L’intention était bonne, vraiment. Et pourtant, ça saoule tellement. Rémy et Charlie, deux amis qui ont monté la page Instagram Darons.tv, ont invité l’animateur Camille Combal, animateur radio et télévision, nouveau père d’un petit garçon de moins d’un an.
L’émission de 50 minutes, intitulée « 3 darons 1 café » se veut décomplexante, drôle et accessible. Rémy et Charlie papotent couches à changer et biberons à donner avec l’invité, lui demandent de revenir sur l’accouchement, les premiers mois, le tsunami parental, et de se livrer, très personnellement. L’intention est louable, pour une fois qu’on entend des mecs parler de ces sujets ! C’est suffisamment rare pour être souligné.
Et pourtant, qu’est-ce que c’est pénible à écouter.
Les pères de la nouvelle génération sont-ils mieux que la précédente ?
Pendant ces 50 minutes d’émission, Camille Combal, qui parle pourtant de sujets importants, même s’il ne s’en rend pas forcément compte, donne l’impression d’être un adolescent de 14 ans qui a découvert que devenir père n’équivaut pas à adopter un cochon d’Inde.
Camille Combal raconte les débuts de sa parentalité, allant de la grossesse à l’accouchement, jusqu’au retour à la maison, et à l’évolution de son fils. Il précise au passage qu’il n’a pas voulu que son épouse accouche à domicile et s’insurge même contre « ce nouveau truc de vouloir accoucher dans une baignoire ».
Et tout au long de l’émission, il est à côté de la plaque. Il avoue ne rien branler ou presque à la maison avec sa compagne et son bébé parce que « c’est une répartition à 80-20 % des tâches, moi tout ce que je veux, c’est faire marrer mon fils ». Camille Combal assume de ne pas gérer, de faire le minimum. Il estime même s’investir déjà beaucoup plus que les pères de la génération précédente.
Le rôle du père qui évolue, mais pas tant que ça
Ce qui se veut être une émission décomplexante sur la paternité est surtout un beau numéro de justification masculine un peu naze. Sous couvert d’humour, elle n’aide pas à faire avancer le rôle pourtant si essentiel de co-parent.
Médiatiquement, on a surtout affaire à des hommes qui tentent de prendre une place maladroite sur la thématique de la parentalité. Et bien sûr qu’elle les concerne tout autant, allant de l’éducation des enfants à la répartition égale des tâches domestiques dans un foyer. Et pourtant, ça fait chou blanc.
Grâce à ses propos tenus dans l’émission, on voit bien que Camille Combal ne fait pas « sa part » du job, il participe, il fait ce qu’on lui dit, mais c’est tout. Il avoue que lorsqu’il essaye de faire par lui-même, sa conjointe est toujours derrière, pour vérifier si c’est bien fait. Bouh, les méchantes femmes qui ne laissent pas faire les hommes, c’est leur faute tout ça, non ?
Au lieu de t’en plaindre, Camille, demande-toi plutôt pourquoi elle fait ça ? Peut-être parce que si elle te laissait gérer complètement le bordel, ça serait la catastrophe ? Peut-être qu’être « chill », comme il le dit lui-même, est une humeur qui se tente dans sa vie perso, mais quand on a un nouveau-né à la maison, c’est plutôt l’organisation qui prime et qui sauve les meubles, pas le « on verra comment on s’en sort ».
Ne pas s’organiser et y aller sans se prendre la tête, pourquoi pas, mais seulement si les deux parents sont dans le même délire. Ça ne marche pas s’il n’y en a qu’un seul des deux qui est dans cet esprit, et que c’est l’autre qui trinque pour empêcher le navire de couler, comme cela semble être le cas ici. Parce que sinon, celle qui tient la barque, c’est la mère (comme souvent).
Sortir du cliché du père « marrant » et de la mère « reloue »
Camille Combal semble tellement ancré et habitué à un schéma social qui distribue les rôles qu’il ne voit pas où est le problème. Même si ses intentions ne paraissent pas mauvaises, c’est naïf, inégalitaire et injuste.
Cette discussion, bourrée de clichés et de phrases toutes faites qui passent bien dans la bouche des mecs comme « les femmes sont des guerrières quand elles accouchent, leur corps sait quoi faire » et bla-bla-bla sont tellement ancrées dans la société qu’elles sont presque vues comme un bingo des phrases à cocher lorsque l’on parle de parentalité.
C’est bien dommage, tout ça. Chers hommes et co-parents, la prochaine fois, plutôt que de consacrer une émission à la parentalité, qui peut vraiment faire la différence dans une société où c’est encore et toujours la femme qui se tape pratiquement l’intégralité des tâches ou presque, impliquez-vous réellement. Informez-vous, parlez autour de vous, faites votre part et même un peu plus, pourquoi pas ! Ne remettez pas encore des pièces dans la machine, soyez des pères de 2023. On s’en fout de la forme, on veut du fond.
Rôle du père dans la société : il y a encore du boulot
En première intention, dans cette émission, on a envie de compatir, quand Camille Combal parle de son émotion lors de l’accouchement, de sa fatigue les premiers mois, de l’amour qu’il porte à son fils. Mais quand on connait la réalité derrière tout ça, quand on connait les difficultés que l’accueil d’un enfant implique, et qu’on est face à des propos aussi déconnectés, ce côté touchant annihile le fond du problème.
Tant que les hommes seront coincés dans un schéma simpliste de nigauds où ils se dépatouillent comme ils le peuvent face à la mère forte, courageuse, qui gère, mais qui emmerde un peu trop, on ne bougera pas de la place moisie où on a tous les fesses posées. On peut mieux faire, toutes et tous, non ? On a tellement tous à y gagner, promis.
Espérons que les prochains invités de cette émission relèveront un peu le niveau.
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Les Commentaires
J'en suis même à me demander si c'est à prendre au 2e ou 3e degré car je me dis qu'un mec qui a la trentaine ne peut pas être autant à l'ouest en 2023.
J'ai dans mon entourage un bon paquet de mecs qui auraient du mal à se revendiquer féministes et pourtant aucun d'entre eux n'a le comportement de ce gars. Camille Combal est un ado immature, il n'a pas compris que son travail en tant que père dépasse le rôle du clown de service.
On a pourtant l'impression que ses interlocuteurs en face sont en décalage avec ce qu'il dit, probablement aussi car pères d'enfants plus âgés. Mais je ne donne pas cher de son couple s'il agit vraiment comme ça dans la vraie vie.
Quelques points aussi : je n'en peux plus de cette rengaine sur les mères control freak. Oui on est relous et Emma a fait une super bd sur le sujet, mais en fait c'est facile de lâcher prise quand l'autre assure. Sauf que si tout le monde lâche prise, bah c'est la bérézina. Donc je comprends que la meuf ne le laisse pas un weekend seul avec le bébé s'il n'est même pas capable après 8 mois de comprendre que sa famille a besoin d'autre chose que de rigoler. Parce que certes l'enfant ne va pas en mourir si ce n'est qu'un weekend mais ça ne peut pas devenir le quotidien si les 2 parents étaient comme ça.
Quant aux commentaires sous la vidéo, ils me minent le moral. J'ai essayé de répliquer pour remettre les pendules à l'heure et certaines personnes (femmes) sont en phase.
Bref, vidéo bien inutile.