Le Népal est connu essentiellement pour ses montagnes. Un trek dans l’Himalaya est la principale raison pour laquelle les touristes visitent le pays, et on imagine mal au pied du toit du monde une jungle luxuriante abritant des animaux sauvages.
Et pourtant…
Le Népal
Le Népal est un petit pays d’environ 800 km de long sur 200 de large, coincé entre l’Inde et la Chine. Il faut savoir que du Nord au Sud, on passe du niveau de la mer au sommet de l’Everest ! Autant dire un sacré dénivelé…
Au Nord, il y a la chaîne himalayenne bien sûr, que tout le monde connaît. Au centre, un plateau d’altitude intermédiaire, où se trouve entre autres la capitale Katmandou (1500m d’altitude). Toute la bande Sud du pays, qui longe la frontière indienne, est appelée Téraï.
Le Téraï est le grenier du Népal. C’est une immense plaine fertile, alimentée en eau toute l’année par de nombreuses rivières et la fonte des neiges himalayennes. C’est la plus grosse zone agricole du pays, mais elle contient également plusieurs parc nationaux, dont le parc de Bardia, à l’ouest du pays.
968 km² de jungle, de brousse et de rivières… Bardia, c’est un coin de paradis tropical, secret et sauvage. Secret parce qu’inaccessible : si vous n’avez pas le budget pour vous offrir l’avion depuis Katmandou (185 $, soit 135 € !) puis les deux heures de jeep (100$, donc 73€) pour y accéder, il vous faudra faire quinze heures de bus de nuit depuis la capitale. Vous avez une idée de l’état des routes népalaises ? Ce n’est pas vraiment le confort de l’A7…
Mais le trajet et le mal de dos qu’on récolte valent le coup, croyez-moi. Quand on sort du bus, on est moulu, certes, mais on pose le pied sur une autre planète… Car Bardia est différente (oui, dans ma tête cette terre fantastique est féminine) de tout ce que vous avez connu.
Bardia : le Paradis sur Terre
Il est impossible de loger dans le parc. Une vingtaine d’hôtels peuvent vous accueillir dans les quelques villages qui bordent la réserve, notamment Thakurdwara, le village d’où je vous écris.
Une ferme Tharu traditionnelle : une structure en bambou, des murs enduits de terre et de bouse de vache, et un toit de tuiles (ou de paille).
Le climat est presque tropical ici. Pour vous donner une idée, au mois de février, je me suis lavée dans la rivière. Mi-mai, il fait entre 35 et 40°C à l’ombre. Les marches en jungle deviennent plus sportives par cette chaleur.
Car oui, on peut se payer un petit safari à pied pour 20 ou 30€ ! On part à pied avec un guide, seulement armé d’un bâton, pour aller regarder la vie sauvage droit dans les yeux. Et quand je dis sauvage…
Depuis trois mois j’ai vu des pythons géants, des rhinocéros, des éléphants sauvages, des crocodiles, des gavials, des loutres, des mangoustes, des daims et des cerfs, des singes, des centaines d’oiseaux (dont certains assez fabuleux) et, last but not least, des tigres du Bengale ! Eh oui, des tigres en liberté, dans une des réserves les plus protégées du monde.
La première tigresse, enfin aperçue après une heure de traque haletante !
On y trouve aussi des renards, des porcs-épics, des léopards, et le très rare dauphin du Gange — même si je n’ai pas eu la chance de croiser ces espèces. Ce n’est pas pour rien que Bardia a été surnommée « a gift to the earth » (« un cadeau à la Terre »).
- 100 éléphants
- 30 rhinocéros
- 50 tigres de plus d’un an et demi
- 400 oiseaux
La jungle, les animaux et moi
Si on a la flemme de marcher, on peut faire un safari à dos d’éléphant, en Jeep, ou encore descendre la rivière en raft (très bien pour l’observation d’oiseaux). Mais je trouve que rien ne vaut la marche à pied. Être seule face à la nature, entendre tous les bruits de la jungle, en sentir tous les parfums… et savoir qu’à tout moment on peut tomber sur un gros animal sauvage (ce qui m’est arrivé deux fois : un rhino et un éléphant), rien n’est comparable à ça.
La femme sauvage en toi a soudain envie de sortir et de rugir, puis de tuer un cerf avec les dents pour le dévorer (nan je déconne, c’est trop mignon les cerfs).
Des cerfs axis viennent s’abreuver dans la rivière.
Plus sérieusement, on retrouve des instincts enfouis profondément, on se sent plus alerte, on réapprend à être silencieux et on entend mieux chaque son. Comme si tout à coup on passait en mode « sauvage ».
Bon, ça a aussi ses revers : il y a les moustiques acharnés, les sangsues, les tiques, les serpents venimeux… L’aventure demande un peu de préparation, une bonne pharmacie et un caractère parfois en acier trempé ! Lorsque j’ai hébergé une tique dans mon oreille gauche durant quatre jours, j’ai trouvé ça tout à coup beaucoup moins cool, la jungle.
L’incroyable diversité du parc est due essentiellement à son isolement. En effet, contrairement à Chitwan, l’autre grand parc tropical du Népal, il est si difficile d’accès qu’il échappe pour l’instant au tourisme de masse. Et ce n’est pas plus mal, car les animaux y vivent du coup dans un environnement quasi-intact. Et vu la vitesse de développement dans ce pays ultra-corrompu, ce n’est pas près de changer !
Un pont de singe de la réserve. Un ami guide l’a décrit comme un exemple fameux de « local engineering ».
Espèces protégés et difficultés sociales
Comme tout parc national, Bardia est financé principalement par l’état népalais. Trois entités se partagent la gestion :
- Le National Park Headquarter, sous la direction du « Chief warden » . Le Chief warden est la plus haute autorité, c’est le chef des rangers, et le Headquarter prend toutes les décisions administratives concernant le parc.
- L’armée népalaise, sous les ordres du Chief warden. Les soldats sont là pour faire régner l’ordre, par la force s’il le faut ! Ils s’occupent notamment des patrouilles anti-braconnage avec les rangers. Et heureusement, parce que ces derniers ne sont pas armés !
- Le National Trust for Nature Conservation. C’est une organisation à but non-lucratif, qui s’occupe des missions scientifiques (comme compter les animaux par exemple), mais aussi de lancer des alertes en cas de problème avec la réserve, ou encore de communiquer auprès des locaux.
Car bien sûr, la cohabitation entre les habitants du Téraï et le parc national n’est pas toujours des plus harmonieuse ! Si une bonne partie des habitants des villages bordant Bardia a une activité directement liée au parc (ranger, administratif, guide de jungle, hôtelier…), ce n’est pas le cas de tout le monde.
Et ce n’est pas forcément évident de faire comprendre à un paysan l’utilité de garder en vie des animaux qui mangent ses récoltes, voire qui peuvent tuer ses enfants — les attaques ne sont pas rares, et devinez quel est l’animal le plus dangereux ? L’éléphant. Il vient dans les villages pour dévorer les récoltes, et piétiner quelques maisons au passage.
Une éléphante utilisée pour les safaris en forêt. À noter que ce sont toujours des femelles, par sécurité : on ne peut pas savoir comment réagirait un éléphant domestique mâle qui se retrouverait face à un éléphant sauvage mâle!
Et comment expliquer à des Népalais qui vivent au bord de l’extrême pauvreté qu’on ne peut pas pêcher dans la réserve, ni chasser, ni récolter des plantes et même pas ramasser le bois mort ? Et que gagner 5000€ (une fortune au Népal, où le salaire minimum est de 45€) en abattant un tigre, c’est mal ?
Pour éviter les conflits, on a créé la zone-tampon : c’est une zone autour du parc national qui bénéficie des retombées économiques du parc, via notamment le travail du NTNC.
La protection des animaux, c’est aussi de la politique et de la diplomatie. Mais tout cela porte ses fruits : les populations sauvages augmentent chaque année, et pour la première fois, il n’y a pas eu de braconnage avéré de l’année !
Les crocodiles ont la belle vie ici, ils n’ont qu’à manger et… dormir au soleil.
Entre la durée du voyage, la chaleur, les vilaines bébêtes, Bardia se mérite. Mais elle vaut vraiment le coup qu’on se donne la peine de la découvrir. Avis aux MadmoiZelles Jones : l’aventure sauvage vous attend !
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