« Il y pas une agression qui dure cinq minutes, l’inceste c’est pas ça, l’inceste ça ravage la famille », souligne justement Camille Kouchner.
Invitée de l’émission La Grande Librairie sur France 5, l’autrice a pris la parole pour la première fois à la télévision ce mercredi 14 janvier. Son livre choc La Familia Grande (éditions Seuil) est l’un des événements de cette rentrée littéraire.
Elle raconte l‘inceste, les viols subis par son frère jumeau à l’âge de 14 ans commis par son beau-père, le politologue Olivier Duhamel.
Avec ces révélations, Camille Kouchner brise le silence d’un des derniers grands tabous de la société entrainant une déflagration inédite dans le microcosme parisien.
Une prise de parole attendue
Pendant cinquante minutes, Camille Kouchner a répondu aux questions du journaliste François Busnel sans se départir de son calme. Moments de silence, hésitations : elle prend le temps de choisir les mots justes. Car pour comprendre, nommer l’innommable est essentiel. Avec courage, l’autrice affirme :
«Il faut désigner les choses. Mal nommer le choses, c’est ajouter au malheur du monde. Il faut nommer les choses, moi j’ai pas désigné les choses suffisamment tôt, je le fais aujourd’hui. Ne pas désigner c’est participer.»
Son monde se brise lorsqu’en en classe de troisième, son frère lui confie ce qu’il subit. Alors que c’est une petite fille, elle ne sait pas comment réagir mais garde le silence parce qu’il le lui demande.
Et surtout parce que le prédateur est son beau-père, un homme « qu’elle a beaucoup, beaucoup, beaucoup aimé ». Alors que son père Bernard Kouchner est absent, Olivier Duhamel devient la figure paternelle sur laquelle elle peut compter :
«Avant même le suicide mes grands-parents, il m’a apporté tellement de joie. Il m’apprenait la vie, à réfléchir, ce qu’était l’ironie (…) On a l’impression d’être élue, on a l’impression d’être choisie. »
C’est ainsi que se dessine l’emprise. Celle-ci se renforcera pendant la dépression de sa mère, Evelyne Pisier, à la suite du décès de ses parents. L’homme qu’elle décrit comme un « personnage solaire » prend de la place et le silence s’installe. Pourtant, son mal-être finit par se voir « physiquement » et « psychologiquement à l’école » mais personne ne lui pose la question.
Après des années de silence, son frère finit par parler en 2008. La famille et l’entourage sont très vite mis au courant. À l’annonce des faits, sa mère se réfugie dans le déni
évoquant « une histoire d’amour ». Une réaction aberrante pour Camille, qui précise sur le plateau de télévision :
« Dire qu’un adolescent ne dit pas non, c’est oublier que c’est aux adultes de dire non. Ma mère a oublié, c’était peut-être utile pour elle de penser ça ».
Dans le cadre de l’inceste ou d’agressions sur mineur, la question du consentement est souvent invoquée. Une problématique dont parle Vanessa Springora dans son livre Le Consentement (éditions Grasset). Une lecture qui a aidé Camille et, à son tour, elle veut aider d’autres victimes au-delà « du petit Saint-Germain-des-Prés qui n’a pas beaucoup d’intérêt ».
Quelques jours avant la publication du livre, Olivier Duhamel a démissionné des différents postes qu’il occupait, dont la présidence de la Fondation nationale des sciences politiques et la présidence du Siècle. Il a également mis un terme à sa participation de ses émissions sur LCI et Europe 1.
Questionné par François Busnel à ce sujet, Camille Kouchner répond :
« Mon beau-père, je l’ai mis dans ce livre, je voudrais qu’il reste dans le livre. Mon beau-père est mon beau-père. Le réel, la réalité c’est très difficile parce que c’est que c’est mon beau-père et c’est ça l’inceste, au bout du bout, c’est difficile. Il a fait un truc qui est impardonnable, impardonnable. Donc je ne lui pardonne pas. Moi j’ai eu à me taire pendant des années. Trente ans de silence et maintenant je trouve que le silence est pour lui. »
Démissions en série
Suite à la révélation de ce lourd secret en 2008, Camille Kouchner raconte dans son livre que « tout le monde savait ». Au sein de l’entourage du politologue, certains s’éloignent et d’autres restent. C’est un homme de réseau qui a réussi à se maintenir grâce au silence des proches qui aujourd’hui payent le prix.
Après avoir été cité parmi les proches du politologue par Libération, Marc Guillaume, préfet de Paris et d’Île-de-France, a annoncé, ce mercredi 13 janvier, sa démission de ses fonctions à Sciences-Po. Elle a été suivie par celle de Elisabeth Guigou, ancienne garde des Sceaux, de la présidence de la commission indépendante sur l’inceste, qui avait notamment tenu récemment des propos controversés sur l’affaire DSK dans un documentaire.
Dans une tribune publiée par Libération, étudiants, professeurs et salariés de Sciences-Po Paris demandent la démission de leur directeur Frédéric Mion, qui a reconnu avoir été alerté en 2019 des faits dans Le Monde.
L’onde de choc se poursuit. Du coté des commentateurs de plateaux de télévision, Alain Finkielkraut a été écarté par LCI après avoir relativisé les faits de viols lors de son passage dans l’émission 24H Pujadas.
A l’évidence, La Familia Grande a permis de mettre en lumière l’inceste, un mal dont on parle encore trop peu encore en France. Le débat autour de ce sujet laisse espérer une réelle prise de conscience de ce tabou.
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Les Commentaires
Je pense qu’après ça dépend vraiment des situations oui.
Mimer des actes sexuels ca peut être bizarre effectivement