S’il y a bien un truc que je déteste, ce sont les caméras cachées qui font rire en provoquant la peur chez les gens. Alors quand j’ai appris que les auteurs de l’une d’entre elles avaient été condamnés à de la prison ferme, ma surprise n’a pas été bien grande.
Les hommes en question œuvrent sur YouTube, sur la chaîne Trollstation. Ce collectif britannique s’est spécialisé dans les bons gros canulars de très mauvais goût.
Par exemple, dans la vidéo How to Scare a Prostitute to Death Prank (Comment faire mourir de peur une prostituée), deux de leurs membres font venir une travailleuse du sexe pour la piéger : ils lui font croire qu’il y a un cadavre de fille dans la salle de bain et l’empêchent de sortir de la pièce en question (et s’étonnent qu’elle déchire l’argent que le mec lui tend en partant).
Énorme classe. (Non) (j’ai vomi quatre fois.)
Dans Shots Fired in Public (Des coups de feu tirés en public), ils miment une dispute qui se termine en coups de feu.
En septembre 2014, à l’heure où le virus Ebola tuait des centaines de personnes en Afrique de l’Ouest, Trollstation y est allé de son canular dans le métro en laissant penser que la maladie avait gagné l’Angleterre. Il faut se rappeler qu’en août de la même année, l’OMS qualifiait l’épidémie d’« urgence de santé publique à portée mondiale » — c’est dire à quel point les citoyen•nes étaient peu tranquilles à ce sujet.
Emdéhèr. Jipépé et tout le bordel (faux, je suis en poker face deluxe).
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Mais aucune des vidéos mentionnées ci-dessus n’est celle pour laquelle le collectif a été inculpé. Dans la séquence qui les a amenés devant la justice, ils font mine de voler des tableaux dans deux célèbres musées de Londres : la National Portrait Gallery et le Tate Britain.
On y voit trois de leurs membres, les visages cachés par des bas, hurler et courir avec de faux tableaux sous le bras. Un quatrième diffuse le bruit d’une alarme pour que les visiteurs pensent qu’il s’agit de celle du musée. Un cinquième filme la scène, les gens paniquent et courent vers la sortie. Aucun• blessé•e n’a été recensé mais une femme, effrayée, s’est évanouie.
Une caméra cachée, donc, qui va les conduire en prison pour quelques temps.
Les trois membres de Trollstation qui ont couru avec de faux tableaux ont été condamnés à de la prison ferme pour une durée de dix-huit à vingt semaines, pour « comportement injurieux, menaces et pour avoir fait croire qu’un incident violent avait eu lieu », comme on peut le lire sur Big Browser – Le Monde. Celui qui courait et diffusait un bruit d’alarme a écopé de seize semaines.
Comme on l’apprend sur Big Browser, la personne qui filmait la scène a été condamnée à douze semaines. Elle purgeait déjà une peine de 24 semaines pour avoir filmé un adolescent installant une valise et une alarme à un arrêt de bus, simulant une bombe.
Vraiment des petits génies.
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Ces sentences peuvent paraître sévères aux yeux de ceux et celles que les caméras cachées font mourir de rire et qui ne voient pas où est le problème. Je ne juge pas ces gens-là, en aucun cas. J’ai du mal à les comprendre, mais je sais une chose : les goûts et les couleurs divergent.
Par contre, je juge un peu plus ceux et celles qui font ces caméras cachées-là.
La défense des cinq membres de Trollstation visait justement à rappeler que oh, ça va, c’était juste une blague qui avait mal tourné parce qu’elle était pas assez réfléchie. Les membres jugés ont eux-mêmes affirmé que leur intention était de divertir, pas de faire peur, comme on peut le lire sur Buzzfeed.
Je suis pas journaliste et je prétends en aucun cas à « l’objectivité » de la profession. Du coup, je me permets de te dire que je fais cette tête-là devant cet argument.
Le juge, lui, ne trouve pas ce sens de l’humour tout à fait à son goût.
Il le considère même, pour reprendre ses propres mots, « tordu et immature ».
C’est un sens de l’humour qui, en tout cas, a fait paniquer des dizaines de personnes et a fait s’évanouir l’une d’entre elles.
C’est un sens de l’humour qui, en tout cas, a fait paniquer des dizaines de personnes et a fait s’évanouir l’une d’entre elles. Un sens de l’humour qui utilise la peur prenant aux tripes des gens comme toi et moi, dans le but de faire rire.
C’est le même sens de l’humour qu’on retrouve dans toutes les caméras cachées de ce style. Il y a celle où des gens croisent la route d’un homme démembré avant d’être poursuivis par un gars avec une tronçonneuse dans un parking. Il y en a une autre encore où des gens prennent l’ascenseur et s’y retrouvent enfermés avec une inquiétante petite fille sortie de nulle part et qui se met à hurler, comme s’ils ne paniquaient pas assez comme ça.
Bien sûr, il y a une différence entre faire vraiment mal à quelqu’un et faire semblant de lui faire mal, pour rigoler. Je pense pas que les gens qui organisent ce genre de canulars le fassent parce qu’ils sont profondément malveillants. Je crois que, peut-être, ils ne réfléchissent pas aux conséquences de leurs farces.
Il y a autant de sensibilités que de personnes sur Terre ; certaines passent au peigne fin la blague qu’ils s’apprêtent à faire pour être sûres de ne pas faire de mal, qu’elle ne soit pas mal interprétée, et adaptent leurs plaisanteries à leur public. D’autres foncent dans le tas avec leurs boutades sans se poser de questions (et puis y a tout un monde au milieu hein, il existe plus de deux catégories de personnes).
C’est fou. Moi, j’suis clairement plus du côté de ceux et celles qui essaient de prévoir au maximum l’impact de leurs plaisanteries avant de les faire (et en plus j’ai l’empathie très forte et facile) (je suis pas en train de dire que c’est mieux d’être comme moi, hein, j’explique simplement ma façon d’être).
Du coup, forcément, les concepts qui jouent avec le rythme cardiaque de gens qui n’ont rien demandé à personne, je déteste.
Je vais utiliser un grand mot, peut-être, mais quand je vois ce genre de vidéos, j’ai l’impression de voir une agression (c’est d’ailleurs clairement le cas parfois — notamment dans Dog, la vidéo datant de l’année dernière où Rémi Gaillard, mimait une levrette sur une femme sur la plage, en étant déguisé en chien).
Je déteste vraiment très fort ces caméras cachées, mais pas toutes. Il y en a qui sont très bien réussies et qui ne jouent pas sur des ficelles cruelles pour faire marrer !
Sérieusement, y a moyen de faire de l’humour sans être méchant•e. C’est un truc qu’on a parfois du mal à comprendre quand on est petit, mais au bout d’un moment, on est nombreux•ses à avoir compris la différence entre la moquerie « au détriment de » et la moquerie « avec » quelqu’un.
Et faire peur à des gens au point qu’ils paniquent voire s’évanouissent, bah ouais, c’est méchant. C’est pas irrévérencieux, c’est pas insolent, c’est pas classe. C’est méchant.
Moi quand on me dit « Et là mdrrrrr la meuf elle a cru qu’elle allait crever, trop trop drôle » (oui, j’illustre tout cet article avec The Office, ça me réconforte.)
Et donc ouais, y en a des super, des caméras cachées ! Je dirais que les trois-quarts de celles du collectif Nou me font crever de rire — notamment celles des sosies ratés et du karaoké sauvage, pour te situer ma came en la matière.
Les caméras cachées qui font rire les « victimes » me font rire (celles qui les font rire PENDANT, pas après, de soulagement, avec encore des larmes de trouille dans les yeux).
Celles qui n’impliquent pas de contacts physiques non souhaités — parce que ça me met mal à l’aise de regarder quelqu’un forcé d’avoir une interaction physique, même quand ça n’est pas une agression — ont plus de chances de me faire émettre des gloussements.
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Vraiment, j’ai du mal à comprendre le succès des caméras cachées cruelles.
Vraiment, j’ai du mal à comprendre le succès des caméras cachées cruelles. En plus de me faire stresser comme une dingue pour les victimes, ça me fait stresser pour moi : et si jamais, un jour, j’étais la cible de ce genre de gags ? Rien que d’y penser, j’en sue de la raie !
Mais elles font rire plein de gens, et je m’en voudrais si j’avais la possibilité de l’interdire — genre si j’étais cheffe du monde (mais j’ai qu’une licence d’anglais, je doute que ça suffise pour prétendre au poste).
Je culpabiliserais, parce que ça voudrait dire que je priverais plein de gens de leur source de déconne préférée. Alors je vais me contenter de frissonner de peur et de dégoût en croisant tous les doigts, chaque fois, pour que ce rendez-vous professionnel dans ce lieu inconnu ne soit pas en réalité une caméra cachée avec un mec qui va faire semblant de vouloir me tuer.
Car oui. J’y pense chaque fois. C’était Josie Chimoupourien, à vous les studios.
Les Commentaires
J'avais vu une vidéo horrifiante comme ça. Une fille proposait un rendez-vous avec un inconnu via Tinder et un complice jouait son copain qui rentrait et faisait semblant de sortir un flingue et de menacer le pauvre gars piégé. D'ailleurs un d'entre eux devient agressif quand il apprend que c'est une "blague", a l'air de beaucoup hésiter à casseur la gueule du blagueur, et bon sang j'approuve pas mais j'ai du mal à lui en vouloir. Mais bon sang vous imaginez si un mec piégé s'énerve vraiment pour de bon ? S'il frappe les deux qui l'ont piégé ? Sort un vrai flingue ?
Même chose avec les gros cons qui effrayaient des gens dans un parking avec une hache ou une tronçonneuse je sais plus. C'est totalement possible que la victime arrive à monter dans sa voiture située pas loin et tente d'écraser le "blagueur" avec, pensant sauver sa vie. Quand on est paniqué, on réagit parfois n'importe comment.
Un jour cette mode stupide provoquera un mort. Le pire c'est que je suis même pas certaine que ça stoppe le phénomène.