En 2015, Stromae, dans sa chanson Quand c’est, s’adressait au cancer en lui demandant avec angoisse « Qui est le prochain ? Qui est le prochain ? ».
Cette question, vous êtes nombreux•ses à vous la poser.
C’est en tout cas ce que nous dit la Ligue contre le cancer, qui a réalisé une étude sur un panel de jeunes de 15 à 18 ans.
Le verdict : trois adolescent•es sur quatre ont peur du cancer, mais seulement 47 % des jeunes s’estiment relativement bien informés sur cette maladie, qui était la cause de 149 500 décès en France en 2015.
On a voulu savoir comment vous vous situiez vis-à-vis du cancer : quel est votre rapport avec cette maladie ? La possibilité d’être un jour atteint vous a-t-elle fait réfléchir sur votre mode de vie ?
Des madmoiZelles nous racontent leur ressenti face au cancer, et comment cette maladie si quotidienne mais finalement si mal connue a impacté leur vie.
Le cancer, cette maladie « horriblement habituelle »
Ça, c’est Zoé qui nous le dit. Pour elle, c’est le principal facteur qui fait de cette maladie une angoisse :
« On connaît tous quelqu’un qui a, ou qui a eu le cancer. Dans ma famille, par exemple, un certain nombre de personnes ont été touchées. Cancer du col de l’utérus, cancer du sein, cancer de la peau…
Mais le cancer, au final, je ne sais pas réellement ce que c’est. On a déjà essayé de m’expliquer mais j’avoue avoir du mal à comprendre.
Alors je me dis juste que c’est une maladie qui devient très vite mortelle, qui peut être grave, ou handicapante. Je sais aussi que ça arrive à n’importe quel âge malheureusement, enfant, adolescent, comme adulte.
Un nombre considérable de gens en meurent, même si on arrive à prendre certains cancers à temps. »
Effectivement, avec une telle vision de la maladie, difficile d’être serein•e.
Anaïs est bien d’accord : cette peur du cancer, de ce « mal invisible », comme elle l’appelle, lui vient surtout des « trop nombreuses » occurrences de cette maladie dans sa famille (qui compte trois cancers du sein).
Pour Aude, qui est infirmière dans un centre de lutte contre le cancer depuis cinq ans, c’est l’inverse. Cette maladie, c’est plutôt son quotidien.
« Je n’y avais jamais été confrontée avant de démarrer ma carrière, ou alors de très loin, une vague grande tante avait eu un cancer du sein, mais on évitait un peu d’en parler dans ma famille, des fois que ça attirerait le crabe de trop près, peut-être.
Maintenant, je le vois tous les jours. Du coup, j’ai un peu tendance à voir cette maladie partout.
Par exemple, dès que j’ai un peu mal au dos, je m’imagine avec des métastases osseuses, ça exaspère mon mec.
Moi, je stresse quelques minutes, et puis ça va mieux.
Cette proximité avec le cancer me rappelle tous les jours à quel point j’ai été chanceuse, moi et mes proches, d’y avoir échappé pour le moment. »
Comment je gère au quotidien la peur du cancer
Cette peur un peu indistincte, soit on la refoule, comme Aude avant qu’elle ne travaille au contact de la maladie, soit on l’affronte très concrètement en essayant de diminuer significativement le risque d’être atteint du cancer.
« J’ai toujours peur du cancer, mais au moins, je sais que je suis surveillée. »
C’est la solution qu’a choisie Anaïs : déjà, elle fait de réguliers dépistages, car un cancer dépisté plus tôt est toujours plus facile à soigner.
Comme plusieurs femmes de sa famille ont été touchées par un cancer du sein, elle sait qu’elle a potentiellement un risque de l’être aussi :
« J’en parlais dès que j’en pouvais, même si tous les praticiens que j’ai rencontrés ne m’ont pas forcément prise au sérieux.
Mon dernier gynéco est le premier à avoir pris en compte mon angoisse et mon besoin de renseignements.
Il m’a donc demandé de recueillir les infos sur la famille et m’a assuré qu’on étudierait la question, même si de toute façon, aucun examen approfondi ne serait fait avant mes trente-cinq ans.
Déjà, c’était un grand soulagement de voir que j’avais peut-être raison de me poser des questions.
Au rendez-vous suivant, je lui ai apporté les infos que j’avais, et il m’a donc orientée vers un service d’oncogénétique pour lequel j’ai dû remplir un questionnaire.
Quelque temps après, j’ai reçu un courrier m’informant que j’avais des risques standards : dans l’immédiat, je ne craignais donc rien.
Du coup, j’ai toujours un peu peur, mais au moins je sais que je suis surveillée. »
Anaïs fait aussi attention à son mode de vie : elle ne fume pas et est végétarienne.
Un rythme de vie plus sain : une bonne réponse au cancer ?
Camille non plus ne fume pas pour limiter les risques. Elle « mange sainement et de moins en moins de viande » et fait du sport.
Le sport, c’est d’ailleurs la principale réponse de Maëlle, dont le père est atteint d’un cancer depuis ses neuf ans :
« C’est, paradoxalement, sur ma vision du bien-être que la maladie m’a aidée à grandir. Elle a changé ma vision du sport.
Je fais attention à ma santé, parce que je sais que ça aide énormément à la guérison. Je fais donc très régulièrement du sport et je contrôle beaucoup mon alimentation. »
Car chez Maëlle, on ne trouve pas de soda, de gâteaux industriels ou de sauces. Sa famille, qui suit les restrictions alimentaires de son père, a donc toujours eu « un mode de vie très sain ».
Une madmoiZelle qui a souhaité garder l’anonymat, et à qui on a diagnostiqué un cancer de la peau à quinze ans, insiste sur l’importance de se protéger du soleil et d’éviter les risques inutiles.
Dans le viseur, le bronzage aux UV, qui brûle la peau, accélère son vieillissement et est cancérigène, selon la dermatologue Béatrice Lo-Jeanpierre — qui précise d’ailleurs que l’épilation au laser n’est pour le moment pas considérée comme cancérigène.
Pour autant, une alimentation saine, la prévention (en faisant des mammographies régulières et des palpations par un professionnel de santé dès vingt-cinq ans par exemple), faire attention à protéger son corps du soleil ou de la pollution, tout ça ne permet pas d’éviter d’avoir un cancer à coup sûr.
L’importance de l’information autour du cancer
Pour William, traité pour un cancer du cavum à l’âge de huit ans, il est encore plus important d’informer les gens sur le cancer et ses traitements que de faire attention à son mode de vie.
Car c’est en connaissant vraiment les risques, et en dédramatisant aussi la maladie, qu’on devient vraiment efficace lorsqu’on doit l’affronter : on sait à quoi s’attendre et qu’on peut s’en sortir.
Car William nous rappelle que :
« Oui, le cancer est une maladie grave, qui nécessite un traitement lourd et une prise en charge rapide mais ce n’est pas nécessairement mortel ou handicapant, et dans pas mal de cas, on peut vivre normalement après cela. »
Pour lui, le cancer n’est pas une fatalité. Pourtant, à cause de la désinformation, les gens en ont peur, à tel point que William évite depuis longtemps de raconter cet épisode de sa vie, pour ne pas être considéré comme un pestiféré :
« J’ai fini par choisir (au début du collège) de ne jamais parler de ce passage de ma vie aux gens que je rencontre.
Même encore aujourd’hui, j’évite ce sujet et très peu de personnes sont au courant, même certain•es de mes ami•es ne le savent pas. »
La peur du cancer empêche finalement de se concentrer sur la seule chose qui compte vraiment, comme l’explique Aude.
« Ce que je répète en boucle à mes parents (ils ont 65 ans, autant dire qu’ils sont statistiquement dans la pire tranche d’âge, toutes maladies confondues), c’est juste de profiter de leur vie. »
L’étonnante leçon que le cancer m’a donnée
Aude, qui en raison de son travail d’infirmière dans un centre qui soigne le cancer est en contact avec la maladie de façon quotidienne, nous explique ce conseil qu’elle donne à ses parents :
« Tu ris peut-être, ça fait très carpe diem, mais n’empêche que c’est la seule vraie résolution réaliste que j’ai prise.
Manger bio, éviter la viande, faire des semi-marathons et toutes ces notions de prévention, c’est très bien, je suis pour, ça peut diminuer significativement le risque. Mais ça ne l’enlèvera jamais.
J’ai vu des gens en pleine force de l’âge être terrassés par un cancer du pancréas ; j’ai vu des sportifs calculant leurs apports en calories et en protéines, soi-disant en forme, avec un cancer des testicules.
J’ai vu des jeunes de 18 ans amputés à cause de sarcome. »
La réalité de la maladie, qui touche même des personnes qui a priori ne risqueraient rien, a profondément changé le rapport d’Aude avec son quotidien :
« Alors bien sûr, je ne fume pas comme un pompier ; j’évite l’alcool, je mange sainement quand j’ai le temps et j’évite de m’exposer au soleil entre midi et seize heures.
Mais si j’en ai envie, je fume aussi en soirée. Parfois, je mange des kebabs bien gras sans m’inquiéter.
J’aime aller à la plage et, parfois, ça m’arrive d’aller me baigner sans regarder l’heure (mais avec de la crème solaire).
Le cancer, ça peut te prendre la vie n’importe quand, alors en attendant, autant en profiter. »
Pour William, le constat est le même : sa maladie lui a appris qu’il avait de la chance d’être en vie, et aujourd’hui il en profite autant qu’il peut.
« En ce qui concerne les habitudes de consommation, je n’ai jamais touché et ne toucherai jamais à une cigarette, à un joint ou autre.
Cependant, ce n’est pas pour autant que j’évite tout ce qui est supposé cancérigène.
Déjà parce que beaucoup trop de choses sont classées comme potentiellement cancérigènes et ensuite parce que je préfère profiter de ma vie en mangeant de la bonne viande et en buvant de l’alcool (à dose raisonnable, suivant mes envies).
De même pour le soleil, je ne suis pas devenu un vampire pour éviter les UV, mais je fais attention comme beaucoup de personnes à éviter les coups de soleil.
Je n’ai pas développé de comportements particuliers ou excessifs envers ce qui est classé cancérigène mais je fais simplement attention à certains points (ni plus ni moins que la plupart des gens) tant que cela ne me contraint pas dans mes envies. »
Maëlle, dont le papa est atteint du cancer, a retenu de cette proximité avec la maladie que non seulement « il était urgent de vivre, de s’accepter tel•le que l’on est » mais surtout « d’accepter la vie telle qu’elle est ».
Parce que même si on a pas tou•tes la vie de Rihanna, chaque instant reste précieux.
Ce quotidien avec la maladie lui a aussi permis d’accepter « la possibilité de la mort » et lui a appris à « bien mieux gérer » ses émotions ; tout lui paraît « moins grave ».
William a la même impression :
« Impossible de voir le monde comme les autres, quand tu es passé tout proche de la mort.
Par exemple, tu ne comprends pas pourquoi la majorité des gens passent leur temps à s’engueuler, se battre et pleurer pour des détails dont tu ne vois absolument pas l’intérêt.
Toi tu vis ta vie et même si c’est dur, même si ça va pas comme tu veux, t’es en vie et c’est le principal. Alors pourquoi te prendre la tête pour si peu ? »
Camille, qui a perdu deux personnes de sa famille à cause du cancer, renchérit :
« Moi, je pense qu’il faut vivre, profiter de chaque instant et se faire plaisir, car si un jour le cancer pointe le bout de son nez, on pourra nous dire qu’on aura vécu et qu’on est prêt à le combattre de toutes nos forces. »
Beaux pieds de nez à la maladie que tous ces élans de vie qu’elle inspire.
Et vous, que faites-vous pour lutter contre le cancer, ou la peur qu’il entraîne ?
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Les Commentaires
Je me suis demandée si je devais en parler ou pas à mes camarades de classe. Et je comprends la réaction de William de ne plus vouloir en parler autour de lui. J'ai eu la même réaction que lui au début mais quand je suis revenue à une vie "normale" , j'ai eu comme une envie physique d'en parler autour de moi car justement le cancer est trop méconnue. Les gens ont peur parce qu'ils manquent d'informations et parce qu'ils connaissent des gens morts du cancer ou qui souffrent des traitements.
J'ai eu de la chance, en 11 mois j'ai été opéré , j'ai fait peu de chimio et de rayons. Et depuis août 2014 je n'ai plus de tumeur. Et j'ai envie de le dire et d'en parler. Oui j'ai eu un cancer et je vais bien. J'ai envie que les gens aient moins peur de la maladie. Et c'est pour ça que j'ai envie d'en parler. Qu'ils n'aient pas peur de me poser des questions.
Néanmoins, depuis j'ai peur de la récidive. Je suis suivie depuis la fin de mes traitements malgré ça, à la moindre douleur, je suis comme Aude, je m'imagine le pire.