« L’Amériqueuh, l’Amériqueuh, je veux l’avoir, et je l’aurai », chantaient les rouflaquettes de Joe Dassin du temps où le pantalon patte d’éph était encore tolérable en société. En 2013, les États-Unis vendent toujours du rêve en pack de douze à certains, malgré les inventions douteuses que sont le Coca Cerise et la chaîne télévisée pour chiens.
En Californie, beaucoup arrivent croyant trouver l’Eldorado (au creux de ta peau). Ils oublient parfois que ce genre de trouvailles est plutôt rare si on n’a pas un palmarès à Roland Garros, des accointances avec le reggae discount et un peu de thune en poche. L’Amérique a toujours été la destination finale des chercheurs d’or qui voulaient refaire leur vie, et San Francisco ne dément pas ce cliché.
Ici comme à la SNCF, tout est possible, du moins c’est ce que croient les étrangers. Du coup, beaucoup d’Européens, mais aussi de Mexicains et de Chinois viennent s’installer dans le coin, pour changer de métier ou créer leur business. Parfois ça marche, parfois non. D’où une rencontre quotidienne et dans tous les quartiers de San Francisco entre les Superman de la Silicon Valley et les clochards bien amochés.
Tout le monde veut devenir Bill Gates
La Silicon Valley, c’est le QG des rois de l’informatique et des technopôles en tout genre. Si tu n’as pas encore mouillé ta touche contrôle+shift, laisse-moi te citer quelques noms. Twitter, Facebook, Google, Microsoft, Apple, Pinterest : bref, que des mecs avec qui tu joues pas au Scrabble. Alors forcément, si ton métier ou ta boîte est un peu branché informatique, il y a de fortes chances pour qu’on te propose un jour un poste là-bas. Ou que tu aies envie d’y tremper tes pieds aux ongles vernis.
Et la probabilité pour que tu finisses comme le petit frère de Crésus n’est plutôt pas mal non plus. Si bosser pour l’une des plus grandes entreprises mondiales te blase un peu, la Silicon Valley et la ville de San Francisco regroupent aussi tout un tas de starts-ups, ces jeunes entreprises qui démarrent dans la vie avec des levées de fonds et les mimines surmotivées de leurs créateurs.
La technologie à San Francisco, c’est comme la peste bubonique : même si tu n’es pas dans le milieu, tu connais forcément quelqu’un qui connaît quelqu’un qui.
Le quidam moyen possède au minimum un iPhone, et guette l’arrivée des nouvelles applications avec une frénésie que la France ne connaît pas encore.
D’ailleurs, toute la ville semble sponsorisée par Apple : les gens dégainent leur iPad dans les transports en commun aussi tranquillement que s’il s’agissait d’un paquet de Pringles. Cette proximité avec la vallée n’a pas que des avantages. Niveau loyer, San Francisco est la ville la plus chère des États-Unis, elle est même dans le top 10 des plus ruineuses du monde. Une simple chambre en sous-location coûte plus cher qu’un 20m2 à Paris. Et oui, vivre dans la même région que Mark Zuckerberg, c’est plus compliqué que de jouer à Candy Crush.
Misère, misère
Du coup, elle est pas donné à tout l’monde, la chance d’avoir la belle vie. Les clochards et autres toxicomanes sont légion dans la ville. Dans le Civic center, le quartier central qui est aussi celui des affaires, les SDF campent dans le métro et devant les hôtels de luxe. Ça n’a pas l’air de choquer plus que ça le promeneur moyen.
Et quand je te parle de SDF, ceux du Canal Saint-Martin ont l’air de sentir le Monsieur Propre à côté de ceux de San Francisco. Le top de la misère humaine, drogue, alcool, prostitution et maladie mentale, est concentré dans le triangle du quartier du Tenderloin. Alors que je me promenais innocemment et de nuit avec des connaissances, c’est un clochard lui-même (qui avait sans doute repéré notre accent frenchy) qui nous a déconseillé de dépasser certaines rues. En pleine journée, tu peux t’y balader, mais ce n’est pas exactement le Club Med.
Si la pauvreté semble si présente à San Francisco, c’est d’abord parce qu’elle est visible. Tout ça, ce serait un peu la faute de Ronald Reagan. Sous sa gouvernance, les aides sociales et notamment les aides au logement ont été réduites en Californie, d’où la migration d’une partie de la population dans des cartons.
Son gouvernement a aussi fermé les institutions qui s’occupaient des malades mentaux légers, qui se promènent désormais en liberté. Pas de panique Janique, ils sont la plupart du temps inoffensifs. Et San Francisco est plutôt plus cool que la plupart des autres villes de Californie, puisqu’elle ne rejette pas les sans-abris et organise même des soupes populaires.
Comme dans le reste des États-Unis, mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade. Le système de santé est ainsi fait que l’équivalent de notre Sécu pleine de trous n’est pas ou peu efficace. Les frais d’hôpitaux coûtent l’épiderme de tes fesses, du coup, beaucoup de gens attendent avant de se faire opérer ou s’auto-médicamentent.
Bref, à San Francisco, tout n’est pas rose à paillettes. Mais tout n’est pas noir non plus. Les gens qui habitent la maison bleue sur la colline sont heureux, même si leur vie, c’est pas de la tarte aux noix de pécans. Et la plupart d’entre eux n’iraient vivre ailleurs pour rien au monde.
La semaine prochaine, rendez-vous pour une carte postale de San Francisco 100% pièges à touristes, dans laquelle les clichés seront mis face à la réalité (une conclusion digne de Bernard de la Villardière).
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Les Commentaires
Bon si j'ai bien compris faut au moins tabler sur un salaire de 2000 et qqes $