homogène. À partir du moment où on a un style différent de ce que l’on voit dans la rue, les gens ont tendance à penser qu’on est pas Coréen•ne. Ça arrive très fréquemment à ma coloc qui a les cheveux roses et un look hippie de se faire arrêter dans la rue par des gens qui lui parlent en anglais, alors qu’elle est du pays !
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Il y a vraiment une norme pour que l’on puisse se dire « ah il/elle est Coréen•ne », une sorte de non-dit du style. Et cela est également valable en ce qui concerne les comportements. Contrairement à beaucoup d’habitant•e•s, mes colocs sont franches et n’y vont pas par quatre chemins quand elles ont quelque chose à dire. Quand il s’agit de donner leur opinion sur quelque chose, elles n’hésitent pas. Ma coloc m’a expliqué que c’est quelque chose qui est assez compliqué à gérer dans son travail : elle n’aime pas devoir toujours dire amen à tout ce que son patron propose mais elle y est implicitement forcée.
Mon autre coloc, elle, n’a pratiquement que des amis étrangers, chose très rare pour une Coréenne : beaucoup ont un peu peur des étrangers, puisque la société coréenne dit encore « les étrangers c’est pas bon, ça donne des MST » (true story). Ses amis coréens sont pour la grande majorité aussi des marginaux. Elle part pour des festivals hippies, a 26 ans et ne vit plus chez ses parents (ce qui est rare aussi)… Elle est très « occidentale » dans sa manière de penser.
Le Festival des lanternes sur la rivière artificielle du Cheongyecheon.
De la même façon, d’un certain point de vue, du moins en surface, Séoul est une ville très homogène. Mais lorsqu’on cherche un peu dans les petites rues éloignées des grandes avenues, on trouve des endroits magiques et tout à fait uniques. Comme ce mini musée du jeu-vidéo/pop-culture dans un sous-sol, ou encore ce magasin de fringues japonaises avec décors de fifou, ou des cafés-magasins de fringues-fleuristes-disquaires….
La culture coréenne est vraiment complexe à définir.
Il y a un mélange entre une extrême homogénéité, avec toujours les restes de confucianisme, de culte des anciens (les vieux sont les rois dans ce pays), et une envie d’être avant-gardiste. Énormément de concepts nés ici s’exportent en France ou ailleurs parce que les Coréen•ne•s adorent la nouveauté — les bars à chats ou à chiens par exemple ! Ils ont plein de concepts de cafés différents : on connaît les manga cafés, mais ils ont aussi des cafés-poupées ou des cafés-boutiques proposant un peu n’importe quoi.
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C’est la même chose avec la technologie : il est extrêmement rare de voir des gens sans smartphone, dans les restaurants on a une petite sonnette pour appeler le serveur, et dans les cafés on nous donne un truc qui vibre pour nous dire quand notre commande est prête.
C’est vraiment ici que l’on voit le mélange modernité/tradition. Les jeunes veulent être indépendants mais ils ne veulent pas partir de chez leurs parents avant d’être mariés. Ils sont ultra-polis, mais quand ils te trouvent grosse ils te le font savoir. C’est, je crois, la chose que je trouve la plus intéressante et la plus mystérieuse dans ce pays.
La vie séoulite
Pendant le mois qui a suivi mon emménagement, tout en cherchant un travail j’ai beaucoup fait la fête. Le quartier où j’habite (et Séoul en général en fait) est très vivant et la « nightlife » fait partie intégrante de la culture coréenne ! Ce ne sont pas les bars ou les clubs qui manquent ici, et les restaurants ouvrent souvent jusqu’à très tard dans la nuit. L’alcool et la nourriture sont partout. Les coréens mangent et boivent TOUT LE TEMPS, et ils adorent les petits bouibouis dans la rue que sont les stands de street food (formidable invention).
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C’est ainsi que pendant mon premier mois, j’ai passé pas mal de soirées à boire (essentiellement de la mauvaise bière Cass, qui ressemble en gros à de la bière diluée avec de l’urine puis avec de l’eau), à aller dans les Noraebang (karaokés coréens), dans les clubs qui sont un véritable incontournable de la vie nocturne séoulite… Grâce à l’une de mes colocs, j’ai eu l’occasion d’aller dans des endroits moins fréquentés, où les gens un peu plus marginaux vont. C’est ainsi que j’ai assisté au tournage d’un clip dans un bar, toute la nuit, avec bière à volonté et cup-ramens. Le tout en étant la seule occidentale. Une soirée plutôt drôle !
Je n’ai évidemment pas fait que traîner dans les bars, j’ai aussi fait des visites culturelles. Il y a de nombreux palais à visiter, des temples bouddhistes, et beaucoup (vraiment beaucoup) de randonnées à faire. La randonnée est un peu le sport national, au vu des nombreuses montagnes que comptent la Corée. On trouve de magnifiques temples cachés dans les hauteurs ; j’ai eu le plaisir, avec mes amis, de découvrir la maison d’un moine bouddhiste entourée de statues de Bouddhas, où le moine nous a offert plein de nourriture et s’est étonné que nous ne soyons pas moches pour des occidentaux (sympa).
J’ai finalement trouvé un job de serveuse dans un restaurant thaï dans le quartier français de Séoul. Le quartier français étant l’un des plus chers de Séoul, la clientèle est surtout constituée de riches coréens. Vu que le service et la politesse sont extrêmement importants, les gens s’attendent à ce que tu fasses absolument tout ce qu’ils demandent. De plus ils ne sont pas toujours très sympas avec les serveurs étrangers (j’ai eu droit à des « Ah une étrangère… ») : c’est assez fatiguant quand les clients rentrent et parlent directement à mon boss thaï qui ne parle pas un mot de coréen, et continuent de lui parler alors que c’est moi qui leur réponds.
La politique de la Corée du Sud
Les Coréens s’intéressent très très peu à la politique — c’est sûrement aussi pour ça que le gouvernement est si corrompu, et que l’actuelle présidente est la fille du dictateur au pouvoir dans les années 70… Ce sont surtout les personnes âgées qui votent ici.
En ce qui concerne la Corée du Nord, par exemple, tout le monde s’en fiche un peu. On en entend juste parler de temps en temps. Dans un autre registre, il y a peu, le gouvernement a voulu se la jouer NSA et espionner les conversation Kakaotalk de tout le monde. On nous parle aussi des politiciens qui sont enfermés ou ont vu leur parti supprimé parce qu’ils sont accusés d’être communistes ou des espions nord-coréens.
Je sais qu’il y a également une mafia locale : les mafieux possèdent vraiment des restaurants et ils y sont rois, ils peuvent tout péter, c’est presque normal. Tout le monde sait que ce genre de chose existe, et personne ne dit rien. Cela se voit dans les actualités quand il y a des procès d’anciens du gouvernement, ou même du PDG de Samsung.
Cependant, dans ma vie de tous les jours je ne le ressens pas, et ça ne me dérange pas outre mesure. C’est par contre plus difficile à vivre pour mes amis nés ici. Heureusement les jeunes Coréens commencent à prendre conscience des problèmes de leur pays. C’est visible quand je leur dis que j’ai fait une licence de coréen : les gens sont super étonnés parce que pour eux, il n’y a rien d’intéressant ici. En fait, peu de jeunes Coréens aiment leur pays…
En conclusion
Même en ayant un job un peu naze et une vie sociale étrange, j’arrive curieusement à m’y retrouver… Et à aimer vivre ici. Je n’ai pas beaucoup d’argent mais j’ai des amis, mes colocs sont super et je me sens vraiment indépendante. Les gens que j’ai rencontrés sont géniaux, probablement les meilleures personnes que j’ai pu croiser depuis longtemps, et on s’apporte un recul sur nos origines respectives.
En tout cas je me sens à la maison ici. Ce que j’aime le plus dans ce pays, c’est le fait qu’on puisse y trouver le meilleur comme le pire.
Le mois prochain, je quitte mon job pour faire un tour de la Corée du Sud. Parce que j’aime bien Séoul, mais tout comme Paris ne représente pas toute la France, elle ne représente pas toute la Corée !
Je pensais repartir en France faire un master, mais maintenant je me dis que je le ferais bien ici malgré les prix exorbitants des universités coréennes (dans le même ordre de prix qu’aux États-Unis). J’aimerais vivre en Corée, au moins quelques années. Je ne pense seulement pas y rester pour vraiment m’y installer, car ici il est très difficile de fonder une famille et d’avoir un vrai travail quand on est étranger•e ; il y a encore beaucoup de discrimination…
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Les Commentaires
Par contre j'ai un peu tiqué sur le mot "colocatrice" c'est une coquille, non ?