Publié le 13 octobre 2016
Mise à jour du 3 octobre 2018
Voilà deux ans que ma mère a dû faire face au cancer du sein, et je vous le dis dès à présent : tout va bien.
Mais, comme en octobre, c’est la mobilisation Octobre Rose et qu’on parle beaucoup de cette maladie, j’ai voulu vous repartager ce texte que j’avais écrit à l’époque, avec une mise à jour.
Ma mère va bien. Même après l’opération, jamais je n’ai eu l’impression qu’elle se laissait abattre par le fait d’avoir abandonné un sein. Au contraire, elle a été super positive, sans pour autant être dans le déni.
Je lui ai demandé de me montrer sa cicatrice, qui m’a beaucoup impressionnée. Elle a désormais fait place à une nouvelle poitrine.
Il a fallu apprivoiser ce nouveau sein, celui qui ne frissonne plus, mais qui permet à ma mère de se sentir à nouveau complète. Elle est à présent tirée d’affaire, et continuera à être suivie tout au long des années. Je garde un souvenir lointain de ce moment, comme s’il avait été vécu par quelqu’un d’autre. Donc ne vous inquiétez pas, cette histoire finit bien !
Ma mère a plus de 50 ans. Comme toutes les femmes de cet âge en France, elle a accès, gratuitement, à un dépistage tous les deux ans. Cette année, elle a appris qu’elle avait un cancer. Un tout petit cancer de 4 mm.
Encaisser le coup après le diagnostic du cancer du sein
Je ne savais pas trop comment j’allais réagir après son annonce mais une chose était évidente pour moi, j’allais me transformer en véritable fontaine de larmes et de morve.
Parce que je pleure devant tout ce qui me touche et ce, quel qu’en soit le degré d’importance : c’est ma manière d’être, d’exprimer mes émotions.
Pourtant, là, rien.
C’est comme si mes glandes lacrymales s’étaient dit « Francisse [c’est moi], déconne pas ! On ferme les vannes, pas le temps de s’apitoyer ! ». Sur le coup j’avais peur d’être dans le déni : est-ce que je me rendais compte de ce qu’il se passait ?
Dans les faits, oui, mais je me suis dit que ça n’allait pas aider ma mère d’entendre sa fille mal et triste, et qu’il fallait que je reste impassible. Et puis j’ai essayé de la rassurer à base de : le cancer a été repéré tôt, ça se soigne de mieux en mieux… et toute autre info bateau, mais réconfortante.
Je crois que c’est ce dont elle avait besoin. De quelqu’un qui ne la voit pas en train de mourir, qui va lui donner la force de tout défoncer.
La vie continue malgré le cancer du sein
Ma mère habite à presque 3 heures de TGV de chez moi. Du coup, j’alternais entre les coups de fil, les textos surtout à la con, pour lui envoyer une photo d’un bouquet (elle kiffe les fleurs), lui demander des conseils sur la bouffe (du style comment on fait des röstis)… Tout pour qu’elle se sente sollicitée, et surtout pas pour lui demander toutes les 5 minutes comment elle se sentait.
Le but n’était pas de faire comme si de rien n’était mais que la vie continue malgré tout : elle me parlait de ses craintes, de son travail, de ce qu’elle regardait à la télé, c’est devenu un sujet de conversation sans tabou et nécessaire.
Un soir, je lui ai envoyé un MMS avec plein de messages gentils de la part de ma bande de potes. Et puis le lendemain je l’appelle, elle se met à pleurer. Je lui demande ce qu’il se passe et elle me dit :
« Franchement, je ne pensais pas recevoir toutes ces preuves de soutien, d’amour, ces attentions. Je ne m’attendais pas à ce qu’on soit autant là pour moi. »
Ce soutien, il se faisait aussi entre nous : ma tante (la petite sœur de ma mère), ma grande sœur et moi, on s’est serré les coudes de ouf. C’était aussi un moyen de soulager ma mère, de la rassurer car on veillait les unes sur les autres.
Parler, parler, parler du cancer du sein
Le meilleur conseil qu’on m’ait donné (coucou Fab) c’est juste de parler. À mes potes, à ma famille, à mes collègues (je vous aime la team Madmoizelle) et au boulanger (non j’abuse). Ma mère a suivi exactement la même recommandation : elle a pu discuter avec une ancienne collègue qui a traversé la maladie également, il y a dix ans, et a eu le recul nécessaire pour lui donner des conseils.
Avec ma grande sœur, on s’écrivait nos coups de mou et nos crises de larmes, pour se moquer gentiment l’une de l’autre mais aussi pour se faire cette petite tape virtuelle dans le dos qui nous dit que ça ira.
Dédramatiser le cancer du sein et en rire
Ce n’est pas hyper évident de dédramatiser, parce que j’ai eu peur que ma mère et mon entourage pensent que je minimisais la maladie alors que non, je lui fais juste un bon GROS DOIGT.
Les blagues sont lourdes ? On s’en fout, pour moi l’essentiel était de s’approprier le cancer et d’en rire, comme quand des monstres de dessins animés sont tournés en ridicule et qu’ils finissent par perdre toute crédibilité en tant que méchant, justement.
On a eu des vannes dans tous les sens, concernant le fait d’avoir un sein en moins, la reconstruction à base de graisse proposée par ma tante et ses prétendus kilos en trop (Tata, tu es parfaite telle que tu es), un futur soutien-gorge avec inscrit « Sold out » sur un des bonnets et j’en passe… Ma mère en rit beaucoup.
Accepter l’opération : l’ablation du sein
Le plus dur pour moi a été d’accepter que ma mère, qui me soigne depuis toute petite, puisse être malade et fragile elle aussi. Vous savez ce qui est le plus perturbant ?
C’est que ma mère a une vision assez mécanique de son corps : si une pièce ne fonctionne plus, on l’enlève et on la change, du moment qu’elle peut toujours vivre, c’est tout ce qui l’importe. Tout ce qu’elle voulait, c’est extraire cette maladie d’elle. Et c’est ce qu’il s’est passé.
Une fois à l’hôpital, j’ai eu peur de sa réaction face à ce sein qui lui manquait, à sa cicatrice. Et puis je la vois se promener avec son drain et sa bouteille dans un sachet comme si elle allait faire les courses. Me sourire et me dire qu’elle a vu la cicatrice et qu’elle l’a déjà adoptée.
Je lui ai demandé comment elle faisait pour être aussi zen et positive, elle m’a répondu : « c’est l’âge ». Si à son âge je suis à moitié aussi zen qu’elle, j’aurai vraiment réussi ma vie !
On attend encore d’autres résultats, afin de savoir comment ça se passe pour la suite. Ma mère nous voit, ma sœur et moi, à fleur de peau. Et elle s’inquiète pour nous, comme une vieille habitude tenace et rassurante, qui elle, ne l’a pas quittée.
Bordel, ce qu’elle m’impressionne. Une vraie force, cette nana-là.
À lire aussi : Une gynécologue débunke les idées reçues sur le cancer du sein
Crédit photo de Une : Anna Tarazevich / Pexels
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Les Commentaires
J'ai lu avec attention ce beau témoignage d'Elise et il me fait écho car j'ai choisi, pour ma recherche de fin d’étude en psychologie, de faire entendre la voix des personnes dont la mère a eu un cancer du sein pendant leur adolescence.
Je cherche à m'entretenir par téléphone avec des personnes entre 18 et 30 ans ayant vécu le cancer du sein de leur mère lors de leur adolescence. Il me semble important que les adolescents vivant cette période soient entendus et votre témoignage, ou celui d’un de vos proches m’aiderait beaucoup pour mener à bien cette recherche qui me tient à cœur. J'espère ne pas outrepasser les règles du site en parlant de cette recherche mais il me semblait intéressant de vous la partager ici. Si vous avez des questions vous pouvez me contacter en MP