Au collège nous possédions peu mais nous avions beaucoup : des amis, des racines grasses, un pot de Nutella bien au chaud dans un placard et un best-of de Killerpilz.
Ainsi qu’un dictionnaire de poche franco-allemand.
Pourtant, pour être respectée par nos pairs (et notamment par nos doyens, les honorés troisième), nous devions obligatoirement détenir quelques objets dans notre trousseau. Ce week-end, au détour de quelques cartons au fond du garage, j’ai retrouvé l’un d’entre eux. Ce week-end j’ai mis la main sur mon cartable du collège !
Laisse moi te dire qu’il m’a fallu un bon shot d’auto-dérision pour sortir digne d’une telle épreuve. Ça tombe bien, j’en ai des kilos à revendre. Prépare tes zygomatiques et ta mémoires : analysons cette noble relique de plus près !
Chacun son sac, chacun son chemin
Dans la cour, cette immense jungle sans foi ni loi, il existait plusieurs écoles. Chacun était libre de faire son choix et d’en accepter les conséquences plus ou moins lourdes.
Les plus téméraires d’entres nous avaient un cartables à roulettes (leurs parents se chargeaient de prendre cette décision). Pourtant pratique, quand on passe la journée à traîner seize kilos de bouquins, ce type de sac n’avait rien d’envieux. En gros, avec lui, ton échelle sociale était proche du néant. Ta seule interaction avec « les gens cools » était celle qui consistait à te faire soulever de quelques centimètre du sol sous une bacchanale de rires gras. Difficile de tenir le coup après ça.
C’est ainsi que mon cartable DDP flambant neuf, acheté chez un maroquinier du centre-ville, ne s’est plus jamais montré en société après ma première semaine de 6ème3. Je suis passée dans le camp des sacs à dos qui en jetaient. Ils étaient griffés Kappa, Lotto, Chipie, Rivaldi, Nike (en total look, avec les Total 90) ou encore, le Saint Graal désiré de tous… Eastpak.
Pour d’autres encore, le sac du collège se portait à l’épaule. Mais bon, je parle ici des meilleures d’entre nous : de celles qui avaient eu un autographe de Willy Denzey à la foire de Saint-Dizier.
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De l’ultra-personnalisation… à la névrose assumée
À l’adolescence tu étais en pleine découverte de toi et de ta personnalité. Il te fallait donc l’exprimer de manière simple et compréhensible pour tes pairs. Personnaliser ton cartable n’était pas une option, mais une obligation. S’il était flambant neuf, c’était louche : soit tu étais seule au fond de la classe, soit ton sac avait moins d’un mois. Or, tu devais tout faire pour laisser penser que le swag s’était emparé de toi depuis le CE2 !
Un touchant cri du coeur à Henri Salvador.
Il fallait que ton sac ait une âme, un vécu. Il devait être un parchemin sur lequel se déroulaient tes victoires et tes défaites. Du coup, tu embauchais tou•te•s tes meilleur•e•s ami•e•s en guise de scribes. Chacun•e y allait de sa dédicace, de son URL Skyblog ou de sa référence très (trop) précise au dernier épisode de Degrassi. Ton sac était ainsi transformé en en manuscrit déchiffrable uniquement par trois personnes. Une sorte de talisman, bénissant toute la journée au blanc-correcteur le bas de tes reins !
Car oui, une technique ancestrale permet d’évaluer ta popularité en mesurant la longueur de tes bretelles. À sac bas, respect de Roi. À dos préservé, reste enfermé•e dans les vécés.
Le combo Tokio Hotel/pics en acier (hommage poignant à la coupe de Benji Madden), également du plus bel effet sur une casquette Goéland.
Protège-cahier et sanctuaire à manuscrits
Tirons maintenant délicatement sur la fermeture éclair et découvrons son intérieur.
S’offrent à ta vue, en premier lieu, des dizaines de cahiers de tailles et d’aspects différents. L’un d’eux est corné et ressemble à une vieille serpillère : c’est un cahier de brouillon. Il était fort utile pour écrire des mots à base de « Tu prends le bus avec moi mercredi ? », servait d’anti-sèche pour les tables de multiplication et de matière première à boulettes de papier.
À toi, mon fidèle compagnon de besogne. (source image)
Au contraire, le cahier de musique, lui, est aussi neuf qu’au premier jour. Pour cause : tu l’oubliais deux fois sur trois. Il y avait aussi ces profs qui exigeaient un protège-cahier vert sapin (ni pomme, ni émeraude) pour leur matière. Les relous.
Continuons : celui qui prend toute la place, épais comme les Pensées de Pascal et un peu dégoulinant, c’est ton cahier d’art plastique. La prof permettait de coller des trucs dedans, du coup il ressemble à un classeur Panini (spécial StarAc’, promotion numéro 2). Ton sac se souvient d’ailleurs de ton potentiel artistique : tu as transformé son fond en oeuvre d’art abstraite à base de gouache pas sèche, de paillettes mal collées et de stylos balancés avec agacement à la sonnerie (tu n’avais pas eu le temps de finir ton schéma de techno sur les emballages en carton). Ta pochette cartonnée, elle aussi, renfermait des secrets inavouables (de la convoc’ pour la photo de classe au cours de géométrie de la voisine, en passant par un acrostiche enflammé écrit en salle de perm’).
Dans les profondeurs de ta besace, toujours, il y avait sûrement un sanctuaire de petits papiers et de trucs ramassés dans la cour. Ma grande passion à l’époque, c’était de jouer au cadavre exquis avec mes pines-co pendant les heures de CDI obligatoires. Il s’agit d’une occupation qui consiste à commencer une phrase sur un papier et le plier afin de ne laisser visible que le dernier mot ; on fait passer à la voisine qui fait pareil et ainsi de suite. Forcément, l’histoire à la fin est digne d’un épisode d’Adventure Time sous acide. Bien évidemment, je gardais précieusement ces manuscrits, chiffonnés dans la petite poche de devant de mon bon vieux Roxy.
Rendons gloire au sac du collège, ce fidèle ami qui jamais ne te laissait tomber pour manger plus tôt à la cantine, t’attendait en sortant de cours et partageait toujours ton vestiaire de piscine. J’aimerais que, tou•te•s ensemble, nous ayons une pensée pour cet acolyte en polyamide, tour à tour réceptacle, oreiller ou pouf mobile…
Bravo d’avoir résisté aux coups de marqueurs, aux compas baladeurs et à toutes ces fois où tu as vu le bitume d’un peu trop près.
À toi, cartable, merci pour ces glorieux moments.
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