Fin novembre 2011, mais le champagne est déjà prêt à couler à flot ! Et oui, c’est officiel, j’ai déjà ma licence, mon BAC +3 en poche avant la fin de l’année universitaire. Prétentieux, moi ? Que nenni ! C’est tournée générale et dans une jolie pochette cadeau de la part du Ministère de l’Éducation Supérieure. Qui a dit que le niveau des études allait crescendo ? Il faut croire qu’arrivé à un certain stade, il chute…
C’est à la mode et ça fait rêver, communication, publicité et marketing deviennent des filières en pleine expansion. Et mon IUT de province avec sa licence n’y échappe pas. Et les grands manitous de l’université savent vous la vendre. « Intégrez une formation d’excellence, d’avenir et devenez les futurs cadors de la communication ».
Oh, quelle chance, après moult sélections, j’intègre cette formation d’élite. Youpi, je vais être riche $$$ le roi de la com’ avec un diplôme aussi formidable. NIET ! Prends ça ! Tu ne seras le roi de rien du tout !
100% de réussite
Dès la rentrée, tu commences à comprendre qu’il y a des trucs louches… 100 % de réussite depuis la création de la licence. Là, deux possibilités, soit les mecs sont vraiment super bien formés, soit les dés sont pipés. Non, pas possible. Pardon, je m’égare. On parle quand même d’une université française, où le programme est contrôlé par le ministère et où l’avenir de centaines de jeunes se joue.
Comment ça, il n’y aura pas de partiel ? Le contrôle est continu ? Et évalué par les professeurs et le directeur lui-même de la licence et de l’IUT ? Oh mon Dieu ! Mais, si je comprends bien cela veut dire que les personnes qui attribuent les notes et qui valident le diplôme sont les mêmes personnes qui ont intérêt à ce que les étudiants réussissent s’ils veulent voir leurs subventions et programmes continuer à exister ? CQFD. J’ai intégré une formation où je ne peux que réussir car il en va de la survie même de la formation. Quel prof serait assez ahuri pour se planter lui même un couteau dans le dos ?
Des sujets connus à l’avance…
Mais ce n’est pas tout. Comment être certain d’arriver à 100 % de réussite ? En n’apprenant rien aux étudiants et en leur mâchant le travail, pardi ! Pour ceux qui pensent que je noircis le tableau, comment qualifieriez-vous le fait que dans votre boîte mail vous receviez deux semaines avant une évaluation le sujet pour « être sûr que tout le monde comprenne bien les questions » ? Comment appelleriez-vous un enseignant qui fait une « évaluation commune, comme ça je n’ai qu’une seule copie à corriger et pour vous, c’est le 17 assuré » ? Et les cours (quand ils existent) sont du niveau de mon BAC STG, retour à la case départ. Ouf, j’avais gardé mes annales ! Certains jours, je me demande si je ne rêve
cauchemarde pas : croyez-moi lorsque je vous dis qu’il est normal de passer 8 heures de cours avec un intervenant tel que le directeur marketing d’un conseil régional pour apprendre la périodicité de la presse. Mensuel = tous les mois. Bienvenue en licence.
Monde de merde
Pour ceux qui pensent que je suis veinard de pouvoir valider mon BAC +3 fingers in the nose, et que je devrais m’estimer chanceux, et bien c’est qu’ils n’ont rien compris.
Moi, je pense à mes parents qui ont arrêté l’école en 5ème, qui ont travaillé toute leur vie et qui aujourd’hui sont au chômage dans une société où il faut un master en relations publiques pour être caissière. Mon diplôme vaut peanuts et quand on va le découvrir, je ne pourrais même pas être pompiste.
C’est aussi une question de fierté. Où est l’honneur personnel, la sensation d’accomplissement, quand tout est acquis par avance ? Comment trouver sa place sur le marché de l’emploi avec un diplôme Kinder surprise ? Et vous, lecteur, vous qui payez des impôts, ne vous sentez-vous pas embarrassés de remplir les poches de ces « professeurs » en échange de leur simple présence dans un amphithéâtre ? Je ne suis pas le seul dindon de la farce, vous l’êtes aussi.
J’ose espérer que toutes les licences ne ressemblent pas à la mienne : un déshonneur pour le système éducatif supérieur français. Ne rien dire c’est être complice. Je refuse d’être allié de la facilité, de l’assistanat. Je veux mériter mon diplôme, phosphorer dur et non me le voir offrir. C’est mon travail qui lui donne de la valeur. Question d’amour propre je suppose.
Nos politiques le martèlent suffisamment « l’avenir de la France, c’est aussi les jeunes diplômés ». Alors, si on veut que le pays ait une réelle chance d’avenir, façonnons des étudiants aux têtes bien pleines et ne leur offrons pas sur un plateau des diplômes-coquilles vides.
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