En Israël on ne dit pas « Ah mince je peux pas venir, j’ai piscine ! », mais plutôt « Ah mince, je peux pas venir j’ai Ulpan ». Ulp-quoi ? L’Ulpan (« studio » en hébreu), c’est le nom des écoles d’hébreu disséminées dans tout le pays pour apprendre aux nouveaux immigrants et autres expatriés les subtilités de la langue hébraïque. Plus qu’un simple cours de langue, l’Ulpan c’est une véritable institution !
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Une vieille institution
Les Ulpans sont aussi vieux que l’État d’Israël lui-même. Le premier, le plus réputé, est l’Ulpan Etzion à Jérusalem, ouvert en 1949. Il s’agissait à l’époque, en plus d’enseigner la langue, de faciliter l’intégration des populations juives européennes arrivant en masse à la culture moyenne-orientale, au travers des différentes leçons.
Aujourd’hui, ce sont principalement les Kibbutz, les municipalités et les universités qui proposent des Ulpans. On estime qu’un peu plus d’un million de personnes sont passés par les bancs de l’Ulpan depuis leur création, et ce chiffre ne cesse d’augmenter étant donné qu’à part les cours particuliers, l’Ulpan est ta seule option si tu veux apprendre l’hébreu.
Bien que l’anglais soit largement parlé en Israël, une large portion d’étrangers ou nouveaux immigrants veulent apprendre l’hébreu : pour aller à l’université, pour trouver du boulot, pour comprendre belle-maman, et simplement pour mieux s’intégrer.
Ce fut aussi mon cas : après près d’une année passée à baragouiner cinq mots d’hébreu, j’ai voulu me jeter dans le grand bain, et j’ai franchi les portes d’un petit Ulpan de quartier à Tel Aviv.
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L’Ulpan et ses élèves
Alors, à quoi ça ressemble concrètement un Ulpan ? En apparence, au cher lycée de ta jeunesse, à la différence près que tes camarades vont du nouvel immigrant tout frais à la mamie qui vient finir ses vieux jours en Israël, en passant par le diplomate autrichien et la nanny philippine.
En fait, une classe d’Ulpan, c’est comme un concentré de la société israélienne. Nul besoin de préciser qu’un tel cocktail te fournira des anecdotes sympas pour les cinq prochaines années à venir ! À titre d’exemples, dans ma classe, il y a des nouveaux immigrants qui viennent de finir la fac, d’autres de l’âge de nos parents voire de nos grands-parents (principalement des Français), un couple de Suédois venus en Israël pour cause de mémoire de master, une Vénézuélienne, un Argentin, des Américains et des Canadiens en stage, un diplomate allemand, des Érythréens, des Russes, une fille de Géorgie..
Entre celui qui veut montrer que lui, il travaille en plus de son côté (oui, l’énervant, là), les Françaises qui lâchent toutes les cinq minutes un bruyant « JE COMPRENDS PAAAAS », la pauvre grand-mère avec son porte-plume qui a du mal à suivre, les Américains qui ne peuvent survivre sans leur demi-litre de café, les russes qui arrivent à chaque cours comme si c’était la fashion week, ceux qui deviennent tes meilleurs amis à la première pause et ceux qui restent dans leur coin, chaque cours est une source infinie d’émerveillement.
Chacun arrive en classe avec sa propre histoire et ses propres motivations, mais nous sommes tous soumis à deux règles immuables :
- Ici tu ne parleras point ta langue maternelle, ni même anglais, mais seulement et uniquement hébreu.
- Tu souffriras, comme chaque personne avant toi, du traumatisme de garder en tête pour un million d’années (au moins) l’air de la chanson sur l’aleph bet (alphabet).
Une méthode particulière en immersion
Passons outre cette épreuve musicale pour nous consacrer sur la méthodologie de l’Ulpan. Beaucoup la critiquent (au point que la Knesset, le Parlement israélien, s’est emparé de la question), et ont l’impression de ne pas apprendre assez rapidement car ils ne sortent pas bilingues à la fin de leur programme, mais je trouve personnellement que l’Ulpan est une très bonne école.
Les classes sont divisées en différents niveaux : Aleph (débutant), Aleph + (intermédiaire), Bet (avancé) et ainsi de suite. Elles peuvent être intensives, avec cinq fois 5h de cours par semaine, ou « normales », avec trois fois 3h15 de cours par semaine, souvent le soir. J’ai choisi la formule « normale ».
Et donc même en partant de la base de la base, c’est-à-dire apprendre les lettres, le professeur fera tout ce qui est humainement possible pour ne parler qu’en hébreu.
Alors au début c’est assez drôle, on se découvre un vrai talent pour le langage des signes, mais c’est à mon sens une composante essentielle du succès de l’Ulpan. Il est facile au quotidien de céder à la facilité et de parler anglais à tout le monde, mais avec l’Ulpan, tu sais qu’en arrivant, tu devras te forcer à ne parler qu’hébreu pendant trois ou cinq heures, et ça fait toute la différence.
À l’université en France, j’ai étudié le turc pendant deux ans suivant la méthodologie classique des cours de langue qu’on connaît : il y avait beaucoup de grammaire, de conjugaison et peu de pratique orale. Je constate que je parle mieux hébreu après un mois à l’Ulpan qu’après deux ans de cours de turc !
Les leçons sont plus intuitives, la grammaire réduite à ce qui est essentiel pour débuter et être capable de communiquer rapidement, et surtout, chaque cours commence par dix à quinze minutes de conversation où on rabâche inlassablement ce qu’on a appris pendant les cours différents, jusqu’à ce que ça soit gravé dans nos têtes.
Alors, bien sûr, le ressenti dépend des gens, de leur capacité à apprendre une langue, de l’Ulpan (plus il est grand, plus les classes sont grandes et moins on parle) et du prof. De plus, à moins d’être très studieux, on ne peut pas ressortir complètement bilingue après un premier Ulpan. Mais je peux vous assurer qu’on ne perd pas son temps à y aller !
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Et alors, combien ça coûte ? C’est généralement gratuit pour les nouveaux immigrants et payant pour les autres expatriés. Pour ma part, j’en ai eu pour environ 450€ tout compris (soit trois mois de cours, les frais d’inscription et le manuel), ce qui revient à quelques euros seulement l’heure — plutôt raisonnable, non ?
Le manuel !
Last but not least, l’Ulpan, en plus d’apprendre une langue rare (ce qui vous confère un niveau de coolitude certain en société quand vous pouvez dire « Ah oui je peux lire ça, aucun problème »), et de permettre de mieux s’intégrer aux locaux (on le sent bien au niveau des prix de la course de taxi et du kilo de tomate au marché), c’est aussi l’occasion de rencontrer des gens du monde entier !
! לכולם נשיקות (Bisous à toutes !)
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