[Mise à jour du 7 février 2024 à 16h40]
Elle ne peut plus se taire. Alors que la CIIVISE 2 a annoncé lundi 5 février sa nouvelle feuille de route et dévoilé sa composition, une jeune femme de 25 ans, Louison*, a annoncé porter plainte contre la vice-présidente de l’instance, la pédiatre et légiste Caroline Rey-Salmon.
Dans un témoignage publié sur son compte Instagram, puis sur Franceinfo, la jeune femme accuse Caroline Rey-Salmon de l’avoir agressée sexuellement lors d’un examen gynécologique réalisé en juin 2020 à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, à Paris, dans le cadre d’une enquête judiciaire pour inceste.
La jeune femme raconte à Franceinfo que c’est dans le cadre de cette procédure qu’elle aurait été orientée par la brigade de protection des mineurs (BPM) vers Caroline Rey-Salmon pour qu’elle réalise une expertise psychologique.
« J’ai été victime d’une nouvelle agression sexuelle durant l’expertise », assure Louison, qui raconte qu’à l’issue de l’auscultation, l’experte légale lui aurait déclaré qu’elle « se trompait », qu’elle « n’avait pas pu subir de viol vaginal parce que son hymen n’était pas déchiré ».
Selon Louison, c’est à ce moment-là que l’examen a dérapé :
« Elle a posé ses doigts sur mon sexe, elle m’a dit : ‘Fermez les yeux, imaginez que là c’est le pénis de l’agresseur qui est sur vous. Est-ce que vous ne pensez pas qu’il faisait plutôt ce geste-là ?’ […] Elle a fait à plusieurs reprises le geste de va-et-vient sur mon sexe », rapporte-t-elle à Franceinfo. « Moi je répétais ‘je ne sais plus, je ne sais plus’. Elle [Caroline Rey-Salmon] disait : ‘Si si, fermez les yeux, souvenez-vous, remettez-vous dans la scène.’ »
Caroline Rey-Salmon conteste les faits… malgré un article décrivant de telles pratiques
Traumatisée par cet examen, la jeune femme n’avait pas porté plainte au moment des faits car elle était déjà dans une démarche de dépôt de plainte pour des faits de viol subis lorsqu’elle était enfant. C’est la récente nomination de Caroline Rey-Salmon à la vice-présidence de la CIIVISE qui aurait motivé Louison à finalement déposer plainte.
« Être à la tête de la CIIVISE dont le but est justement de lutter contre les violences sexuelles et de protéger les enfants, je n’ai pas du tout confiance. J’ai l’impression encore une fois que la société se moque de moi. »
Contactée par nos confrères de Franceinfo, Caroline Rey Salmon conteste les faits qui lui sont reprochés. Mais, comme le révèle le site d’information, l’experte judiciaire a publié en 2018 un article dans la revue spécialisée Les Cahiers de la Justice dans lequel elle semble valider la méthode d’examen décrite par la plaignante :
« Les enfants méconnaissent leur anatomie génitale […] et n’ont pas les mots pour décrire ce qu’ils ont subi. C’est tout l’intérêt de faire avec l’enfant sur la table d’examen une sorte de reconstitution des gestes de l’agresseur et de recueillir ses sensations pour être au plus près du déroulement des faits. »
Caroline Rey-Salmon, article « Les violences sexuelles sur mineurs : diagnostic médical, constats et perspectives » dans la revue Les Cahiers de la Justice.
Une pratique qu’aucun autre pédiatre légiste ou psychiatre expert auprès des tribunaux n’a validé scientifiquement.
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Une mise en retrait « totale » de Caroline Rey-Salmon
Suite à la plainte dont elle fait l’objet, Caroline Rey-Salmon a confirmé au Parisien qu’elle se mettait en retrait « pour un temps » de la vice-présidence de la CIIVISE. «Je souhaite que notre commission puisse travailler sereinement », a-t-elle écrit dans un message WhatsApp que le quotidien a pu consulter.
La CIIVISE a confirmé dans un communiqué de presse publié dans l’après-midi ce « retrait total des travaux de la commission pendant tout le temps de l’enquête ».
« Ce retrait est indispensable à la sérénité des travaux de la commission. Les personnes victimes ainsi que les personnes qui les représentent doivent pouvoir conserver leur entière confiance dans la commission. »
Cette décision tranche avec les propos tenus par Sébastien Boueilh la veille. Invité mardi 6 février sur le plateau de l’émission « Quotidien » sur TMC, le nouveau président de la CIIVISE avait alors assuré soutenir sa vice-présidente. « Si la victime a porté plainte tant mieux, je pense que Caroline le fera aussi et la justice tranchera », a-t-il déclaré.
De son côté, l’association Mouv’Enfants, co-fondée par l’ex-membre de la CIIVISE 1 Arnaud Gallais, avait préféré apporter son soutien à la victime présumée de Caroline Rey-Salmon et réclamé « la mise en retrait » de cette dernière. Une pétition a été lancée dans la foulée en ce sens.
« Comment garantir que la Commission Indépendante sur l’Inceste et les violences sexuelles faites aux enfants soit un espace sécurisé pour les victimes de violences sexuelles dans leur enfance, si la vice-présidente est inquiétée pour de tels faits ? », écrivent ses auteurs de la pétition, qui ajoutent : « Louison, nous vous croyons, nous vous soutenons ! »
* Le prénom a été modifié.
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