Les interventions de nuit ont toujours une saveur particulière. Évidemment, être tiré du lit à 4 heure du matin par une sonnerie stridente, on s’en passerait bien. Mais traverser la ville endormie pour aller au devant du danger et sauver les plus faibles, ça a une certaine magie quand même…
Ah, Fab me dit dans l’oreillette d’arrêter ma poésie de comptoir. Ok, ok. Je me disais juste que comme mon public était féminin maintenant je pouvais bien faire un peu de lyrisme. Mais apparemment non en fait (note de Fab : non non t’as tout pigé :)).
Donc salut à toutes les Mad, je me présente : Le Matou, pompier et très beau gosse (NDFab : et modeste), pour vous servir… On va se retrouver régulièrement vous et moi, et ce sera vraiment chaud. Hum, bref, puisque le taulier veut du témoignage et pas des alexandrins je m’exécute.
Avoir pour seule indication sur la feuille d’intervention « Genou », ce n’est pas tous les jours que ça arrive et encore moins à 4 heures du matin. Une fois devant l’adresse indiquée on hésite quelques instants, il y a visiblement une soirée à l’intérieur. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Une jeune femme nous ouvre, visiblement gênée. Derrière elle, un mec hilare et éméché filme notre arrivée en commentant.
– Ça y est, les pompiers sont là. T’entends Mika ?! On va te sauver mec ! – Heu, c’est ici le « genou » ? je demande. – Oui, oui, répond la fille. Il est dans la chambre, suivez-moi.
Nous traversons le salon en slalomant entre les cadavres de bouteilles. Une petite dizaine de fêtards se dandinent sur Party Rock Anthem en reprenant allègrement le refrain tandis qu’un couple se bécote sur le canapé. Bon, cette histoire de genou ne doit pas être si grave vu la bonne ambiance qui règne ici.
L’excité à la caméra court au-devant de nous.
– Les pompiers sont là ! Les pompiers sont là ! Attends Mika, je filme leur arrivée ! Quelle puissance dramatique, quelle intensité ! C’est pour ta mère Mika ! Pour tes enfants ! Pour la postérité !!! – C’est là, nous dit la fille en s’arrêtant devant la chambre dans laquelle est entré le mec à la caméra.
À l’intérieur de la pièce, un jeune homme allongé nu sur le lit semble souffrir le martyre. Une micro-serviette de bain couvre délicatement son sexe, et son genou gauche a doublé de volume. La caméra tourne, ne ratant rien de notre étonnement et de l’éclat de rire que nous essayons de contenir. « Pardon. Mika, donc. Comment cela vous est-il arrivé ? »
Le mec rougit, la fille rougit. Le caméraman glousse dans son coin.
« En fait Lucie était dessus, et à un moment elle s’est appuyée sur mon genou et j’ai senti que ça se déboîtait. Voilà. Bon Fred, arrête de filmer tu veux ? »
Éclat de rire général parmi les pompiers. Attirés par notre chahut, quelques personnes arrivent du salon pour se joindre à notre petite « contre-soirée ».
– Je serais vous, je m’écarterais. Elle est dangereuse Lulu ! – Vous pouvez prendre une photo avec moi et Mika ? – Ho oui, une photo ! Une photo ! – Heu, j’ai vachement mal quand même, je peux avoir quelque chose pour la douleur ? Je me sens pas bien.
Les mots de la victime nous ramènent sur terre. Je fais rapidement un bilan de son état et je passe un appel d’urgence pour solliciter un Véhicule Léger Infirmier pendant que mon co-équipier éloigne les fêtards en continuant de plaisanter.
« Mademoiselle, je vous demanderais de quitter la chambre également. Nous ne voudrions pas que vous fassiez encore du mal à la victime. » La Lucie en question quitte la pièce toute rouge, alors que mon collègue « oublie » de faire sortir le caméraman.
J’essaie de rester pro en rassurant le mec sur le lit.
– Une infirmière va arriver dans une quinzaine de minutes. Elle vous administrera des calmants avec l’aval du médecin qu’elle appellera. Si c’est possible elle remettra votre genou en place, puis nous vous transporterons à l’hôpital. – Une infirmière ? Mais je suis à poil ! – Heu, on peut vous rhabiller un peu si vous voulez…
Mon co-équipier ramasse le slip qui traînait par terre et me le tend. « C’est toi qui a proposé de l’aider, hein. Pas moi. »
Épilogue
Habiller un homme nu est une expérience assez unique, mais je m’en serais bien passé quand même. Enfin, je me console en me disant que ça fait une belle histoire à raconter au comptoir… Je vous paie un coup les filles ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Que de rires tes histoires de pompier, elles ont égayé ma journée du mardi, tiens :-)
Lectrice depuis peu, je viens juste donner mon avis pour dévoiler ou non ton identité, surtout pas!!!! Dans le soucis d'éviter un affolement général (à la justin), bien entendu ;-)
Bonne continuation Le Matou.