« Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie. »
C’est l’une des quelques phrases prononcées par Camélia Jordana au sujet des violences policières, dans l’émission On n’est pas couchés (ONPC pour les intimes) de ce samedi 23 mai.
Camélia Jordana parle de sa peur de la police dans ONPC
La chanteuse, invitée dans le cadre de son futur album Facile, a parlé de divers sujets dont le difficile statut des intermittents du spectacle, particulièrement touchés par la crise économique liée au confinement et à la pandémie de coronavirus.
Face à l’écrivain Philippe Besson, Camélia Jordana a également évoqué les violences policières racistes qui la mènent à ressentir une peur spécifique face aux forces de l’ordre :
« Aujourd’hui j’ai les cheveux défrisés, quand j’ai les cheveux frisés, je ne me sens pas en sécurité face à un flic en France. Vraiment. Vraiment. »
Son interlocuteur a pris la défense des policiers, rappelant que certains manifestants les mènent, par leur comportement, à user de la force, et que les flics sont parfois victimes de violences pendant leurs interventions.
Ce à quoi Camélia Jordana a répondu :
« Je ne parle pas des manifestants, je parle des hommes et des femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue et qui se font massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau. C’est un fait. […]
Si à chaque fois, au lieu d’avoir un non-lieu quand une femme ou un homme noir ou arabe, ou simplement pas blanc, se fait tuer […] peut-être que les flics ne seraient pas détestés en fait. »
À noter que, comme le rappelle le Huffington Post, les flics ne sont pas spécialement « détestés » en France, contrairement à ce qu’assène Camélia Jordana : l’opinion des citoyens et citoyennes concernant la police demeure positive
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Christophe Castaner dénonce les propos de Camélia Jordana
Les réactions à ce débat entre Camélia Jordana et Philippe Besson ne se sont pas fait attendre, et ce des deux « côtés » de l’opinion publique.
Nombreux et nombreuses ont été les internautes à saluer le discours de la chanteuse, mais beaucoup de gens les ont aussi dénoncés.
Notamment le Syndicat des Officiers et Commissaires de Police, mais aussi Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur :
De nombreuses personnalités d’extrême-droite ont également condamné les propos de Camélia Jordana, dont des élus du Rassemblement National et… Marine Le Pen elle-même.
La police française et le racisme, un vrai sujet
Hasard du calendrier, c’est aussi le 23 mai qu’a été publié sur un blog Médiapart l’article Quand l’extrême droite prolifère dans la police.
Ricardo Parreira y décrypte de nombreux symboles et insignes portés par des policiers, qui peuvent faire référence à des idéologies d’extrême-droite.
Cet article de Checknews, par Libération, rappelle également qu’une majorité des votes exprimés par militaires et policiers lors d’une enquête de 2017 allaient à Marine Le Pen.
Et tout récemment, fin avril 2020, l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) a été saisie après la diffusion d’une vidéo montrant des policiers utilisant le terme « bicot », une insulte raciste envers les personnes maghrébines.
Le racisme dans la police est un vrai sujet, je comprends donc que Camélia Jordana l’ait abordé, à sa façon, lors de son intervention sur le plateau d’ONPC.
Elle ne souhaite pas s’exprimer dans la presse, mais est prête à échanger avec Christophe Castaner :
Affaire à suivre, donc !
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Les Commentaires
Tu constates personnellement une différence de comportements et de gestion des questions sensibles selon les générations? Je pose la question vraiment par curiosité car de l'extérieur, c'est dur de vraiment distinguer les policiers mais en tout cas, le ressenti que j'évoquais me fait souvent associer les policiers masculins que je croise à des hommes pas franchement très progressistes et je ne suis du coup pas du tout plus à l'aise avec les jeunes policiers (l'attitude policière que je ressens de l'extérieur me rappelant souvent les attitudes patriarcales dominantes classiques des hommes qu'on croise dans toutes les sphères de la société mais en plus avec un pouvoir très particulier, je me méfie peut-être même plus des jeunes car j'ai plus de 30 ans, ce qui m'a fait gagner une certaine crédibilité aux yeux des vieux mecs par rapport à mes 20 ans mais ne change pas grand-chose avec les plus jeunes).
Donc je trouve ça intéressant de savoir que tu as l'air de constater un peu l'inverse de l'intérieur!
Est-ce que c'est quelque chose que vous apprenez vraiment et sur laquelle vos supérieurs insistent? En fait, j'étais pas particulièrement "choquée" sur le coup des discussions de ces policiers (ce qui d'ailleurs explique certainement que j'ai ressenti un malaise diffus, car je ne pouvais pas spécifiquement dire ce qui me gênait, il n'y avait rien de particulièrement scandaleux dans leurs propos mais tu mets bien le doigt sur un des problèmes!), car on voit beaucoup de travailleurs faire ça devant des tiers, comme par exemple des vendeurs dans des magasins qui bavardent entre eux ou ce genre de choses, même si évidemment, j'imagine qu'on leur demande à eux aussi de ne pas faire ça. Du coup, c'était pas spécialement inhabituel pour moi d'être témoins de gens qui se plaignent de leur job librement devant moi. Mais c'est évident que ça n'a pas du tout le même impact d'entendre des vendeurs chez Zara se plaindre de leur boulot quand tu chines dans les rayons et des policiers qui sont en train de s'occuper de ton cas.
Donc je me demandais si en tant que policiers, il y avait quelque chose qui vous rappelait en permanence l'importance de l'éthique et du savoir-être? Quand on voit les réactions de certains syndicats, franchement, ça me donne l'impression que non, mais j'imagine bien que c'est une impression faussée, donc ça m'intéresserait de savoir comment tu le ressens!
Alors je connais super mal le boulot de l'IGPN mais quand je lis certaines affaires, ça me décourage un peu. Par exemple, j'avais suivi en détail le procès des policiers du quai des Orfèvres accusés de viol et ça m'avait beaucoup choquée parce que sans avoir l'impression que l'IGPN les couvrait, j'avais eu un peu l'impression qu'elle n'était franchement pas très motivée pour enquêter sur des collègues et que son boulot n'était pas extrêmement neutre. Et d'autres affaires m'ont donné un peu cette impression.
Du coup, toi, tu as l'impression qu'il y a un vrai travail neutre et approfondi derrière? Ma question peut sembler provoc mais c'est pas du tout le cas, c'est plus de la naïveté et une méconnaissance totale du fonctionnement de l'IGPN. Donc je trouverais ça intéressant d'avoir le point de vue de quelqu'un "de l'intérieur"!
Je suis d'accord que c'est pas une position facile à tenir, mais quand on voit la com particulièrement violente et provocatrice de certains syndicats policiers, bah j'ai quand même l'impression que certains avis peuvent parfaitement être donnés par des policiers sur la place publique et c'est pour ça que je trouve regrettable qu'on n'entende pas les voix plus modérées.