Aux États-Unis, une campagne visant à lutter contre l’obésité fait actuellement polémique. Elle est composée de deux spots de prévention à l’attention des habitants de l’état du Minnesota, un état particulièrement touché par le problème de l’adiposité puisque les 2/3 des riverains y sont en surpoids. Dans le premier, on peut voir une mère faire les courses dans un supermarché et remplir son caddie d’une grosse quantité de nourriture trop grasse, trop salée ou trop sucrée, voire tout ça à la fois. Derrière elle, sa fille âgée de 7 ou 8 ans l’imite. Quand sa génitrice s’en rend compte et que son regard s’assombrit alors qu’elle prend conscience de ce que fait son enfant, un slogan apparaît à l’écran :
« Aujourd’hui est le jour où nous devons donner le bon exemple à nos enfants. »
http://www.youtube.com/watch?v=nXy2UZPncrk
Dans le second, deux pré-adolescents discutent dans un fast-food en attendant leur commande. Ils vantent chacun la capacité de contenance de l’estomac de leurs pères et se battent verbalement pour savoir lequel des deux mangent le plus. Le paternel de l’un des deux enfants arrive juste à temps, avec son plateau plein à craquer, pour entendre son fils dire, tout fier : « Quand je serai grand, je mangerai deux fois plus ! »
http://www.youtube.com/watch?v=1gCTX2EfUUs
Il y a des chances pour que votre première réaction en regardant la vidéo soit la même que la mienne : « Ouais ? Je vois pas plus pourquoi il y a polémique que je ne vois de taches sur les dents de Tom Cruise« . Car en France, nous sommes habitués à être soumis à des spots de prévention jouant justement sur la tendance qu’ont les enfants à imiter leurs parents. Pour prévenir de l’addiction au tabac, pour oeuvrer à davantage de sécurité sur les routes, ce genre de discours vise à faire prendre conscience aux parents qu’ils ne devraient pas montrer le mauvais exemple à leur progéniture. Dans ces cas-là, les personnes à l’initiative de cette campagne tirent sur une corde facile : la culpabilité.
Si ce type de procédés passe plutôt bien en France – malgré, bien sûr, quelques revendications disparates – la réalité est toute autre aux États-Unis.
Les États-Unis, pays de la liberté absolue
Les Américains insistent énormément sur leur liberté. Ça fait partie d’eux, c’est dans leur culture : ils n’aiment pas qu’on leur impose les choses, qu’on leur donne l’impression de s’incruster dans leur vie pour faire changer leurs habitudes. C’est par exemple l’argument principal des détracteurs de la réforme sur la santé voulue par Barack Obama dont la mesure-clé consiste à obliger tous les citoyens américains à se doter d’une assurance-maladie. Les détracteurs de cette loi arguent alors qu’on ne peut décemment pas obliger un citoyen à quoique ce soit car le gouvernement ne doit pas faire ingérence dans la vie des gens. L’importance du libre-arbitre, du « fézé ce que voulait nous on surveille de loin », se retrouve même dans la Déclaration d’Indépendance de 1776 :
« […] tous les hommes ont été créés égaux, qu’ils sont dotés de droits inaliénables par leur Créateur, que parmi ces droits il y a la vie, la liberté, et la recherche du bonheur. »
On peut donc imaginer que cette cellule-souche de la culture américaine ne fait qu’amplifier la mauvaise réception de cette campagne qui s’immisce dans la vie de l’Américain moyen pour lui faire la leçon et le culpabiliser sur le mode de :
« Eh ? C’est pas parce que t’es gros que ton enfant doit l’être, fais gaffe, un peu. »
Une campagne blessante et culpabilisante ?
Mais la critique la plus récurrente en ce qui concerne cette campagne vient du fait qu’elle pointe les parents et leur potentielle irresponsabilité du doigt au lieu de dénoncer le fait que les aliments les moins chers sont surtout les moins sains et qu’il faut régler ce problème avant de rejeter la faute sur les géniteurs. Cependant, pour le Dr Marc Manley, vice-président de Blue Cross et directeur exécutif de la branche prévention de l’organisme, l’aspect culpabilisant de cette campagne était une nécessité :
« Ce qui m’a convaincu, c’est une étude qui a démontré que la génération actuelle d’enfants
[dans le Minnesota] aura une espérance de vie plus courte que celle de leurs parents. C’est la première fois qu’on prévoit un tel phénomène aux États-Unis, et l’obésité en est la principale cause« , explique-t-il à The Atlantic.
Mais qu’en pensent les gens ciblés par cette campagne ? Lindy West explique pour Jezebel combien elle a détesté ces deux spots qui lui « ont donné envie de mourir ». Elle compare également son passé de petite fille ronde mais heureuse à celui des enfants obèses actuels :
« Je ne peux même pas imaginer être la même enfant en 2012 – devoir faire face à la tristesse et à la honte et les tuniques (TELLEMENT DE TUNIQUES), en plus de la douleur de savoir que le gouvernement pense officiellement que tu es une épidémie. Tu es un « problème » qui doit être « résolu ». »
Jouer sur les clichés de l’obésité
Les deux spots nous montrent des gens obèses qui mangent et n’achètent que de la nourriture grasse et peu onéreuse. Une véritable « généralisation » pour Lindy West, qui n’en peut plus d’avoir à se justifier d’être en surpoids avec une alimentation équilibrée :
« Je sais que personne ne va me croire. Qu’importe. Mais comme, apparemment, ce n’est pas quelque chose d’évident même pour les professionnels de la santé qui produisent des spots de campagne en série, je ne mange pas de putain de barres de chocolat ni de seau de crème glacée. »
Et quand bien même elle mangerait régulièrement ce genre de nourriture, elle estime qu’elle ne devrait pas pour autant se sentir forcée de « justifier son existence comme [elle] le fai[t] » dans cet article. Car ce que la campagne ne montre pas (on imagine pour rendre le message plus percutant et pour des raisons de manque de temps), c’est la diversité du surpoids : les causes sont rarement les mêmes d’une personne à une autre, ce que souligne là encore l’auteure tout à la fin de son billet :
« Il existe un million de sortes de gens gros dans le monde parce que LES GENS GROS SONT DES GENS. Et les enfants sont des gens. Et si la solution à votre problème est de dire à des enfants obèses déjà vulnérables qu’ils sont une épidémie qui ruine le monde, alors allez vous faire foutre. »
Le surpoids et l’obésité sont des points importants aux États-Unis : le souci, c’est que certaines des personnes ciblées par cette campagne ont eu l’impression qu’on leur fait de plus en plus comprendre que le problème, c’est eux. Avec la prise de conscience du gouvernement et la campagne Let’s Move lancée par Michelle Obama, ce genre d’initiatives risque d’être de plus en plus fréquent au pays de Nicki Minaj. Mais un juste milieu doit être trouvé entre la volonté de faire opérer une prise de conscience sans pour autant blesser et faire culpabiliser les personnes concernées.
Les Commentaires
Alors déjà ta formulation condescendante tu peux te la garder, merci. Deuxio, je ne vois pas le rapport entre ma réponse aux paroles d'une madmoizelle et ta question, alors pourrais tu, avec courtoisie, préciser ta pensée ?